C’est généralement l’instance ou le bureau chargé des poursuites judiciaires qui décide ou non de poursuivre les contrevenants. Il s’agit habituellement d’une instance distincte de celle chargée de l’enquête ; cette distinction fait partie des mécanismes d’équilibre des pouvoirs qui protègent les citoyens contre les mesures répressives arbitraires.
L’application de l’intégrité électorale exige que le fait d’engager des poursuites soit décidé de façon objective et sur la base d’un examen minutieux de la cause, du poids des éléments de preuve et des fondements des poursuites.
Examen objectif
Pour décider s’il faut entamer une procédure judiciaire, le ministère public entreprend généralement un examen complet et objectif de l’affaire. Cet examen peut s’appuyer sur les questions suivantes :
- Quelles sont les lois qui ont été violées ?
- Les allégations sont-elles fondées sur des faits et existe-t-il des témoins crédibles et fiables prêts à témoigner devant un tribunal ?
- Le contrevenant avait-il l’intention de violer la loi ?
- Quelles sont les possibilités d’obtenir une condamnation ?
Dans certains systèmes, les membres du ministère public sont élus. Par conséquent, ils peuvent être sensibles à l’opinion publique et aux implications politiques de dossiers particuliers, notamment les affaires de fraude électorale impliquant des hommes ou femmes politiques. Outre son influence sur la décision d’un organisme chargé des poursuites, l’opinion publique peut également considérer qu’il est davantage responsable de ses conclusions que ne le sont la police ou les enquêteurs, qui sont de « simples » fonctionnaires. Si les électeurs n’aiment pas le style ou le travail des personnes chargées des poursuites, ils peuvent ne pas les élire lors de l’élection suivante.
Malgré la nécessité de satisfaire l’opinion publique, ces personnes doivent s’efforcer de demeurer impartiaux et d’appliquer les lois de manière juste et équitable. Leur examen d’une plainte et des pièces à conviction est censé aboutir à la définition objective des fondements justifiant les poursuites. Dans le cas de poursuites injustes ou injustifiées, un recours peut être exercé par le biais des mécanismes prévus dans le processus de surveillance et d’application ou par un appel.
Facteurs d’intérêt public
Certains systèmes utilisent le critère de l’« intérêt public » pour décider si une affaire doit ou non faire l’objet d’une procédure judiciaire. Il peut s’agir d’une décision subjective influencée par le contexte social et politique du pays.
Par exemple, pour se prononcer sur d’éventuelles poursuites, Élections Canada prend en compte différents facteurs, tels que la gravité de l’infraction ; les circonstances atténuantes ou aggravantes ; les éventuelles causes d’irresponsabilité/d’atténuation de la responsabilité du suspect ; les mesures alternatives aux poursuites ; les conséquences éventuelles de poursuites sur l’ordre public ou la confiance du public dans l’intégrité des lois ; la nécessité d’un effet dissuasif ; les ressources disponibles ; les délais pour engager les poursuites ; les articles de loi dont la validité peut être contestée et l’opportunité d’appliquer les mêmes règles uniformément dans tout le pays [1].
Aux États-Unis, les organismes chargés des poursuites doivent garder à l’esprit que durant les campagnes électorales, la société est prête à tolérer certains comportements qu’elle n’accepte pas dans les relations commerciales, personnelles ou gouvernementales. Par conséquent, en règle générale, l’infraction de « fraude électorale » concerne uniquement les efforts organisés pour corrompre le processus électoral même, c’est-à-dire l’inscription des électeurs, l’exercice du vote, le dépouillement des votes et la certification des résultats d’élection. Cette définition exclut toutes les activités liées aux campagnes politiques, sauf si ces activités violent une loi précise (par exemple voler les biens d’un adversaire, pénétrer par effraction dans les bureaux d’opposants ou contrevenir aux lois sur le financement des campagnes). Il est rare que des poursuites pénales soient engagées suite à des actes ou paroles de candidats lors d’une campagne [2].
Les organismes chargés des poursuites doivent donc étudier si une mesure administrative ou une autre approche est préférable à des poursuites judiciaires.
Poursuites à l’échelle nationale ou locale
Au sein de l’appareil judiciaire, l’instance compétente pour connaître d’une demande est déterminée d’abord par la loi qui a été transgressée. Dans un système fédéral, où il existe des lois fédérales, de l’État fédéré et locales, une infraction relative à une élection peut constituer une violation à la fois de la législation fédérale et de l’État fédéré. Les questions d’intégrité peuvent entrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de décider quelle autorité judiciaire est compétente pour traiter l’affaire. Une affaire sensible sur le plan politique sera-t-elle traitée plus objectivement au niveau fédéral ou local ? Les organismes locaux chargés des poursuites vont-ils vouloir s’engager dans une affaire politique sensible susceptible d’avoir d’importantes répercussions ?
Les affaires de fraude électorale étant toujours délicates sur le plan politique, les organismes locaux chargés des poursuites (qui sont en règle générale eux-mêmes élus) peuvent hésiter à les prendre en charge [3]. Ces questions doivent être prises en considération pour déterminer quelle instance engagera les poursuites et laquelle est la plus à même de s’assurer que les procédures sont menées avec intégrité.
[1] Commissaire aux élections fédérales, Investigators’ Manual, 2004
[2] Donsanto, Craig, « The Federal Crime of Election Fraud », Proceedings of the Third Annual Trilateral Conference on Electoral Systems, IFES, op. cit.
[3] Donsanto, cité ci-dessus, p. 1