Pour assurer l’efficacité d’un régime de financement politique, il faut conférer au contrôleur du financement politique (CFP) le pouvoir de prendre les mesures exécutoires administratives qui s’imposent. S’il n’a pas le pouvoir de négocier des règlements ou d’imposer des sanctions en toute indépendance, le CFP dépend pleinement d’autres organismes gouvernementaux et des tribunaux pour appliquer les lois sur le financement politique.
Lorsqu’on applique la loi, cela ne veut par nécessairement dire que l’on impose des sanctions administratives ou que l’on se tourne vers les tribunaux civils ou criminels. Lorsque la situation s’y prête, on peut souvent résoudre plus rapidement et à coûts moindres les cas de non-conformité grâce à des approches extrajudiciaires – comme la formation, la négociation ou l’imposition de « sanctions humiliantes ».
Éducation et formation
L’une des méthodes visant à encourager l’observation de la loi consiste à mettre en place des programmes d’éducation et de formation destinés aux participants aux élections réglementés. Le CFP organise alors des séminaires de formation ou publie des manuels ou des résumés rédigés en langage clair traitant des lois et règlements applicables. La formation permet non seulement de promouvoir une culture de conformité, mais elle habilite aussi les partis et les candidats à surveiller eux-mêmes leurs propres activités de déclaration et de financement, puis à corriger les erreurs occasionnelles. Il faut encourager l’autosurveillance en réduisant les sanctions prévues lorsque des erreurs ou des infractions sont autocorrigées ou encore en considérant l’autocorrection comme un facteur atténuant.
Les négociations informelles, comme les mécanismes d’entretien, de conciliation et de règlement extrajudiciaire des différends, peuvent s’avérer une solution à la non-conformité [1] . Habituellement, ce genre de négociations se soldent par une entente de conformité ou de conciliation : l’entité déclarante reconnaît qu’elle a enfreint la loi et accepte de prendre certaines mesures, de payer une amende civile ou de se plier à tout autre recours. La meilleure façon de procéder consiste à rendre publics tous les règlements à l’amiable. En particulier, si le CFP n’a pas le pouvoir d’imposer des sanctions administratives ou d’intenter des poursuites contre les contrevenants, la négociation et la conciliation peuvent devenir de précieux outils pour assurer la conformité aux lois sur le financement politique.
Les mécanismes substitutifs de règlement des différends offrent plusieurs avantages :
différends réglés plus rapidement;
rôle actif des participants aux élections et d’autres répondants à l’établissement du règlement qui les concerne;
coûts réduits et diminution des ressources par rapport aux mécanismes exécutoires traditionnels.
Sanctions humiliantes
Puisque la publicité constitue l’élément vital de la politique, l’humiliation publique est l’une des techniques exécutoires extrajudiciaires les plus efficaces. La diffusion publique des rapports de vérification définitifs des partis et des candidats dans une publication imprimée ou sur le site Web du CFP en est un bon exemple. On vient ainsi encourager l’éducation du public et la divulgation. On persuade aussi les entités déclarantes de corriger les problèmes repérés dans leurs rapports au cours du processus de vérification, de peur que les infractions qu’ils ont commises deviennent de notoriété publique. L’affichage sur le Web d’une liste noire de partis ou de candidats reconnus coupables d’infraction est un autre exemple de sanction humiliante.
La couverture médiatique est essentielle au processus d’humiliation. Le département responsable des médias au bureau du CFP peut promouvoir la conformité en informant les médias au fur et à mesure que des mesures exécutoires sont adoptées et en organisant des points de presse périodiques au sujet des exigences en matière de financement politique auxquelles les participants aux élections doivent satisfaire.
Sanctions administratives
Toute sanction extrajudiciaire dépend finalement de la bonne volonté des participants aux élections réglementés, alors qu’une sanction criminelle dépend plutôt de la bonne volonté de l’organisme chargé d’appliquer la loi. D’où la nécessité que l’autorité compétente impose des sanctions administratives. Dans plusieurs pays, le CFP impose lui-même des sanctions ou des amendes aux partis politiques, candidats ou autres participants aux élections. Souvent, il établit un processus quasi judiciaire qui statuera sur les infractions à la loi sur le financement politique.
Le processus qui permet de déterminer s’il y a eu infraction et d’évaluer les sanctions connexes doit varier en fonction de la gravité des infractions ou des sanctions potentielles. La meilleure façon de traiter les infractions mineures (p. ex. dépôt de rapports en retard ou incomplets) pourrait être en fonction d’une norme de « responsabilité absolue » accompagnée, au minimum, d’un processus d’imposition d’amendes peu élevées. Par exemple, les CFP du Canada et des États-Unis administrent un régime d’amendes peu élevées visant à punir les infractions mineures et à encourager la conformité volontaire [2] . Il n’est pas nécessaire, dans ces circonstances, de tenir des audiences publiques ou de s’en remettre à un tribunal, et il est probablement possible de satisfaire aux normes établies en remettant un avis à l’entité contrevenante et en lui donnant la possibilité d’y répondre. Ce système ressemble à celui qu’utilisent plusieurs villes pour délivrer des contraventions en cas de stationnement illégal. Toute sanction monétaire doit être proportionnelle à l’infraction commise, et suffisamment sévère pour avoir un effet dissuasif.
Dans le cas d’infractions plus complexes, d’infractions intentionnelles ou d’un aveu de culpabilité, le CFP peut établir un processus d’audience quasi judiciaire qui statuera sur l’affaire comme il se doit et qui accordera au participant à l’élection en faute une véritable occasion d’être entendu. Ce processus commence habituellement par la remise d’un avis selon lequel des accusations ont été déposées et que le participant électoral a le droit de les contester. Une décision administrative peut être rendue par une commission nommée par le CFP ou par un juge administratif à l’emploi d’un système juridique administratif. Peu importe qui agit à titre d’arbitre, l’accusé à droit à une forme de procès impartiale et neutre sur le plan politique. De plus, la procédure établie exige que le participant électoral ait la possibilité de présenter une défense en fournissant, en personne ou par écrit, des preuves en ce sens et de mettre à l’épreuve les preuves présentées par le gouvernement.
NOTES
[1] International Institute for Democracy and Electoral Assistance. Funding of Political Parties and Election Campaigns, 2003, p. 151.
[2] IFES. Enforcing Political Finance Laws: Training Handbook, février 2005, p. 32.