Lorsqu’une plainte est reçue ou qu’une allégation d’infraction est signalée, il convient de décider s’il faut enquêter ou non. La possibilité qu’une enquête soit ouverte à la suite d’une plainte potentiellement infondée ou déposée à des fins politiques soulève d’importants problèmes d’intégrité.
Pour garantir l’intégrité du processus d’examen de la plainte et de la décision d’enquêter ou non, les plaintes doivent être examinées de manière professionnelle dans un délai raisonnable. Cet examen doit notamment établir si la plainte est digne de foi, s’il y a lieu de croire qu’une loi a été enfreinte et si une enquête permettrait d’identifier le contrevenant.
La plupart des pays ont adopté des procédures standard et des critères permettant de déterminer la validité d’une plainte et le caractère justifié d’une enquête.
Validité de la plainte
Voici plusieurs facteurs qui permettent d’établir la validité d’une plainte ainsi que l’organisme compétent en matière d’enquête.
- Objet. L’objet de la plainte suggère-t-il qu’une infraction a été commise ? Est-il suffisamment grave pour justifier une enquête ?
- Violation de la loi. Y a-t-il eu violation d’une loi et, le cas échéant, laquelle ? S’agit-il d’une affaire administrative, civile ou pénale ? Une loi nationale a-t-elle été enfreinte, justifiant de ce fait une enquête centrale (ou fédérale), ou s’agit-il d’un problème régional ou local ?
- Envergure. S’agit-il d’un acte isolé ou la violation est-elle le résultat d’un effort organisé visant à saboter le processus électoral ? Les problèmes systémiques de grande envergure relèvent souvent de la compétence d’une juridiction nationale [1]. L’irrégularité, si elle est avérée, peut-elle avoir des répercussions sur les résultats de l’élection ?
- Pièces à conviction. Dispose-t-on de suffisamment d’éléments factuels dans la plainte pour donner des pistes à suivre aux enquêteurs ? Peut-on raisonnablement penser que ces faits pourraient être vérifiés par une enquête ? Les témoins sont-ils dignes de foi et disposés à coopérer ?
La plupart des systèmes ont élaboré des procédures détaillées en matière d’évaluation des plaintes, intégrant notamment un calendrier de réponse au plaignant.
Motifs de rejet d’une plainte
Dans la plupart des systèmes, les plaintes peuvent être rejetées pour une ou plusieurs des raisons suivantes :
- Les allégations sont anonymes et l’affaire n’est pas suffisamment grave pour justifier une enquête.
- Les allégations sont vagues ou futiles, et il est peu probable qu’une enquête complémentaire fournisse des informations concluantes.
- Aucune loi, aucun règlement ne semblent avoir été enfreints.
- Les allégations semblent fondées, mais une enquête ne permettrait pas d’identifier les contrevenants, ou les éléments de preuve ne sont pas suffisants.
- Il ressort de l’enquête qu’il n’y avait pas de volonté d’enfreindre la loi.
- La plainte a été déposée après le délai de prescription.
Les erreurs dites « administratives », qui portent exclusivement sur des tâches administratives et ne relèvent pas d’un pouvoir de discrétion politique, sont généralement traitées par l’intermédiaire des procédures de surveillance de l’organisme de gestion électorale. Les erreurs ayant eu d’importantes répercussions sur le résultat d’une élection sont généralement contestées par le perdant par le biais des procédures de plainte et d’appel.
Détermination de la priorité d’une affaire
Une politique détermine également le caractère prioritaire d’une enquête. En effet, les enquêtes sur des allégations de fraude électorale demandent beaucoup de temps et d’efforts. Certains organismes chargés de l’enquête ne disposent pas des moyens humains ou financiers nécessaires pour enquêter sur chaque plainte fondée. Des problèmes d’intégrité peuvent apparaître en l’absence de critères objectifs permettant d’établir le caractère prioritaire des enquêtes, lorsque cette tâche est laissée à l’appréciation des enquêteurs eux-mêmes ou des responsables de l’application des lois. Ces derniers pourraient être soupçonnés « d’enterrer » les affaires susceptibles d’avoir des ramifications politiques ou d’accorder la priorité à des affaires présentant relativement peu d’importance.
Les problèmes d’intégrité de ce genre peuvent être traités de manière efficace grâce au contrôle et à la surveillance du processus d’application des lois, qui sont discutés dans la sous-section consacrée à la surveillance de l’application des lois.
[1] Donsanto, Craig, « The Federal Crime of Election Fraud », Proceedings of the Third Annual Trilateral Conference on Electoral Systems, IFES, op. cit.