La plupart des enquêtes relatives à des irrégularités électorales sont entreprises à la suite d’une plainte déposée par un particulier ou des conclusions de l’organe de surveillance. Dans les systèmes dans lesquels les enquêtes ne sont pas menées par la police, les enquêteurs ne sont pas nécessairement habilités à ouvrir une enquête en l’absence de plainte officielle ou d’une autre autorisation. C’est le cas du Canada, où il est interdit aux enquêteurs spéciaux d’ouvrir une enquête sans l’accord du Commissaire aux élections fédérales ou du conseiller du Commissaire [1]. À condition de ne pas présenter une menace et d’être facile d’accès aux simples citoyens, une procédure de dépôt de plainte peut faciliter le signalement des problèmes d’intégrité. Les citoyens ne doivent pas avoir peur de porter plainte en bonne et due forme, et ne doivent pas non plus en être dissuadés par des procédures pesantes ou intimidantes. En règle générale, les procédures de dépôt de plainte intègrent souvent les caractéristiques suivantes à titre de protection de l’intégrité d’une élection :
- Toute personne peut porter plainte concernant une question électorale ou connexe si elle a raisonnablement lieu de penser qu’une loi a été enfreinte ou qu’une infraction est sur le point de se produire. Cela permet aux autorités de découvrir et de réprimer les infractions. Pour éviter tout excès de zèle, il est possible de limiter les sujets sur lesquels les citoyens ou les électeurs peuvent porter plainte individuellement, par exemple leur propre inscription sur les listes électorales, ou l’inscription d’autres personnes de leur région [2]. Il peut également être exigé un nombre minimal d’électeurs afin de valider une plainte portant sur les procédures électorales de manière plus générale.
- Les plaintes doivent être déposées par écrit, signées et datées, puis envoyées au bureau compétent. Pour éviter les plaintes futiles ou anonymes, certains systèmes exigent qu’elles soient notariées. Cependant, certaines personnes peuvent redouter de porter plainte si elles sont tenues de décliner leur identité. Le système de dépôt de plainte devrait comporter un mécanisme en prévision de ces situations, par exemple pour assurer la protection de l’identité du plaignant.
- Les plaintes doivent être déposées dans un délai établi, montrer qu’une infraction a été commise et, si possible, identifier les personnes impliquées. Les plaignants doivent faire la distinction entre des déclarations fondées sur leurs connaissances personnelles et des informations indirectes ou des rumeurs. Les sources d’information doivent être citées. Les responsables de l’application des lois auront ainsi suffisamment d’informations pour évaluer la plainte et décider si elle justifie une enquête.
Publication des plaintes
La décision de rendre publique une plainte ou de la garder secrète peut poser des questions d’intégrité. L’opinion publique a-t-elle le droit d’être informée des atteintes au processus électoral qui ont fait l’objet d’une plainte ? Si oui, dans quelle mesure ? Si une plainte est rendue publique, les suspects peuvent apprendre qu’ils font l’objet d’une enquête et détruire des pièces à conviction. Cela peut également faire courir des risques aux personnes ayant porté plainte, qui voudront peut-être protéger leur identité, voire leur sécurité personnelle.
La publication d’une plainte durant la phase d’enquête dépend principalement du système en vigueur et de la nature de la plainte. Au Canada, la politique consiste à « ne confirmer ni infirmer l’existence d’une plainte et d’une enquête, ni commenter publiquement l’identité du plaignant ». D’autres systèmes peuvent confirmer l’existence d’une plainte, mais n’autoriser aucun commentaire concernant l’enquête en cours.
Quelle que soit l’approche utilisée, il convient de concilier les impératifs de transparence du processus d’application des lois et d’intégrité de l’enquête.
[1] Commissaire aux élections fédérales du Canada, Investigators’ Manual, 2004. (Les références ultérieures à la même source ont été supprimées. Voir la note immédiatement précédente.)
[2] OSCE/BIDDH, « Existing Commitments… », op. cit., Partie une, paragraphe 10.3 : « Les candidats à l’élection doivent pouvoir porter plainte concernant tous les aspects des opérations électorales. Leur plainte doit pouvoir être entendue par l’instance judiciaire ou administrative compétente et ils doivent avoir la possibilité de faire appel devant le tribunal compétent. Les électeurs doivent pouvoir porter plainte et faire appel en cas de violation de leur droit de vote, notamment en matière d’inscription sur les listes électorales. » (références omises)