Un certain nombre de systèmes politiques et électoraux excluent
spécifiquement la participation des personnes, organisations et groupes qui
sont considérés comme représentant une menace pour l’ordre constitutionnel ou
social. L’expérience historique permet généralement de déterminer lesdites
menaces. Dans la plupart des systèmes, il existe des moyens indirects (des
mesures judiciaires, par exemple) pour éliminer les menaces immédiates ; d’autres
systèmes disposent d’une base juridique (constitutionnelle ou législative)
spécifique pour interdire certains programmes politiques ou sociaux ainsi que
les comportements inacceptables de leurs adhérents.
Les types de programmes ou de mesures qui font l’objet de telles
restrictions voient le jour de plusieurs façons :
1. « lustration » [1] – « nettoyage » du
système politique afin d’éliminer les influences passées jugées indésirables.
Parmi ceux appliqués lors de récentes élections, on compte par exemple l’interdiction
de certains candidats ou partis associés à/partisans des groupes
suivants :
- anciens
gouvernements socialistes (en particulier leurs services de sécurité) dans
les États postsoviétiques ou les États anciennement soumis au contrôle ou
à l’influence soviétique [2] ;
- anciens régimes
nazis ou sous le contrôle des nazis, notamment en Allemagne et en Autriche [3] ;
- anciennes familles
royales, telles que les Habsbourg en Autriche [4] ou les anciennes familles dirigeantes en Roumanie et en Serbie.
2. d’autres menaces à l’ordre constitutionnel, comme celles que
représentent les groupes terroristes ou groupes dissidents violents. Les
meilleures illustrations de ce principe proviennent certainement des
différentes affaires contre la Turquie
portées devant la Cour européenne des droits de l’homme [5].
3. les menaces potentielles de troubles à l’ordre social découlant
des programmes extrêmes contre certains groupes de la société, tels que des
groupes ethniques (généralement appelé « discours de haine »), ou d’autres
pays (« propagande de guerre ») ; les interdictions contre une
telle expression et association abondent dans les anciens pays socialistes.
Cette catégorie comprend également les restrictions associées, telles que la
négation de l’Holocauste ou du génocide arménien.
Pour évaluer les normes qui excluent les individus ou groupes
menaçant l’ordre constitutionnel, il est important d’estimer le type et la
mesure de la menace perçue par rapport à la violation des droits de l’homme et
des droits civils à la liberté de conscience, d’expression, d’association et de
réunion. Pour ce qui est des normes visant à diminuer l’influence d’anciens
régimes ou familles dirigeantes, il est également essentiel de considérer le
temps écoulé depuis que ces groupes étaient au pouvoir et de déterminer s’ils constituent
toujours une réelle menace. (Dans certains cas toutefois, notamment pour les
Habsbourg, l’obligation d’exclure d’anciens dirigeants du processus
démocratique s’appuie toujours sur une base juridique découlant des
dispositions du Traité d’État autrichien qui rétablit un État autrichien
indépendant, et de la loi interdisant tout parti nazi [Verbotsgesetz]) [6] adoptée en 1947.
Concernant l’imposition et le maintien de règles limitant la
participation de certaines personnes et organisations dans le processus
électoral, un document de l’OSCE/BIDDH précise ce qui suit :
« Le rejet d’une candidature au motif que le programme d’un
candidat ou parti viole la Constitution ou que cette candidature représente un
risque déraisonnable de violence doit être fondée sur une détermination
justifiée qui fera l’objet d’un contrôle juridictionnel : a) le programme
du candidat ou parti est basé sur une haine ethnique, la violence politique ou
la propagande de guerre, ou est autrement incompatible avec les valeurs fondamentales
de la démocratie ; ou (b) son comportement montre qu’il n’est pas disposé
à respecter la loi ou à se limiter à des moyens pacifiques pour atteindre ses
objectifs. Les mesures contre les candidatures sur la base de tels motifs
doivent être proportionnées et ne pas être prises pour des raisons
politiques. » [7]
[1] Le terme « lustration » dériverait de l’usage
médiéval, faisant référence au nettoyage des champs et des villages par le feu
après une grave épidémie.
[2] Voir, p. ex., OSCE/BIDDH, Republic of Latvia, Parliamentary Elections, 7 October 2006,
OSCE/ODIHR Limited Election Observation Mission Report (Varsovie,
8 février 2007), p. 4-6.
[3] Voir, p. ex., OSCE/BIDDH, Republic of Austria, Presidential Election, 25 April 2010, OSCE/ODIHR
Election Assessment Mission Report (Varsovie,
9 juillet 2010), p. 10-11
[4] Ibid., p. 18
[5] Voir, p. ex., Affaire
Incal c. Turquie, rapports de la CEDH 1998 - IV
[6]Voir, p. ex., OSCE/BIDDH, Republic of Austria, Presidential Election, 25 April 2010,
OSCE/ODIHR Election Assessment Mission Report, ibid.
[7] OSCE/BIDDH, Existing
Commitments…, op. cit., Partie une, paragraphe 6.4