La communication est essentielle à tout programme de financement
politique et à son système d’application de la loi. Complète et effectuée dans
les temps, elle permet au public de savoir qui finance une campagne
particulière au cours du cycle électoral et comment les fonds sont dépensés
dans le cadre de cette campagne. La communication permet à l’organisme de
régulation du financement politique (RFP) de déterminer si la campagne respecte
les lois sur le financement politique. Dans les systèmes de financement public,
le RFP peut ainsi calculer le montant des fonds publics devant être alloués à
la campagne, le cas échéant, et s’assurer que les fonds sont dépensés
uniquement à des fins légitimes et en rapport avec la campagne en question.
Afin d’aider le RFP à détecter et à sanctionner les infractions
aux règles sur la communication du financement politique, un certain nombre de
dispositions peuvent être introduites dans la loi électorale :
Comité et agent responsables des
opérations financières
La loi peut exiger de chaque participant à l’élection qu’il
autorise un comité particulier et désigne une personne (qui agit en tant qu’agent
financier ou trésorier) chargés de l’ensemble des dépenses et recettes. Le
comité et le trésorier doivent utiliser un seul compte bancaire, dont toutes
les opérations sont communiquées au RFP. Ce principe a été défendu en
mai 2003 par la Cour constitutionnelle du Costa Rica qui a statué que le secret bancaire ne s’appliquait pas
aux actifs des partis politiques et que les informations concernant les comptes
détenus par les partis devaient être mises à la disposition du grand
public [1].
Les comités de participants à une élection ne doivent pas être
autorisés à utiliser des fonds ou des comptes autres que le compte officiel
indiqué. En autorisant un seul canal financier pour chaque participant à une
élection, la loi permet au RFP de suivre plus efficacement les opérations liées
au financement politique.
Communication de l’ensemble des
transactions financières
La loi doit exiger la communication de l’ensemble des opérations
financières et préciser celles qui doivent être déclarées.
- Reçus : le
comité doit divulguer le montant et la nature de chaque contribution
(chèque, espèces ou contribution non monétaire, c.-à-d. en nature) ainsi
que l’identité, l’adresse et l’employeur/entreprise de chaque donateur.
- Dépenses : le
comité doit divulguer toutes les dépenses, accompagnées de la date, du
montant et des bénéficiaires ainsi que toutes les dettes et obligations
contractées.
- Prêts : le
comité doit divulguer tous les prêts et toutes les avances reçues, y
compris l’identité du prêteur, l’entreprise/emploi, la date et le montant
du prêt initial ou avance, et la date à laquelle le prêt ou l’avance a été
remboursé(e).
La loi peut également exiger la communication complète des actifs
d’un parti politique et/ou candidat individuel par le comité, en particulier
dans les pays où aucun autre enregistrement n’existe pour identifier ces
actifs.
Documentation
Par ailleurs, il peut être demandé aux participants à une élection
de maintenir à jour des registres financiers pour confirmer leur déclaration et
de les produire sur demande du RFP. Avec des registres financiers précis, à
jour et suffisants pour établir une piste d’audit, le RFP sera en mesure de
vérifier les activités financières du participant à l’élection et s’il respecte
la loi. Sans cette documentation, le RFP ne peut pas vérifier efficacement les
registres financiers du participant. En conséquence, le grand public peut
perdre confiance dans l’intégrité de la réglementation sur le financement
politique et les participants qui respectent la loi ne peuvent être assurés d’un
traitement équitable.
Dans l’idéal, la loi devrait exiger que les participants
conservent des dossiers indiquant chaque contribution reçue, y compris des
copies de chèques, mandats, relevés de cartes de crédit des contributions
reçues ; pour les donations en espèces ou non monétaires (en nature), le
donateur devrait signer un reçu de vérification de la contribution comme pièce
justificative. De même, les documents relatifs aux prêts doivent être
conservés, y compris les accords de prêts écrits avec copies des chèques, des
mandats ou d’autres documents liés à la réception ou au remboursement de fonds.
En ce qui concerne les dépenses, les participants à une élection doivent
conserver :
- des copies de toutes
les notes, factures, et reçus des biens/services achetés ;
- des copies des
chèques utilisés pour payer ces biens et services ;
- dans le cas de
paiement de traitements et de salaires, des registres détaillés indiquant
les services fournis et leurs coûts ;
- pour chaque achat
réalisé avec la carte de crédit/débit de l’entité concernée, les relevés
du compte associé et les reçus permettant d’identifier le fournisseur.
Si toutes ces exigences sont en vigueur, le RFP disposera de
suffisamment de documentation pour réaliser des audits complets. Toutefois,
dans les pays où il n’existe pas d’obligation de documentation ou en cas de
non-respect de ces exigences, le RFP doit aussi être habilité à contraindre les
participants à l’élection à produire les registres financiers afin qu’il puisse
vérifier les informations déclarées.
Certains pays (p. ex.;
le Canada, Israël) exigent que le public ait accès aux registres des
partis [2]. Si tel n’est pas le cas, il pourra s’avérer nécessaire de donner
l’autorité au RFP pour délivrer des injonctions obligeant les candidats et les
responsables de partis à témoigner et à produire les documents ou dossiers
électroniques relatifs à la campagne.
Le RFP doit également être habilité à pénétrer physiquement dans
les bureaux des entités déclarantes et à accéder à leurs informations, afin de
vérifier les documents originaux et l’existence des biens/services achetés avec
les fonds publics. Par exemple, la commission électorale britannique est habilitée à exiger des responsables de partis
politiques compétents qu’ils fournissent des livres, documents ou registres
concernant le parti ; elle a également le droit d’entrer dans les locaux d’un
parti afin d’examiner ses registres [3]. Pour éviter que cela ne se transforme
en harcèlement, il faut envisager d’exiger le mandat d’un juge (ou une
injonction) pour pénétrer dans les locaux du parti et inspecter, voire saisir,
ses registres [4].
Communication au grand public
La divulgation au grand public des informations financières
communiquées au RFP par les candidats, partis ou autres participants à une
élection joue un rôle important dans l’éducation du public. Malheureusement,
une enquête récente menée auprès de 118 pays a montré, qu’au 1er
janvier 2000, 17 % d’entre eux ne rendaient pas publics les
renseignements financiers, préférant une politique de « communication
cachée » [5].
Il est préconisé de recueillir les informations communiquées par
les participants à l’élection et de les regrouper dans des rapports clairs et
compréhensibles à l’intention du grand public, pour diffusion par les médias,
affichage sur le site internet du RFP ou distribution en version papier.
En Allemagne, par exemple, les
rapports financiers des partis sont exhaustifs et rédigés selon un format
commun prescrit par la loi, facilitant ainsi l’examen et la comparaison [6].
La communication dans les pays non
démocratiques
Enfin, il convient de noter que la pleine communication présente
des difficultés particulières dans les pays non démocratiques, puisque tout
renseignement publié par un parti de l’opposition peut être utilisé par le
parti au pouvoir pour harceler ou menacer ses opposants. Par exemple, lors de l’élection
présidentielle de 1999 en Ukraine, le
gouvernement a harcelé certains donateurs à la campagne du candidat de l’opposition
Oleksander Moroz, qui ont été forcés de se présenter devant les services
fiscaux pour expliquer la provenance de leurs capitaux [7].
[1] Transparency International, Rapport mondial sur la corruption 2004, p. 28.
[2] Institut international pour la démocratie et l’assistance
électorale (IDEA), Funding of Political
Parties and Election Campaigns, 2003, p. 150.
[3] Transparency International, Rapport mondial sur la corruption 2004, p. 54.
[4] (Voir l’exemple cité ci-dessous concernant l’élection
présidentielle de 1999 en Ukraine.)
[5] Ibid., p. 46
(citation d’USAID, Money in Politics
Handbook: A Guide to Increasing Transparency in Emerging Democracies, Washington
DC, 2003), op. cit.
[6] International IDEA, Funding
of Political Parties and Election Campaigns, op. cit., p. 149.
[7] Transparency International, Rapport mondial sur la corruption 2004, p. 41.