Introduction
Le sabotage du processus électoral constitue une atteinte à la confiance du public. Il résulte d’actes illégaux. L’application du cadre juridique des élections est indispensable pour protéger l’intégrité électorale. Sans moyens de répression suffisants, même la meilleure législation peut être contrecarrée, voire rejetée.
L’application de la loi exerce un pouvoir dissuasif sur les tentatives de fraude et constitue une protection face aux problèmes menaçant l’intégrité électorale. Les pratiques malhonnêtes ou frauduleuses ne sont pas les seules sources de problèmes d’intégrité. Ceux-ci peuvent en effet résulter d’une erreur humaine ou d’omissions involontaires. Même quand elles ne procèdent pas d’une mauvaise intention, ces erreurs doivent faire l’objet de mesures correctives appropriées. Différentes institutions et différents mécanismes peuvent être responsables du respect de l’intégrité électorale et des lois en la matière, selon les principes établis par le cadre juridique de chaque pays.
Dans certains systèmes, les organismes chargés de l’application des lois jouissent d’une indépendance institutionnelle totale. D’autres sont regroupées sous une même institution avec les organismes de gestion électorale et d’élaboration des politiques. De manière générale, pour être efficace, l’application des lois exige :
- la définition claire des types d’infraction ;
- la possibilité de porter plainte ;
- la volonté d’enquêter ;
- la décision d’entamer une procédure afin d’établir les faits et de recueillir des éléments de preuve ;
- des procédures administratives ou civiles, ou des poursuites judiciaires et des procédures pénales, afin que les contrevenants assument la responsabilité de leurs actes ;
- un jugement détaillé et la possibilité de faire appel ;
- des peines et des sanctions appropriées et efficaces à infliger aux personnes reconnues coupables.
Références internationales
Comme les droits civils et politiques (y compris électoraux) relèvent du champ d’application du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 25), d’autres dispositions du Pacte s’appliquent, en particulier l’article 2.3 (droit à un recours utile). Quelles que soient les procédures d’application des lois concernées, cependant, il faut tenir compte également de l’article 14.1 [1].
Cette disposition a d’ailleurs fait l’objet d’une interprétation officielle [2] qui s’avère particulièrement utile pour la résolution des affaires à caractère électoral. Premièrement, il est important de comprendre que les mesures de protection visées à l’article 14 ne s’appliquent pas uniquement aux procédures pénales : « [cette garantie] doit également être respectée par tout organe exerçant une fonction juridictionnelle. » [3]. Deuxièmement, les droits des personnes passant en jugement ne peuvent pas être entravés de jure ou de facto, ni être exclus par le caractère particulier du tribunal en question [4]. Troisièmement, le droit à l’égalité devant les tribunaux suppose également « l’égalité des armes » et l’absence de déséquilibre de la procédure, que ce soit sur le fond ou du point de vue procédural. Pour la même raison, la présence d’un défenseur peut être nécessaire pour faire valoir ce droit [5]. Enfin, l’article 14.1 dispose que toute personne faisant l’objet d’une procédure (quel que soit son nom : administrative, civile ou pénale) a droit « à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial » [6].
Le droit général décrit ci-dessus comporte également plusieurs autres éléments [7], parmi lesquels :
- les juges doivent être protégés contre toute forme d’ingérence politique dans leur décision ;
- la révocation des juges doit être limitée à des motifs graves uniquement et conforme à des procédures équitables et légales assurant l’objectivité ;
- les juges doivent se montrer impartiaux, et la nature de la procédure doit donner une impression d’impartialité à un observateur raisonnable.
Discussion
Les études et les commentateurs sont nombreux à souligner que, pour être efficace, l’application des lois doit être active, impartiale et exécutée dans les temps. Les organismes d’enquête et leurs enquêteurs doivent jouir d’une indépendance suffisante pour examiner les allégations de fraude électorale ou d’activités illicites autres et pour entamer une procédure judiciaire. Les enquêteurs doivent être objectifs et professionnels, mais aussi protégés de toute ingérence politique dans leur travail.
L’intégrité suppose également de protéger les droits des dénonciateurs, des témoins et des accusés. Les défendeurs doivent avoir accès à une représentation légale et aux informations qui ont été recueillies contre eux. Ils doivent également pouvoir présenter une défense adaptée. Ces mesures de protection sont abordées dans les sections consacrées aux droits des accusés et aux droits des personnes faisant l’objet d’une enquête.
En règle générale, les personnes chargées des poursuites sont des fonctionnaires ou des élus, qui peuvent être sensibles à l’opinion publique et aux dimensions politiques du problème faisant l’objet d’une enquête. Ils ont parfois un pouvoir discrétionnaire leur permettant de décider si les pièces à conviction recueillies justifient des poursuites et, dans ce cas, d’identifier les personnes qui seront poursuivies. L’exercice de ce pouvoir de manière subjective ou illimitée peut toutefois avoir des conséquences néfastes sur l’intégrité électorale. Les tribunaux et (le cas échéant) les jurys établissent la culpabilité ou l’innocence des accusés. Ils doivent se montrer impartiaux. Un jugement objectif est fondé sur des faits et sur le contexte juridique, et non sur l’affiliation politique, la discrimination ou une rumeur infondée. Pour qu’une procédure pénale soit équitable, il faut un système judiciaire indépendant.
Le processus d’application des lois peut être confronté à des pressions internes et externes et à des difficultés. Un système transparent caractérisé par un équilibre des pouvoirs peut protéger l’intégrité des activités d’application des lois. Ces questions sont abordées dans les sections consacrées à la surveillance de l’application des lois et aux enquêtes dans des conditions difficiles.
[1] Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 14.1 : « Tous sont égaux devant les tribunaux et les cours de justice. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil. Le huis clos peut être prononcé pendant la totalité ou une partie du procès soit dans l’intérêt des bonnes mœurs, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, soit lorsque l’intérêt de la vie privée des parties en cause l’exige, soit encore dans la mesure où le tribunal l’estimera absolument nécessaire lorsqu’en raison des circonstances particulières de l’affaire la publicité nuirait aux intérêts de la justice; cependant, tout jugement rendu en matière pénale ou civile sera public, sauf si l’intérêt de mineurs exige qu’il en soit autrement ou si le procès porte sur des différends matrimoniaux ou sur la tutelle des enfants. »
[2] Comité des droits de l’homme de l’ONU, Observation générale n° 32 : Article 14. Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours de justice et à un procès équitable, 23 août 2007, document CCPR/C/GC/32
[3] Ibid., paragraphe 7.
[4] Ibid., paragraphe 9 :« Une situation dans laquelle les tentatives d’une personne pour saisir les tribunaux ou les cours de justice compétents sont systématiquement entravées va de jure ou de facto à l’encontre de la garantie énoncée dans la première phrase du paragraphe 1 de l’article 14. Cette garantie exclut également toute distinction dans l’accès aux tribunaux et aux cours de justice qui ne serait pas prévue par la loi et fondée sur des motifs objectifs et raisonnables. »
[5] Ibid., paragraphes 10 et 13
[6] Ibid., Troisième partie
[7] Ibid.