Il existe différents types d’enquêtes. Les médias mènent parfois leur propre enquête lorsqu’ils rapportent des allégations de fraude électorale ou d’autres problèmes dans ce domaine. Les ONG et les observateurs électoraux nationaux peuvent également enquêter sur les problèmes qu’ils rencontrent et réunir des éléments de preuve à ce sujet. Ensuite, ils rendent le problème public ou transmettent les éléments recueillis à l’autorité chargée des poursuites.
Les groupes de citoyens et les médias peuvent jouer un rôle efficace en veillant à ce que les problèmes d’intégrité fassent l’objet d’une enquête officieuse si une enquête officielle ne peut être organisée en raison d’un manque de volonté politique ou de fonds insuffisants. Dans les pays où ces enquêtes officieuses ont lieu, la loi établit généralement des règles visant à protéger les droits et la vie privée des particuliers, et à éviter l’ingérence dans des enquêtes officielles.
Enquêtes officielles
Chaque pays dispose de son propre système d’enquête à la suite de plaintes relatives à des violations électorales. Les détails de ce système sont généralement définis par la loi et les règlements, qui mandatent un ou plusieurs organismes à cet effet.
Dans certains systèmes, la police constitue le mécanisme d’enquête officielle et collabore avec l’organisme de gestion électorale ou un organisme de surveillance. Dans d’autres systèmes, la responsabilité des enquêtes incombe à l’organisme de gestion électorale, ou à un bureau dédié au sein de cet organisme, comme le Commissaire aux élections fédérales au Canada.
Dans les systèmes fédéraux, l’organisme qui prendra une affaire en charge peut dépendre de la loi qui a été enfreinte. Aux États-Unis, par exemple, il existe au sein du ministère de la Justice un bureau dédié aux infractions électorales fédérales, tandis que les États gèrent eux-mêmes les violations de leurs propres lois. La Commission fédérale électorale enquête à l’échelle nationale sur les violations de la législation sur le financement des campagnes, mais ces affaires sont rares.
Les enquêtes officielles visent à établir si un acte illégal ou une infraction a été commis, à établir les faits pertinents et à déterminer si les faits conduisent aux responsables. Si l’enquête se dirige vers une hypothèse raisonnable de culpabilité, les informations doivent être transmises à l’organisme chargé de l’application des lois. L’autorité compétente (l’autorité chargée des poursuites pour les affaires pénales) détermine généralement si les preuves recueillies justifient une action complémentaire et quelles sont les personnes qui doivent être poursuivies pour chaque infraction ou violation commise.
Il convient toutefois de noter que, bien souvent, la détermination des responsabilités n’est pas toujours possible ni même utile à l’issue d’une enquête de nature administrative (et non pénale). C’est le cas, par exemple, lorsqu’un organisme de gestion électorale enquête sur des cas de fraude ou d’autres irrégularités. Son objectif principal, et le plus urgent, sera de déterminer s’il y a effectivement eu des irrégularités et, dès lors, de rectifier ou de faire disparaître leurs effets sur les résultats des élections. La question de l’auteur de l’irrégularité peut dans ce cas être secondaire, ou être examinée en dehors de l’urgence requise pour la publication de résultats électoraux dignes de foi.
Intégrité des enquêtes
Les enquêtes relatives aux élections doivent respecter les mêmes principes d’intégrité que ceux que l’on attend des administrateurs électoraux et des participants. De manière générale, la protection de l’intégrité d’une enquête exige :
- Indépendance : une enquête se doit d’être objective et impartiale. Cela se révèle difficile lorsque les enquêteurs subissent des pressions politiques afin de parvenir à certaines conclusions. Il est plus facile de rester objectif si l’organisme chargé des enquêtes ne dépend pas d’un autre pour ce qui est de ses orientations, de ses ressources ou de son personnel.
- Neutralité : l’organisme chargé de l’enquête doit être neutre, tout comme ses enquêteurs. La neutralité peut être plus facile à préserver si l’organisme est politiquement indépendant et si ses membres appartiennent à la fonction publique, au lieu d’être nommés par la classe politique. On peut également promouvoir la neutralité en imposant à chaque enquêteur de divulguer leurs conflits d’intérêts potentiels dans les affaires en cours et en veillant à ce qu’ils ne participent pas aux enquêtes sur ces affaires.
- Compétence : la compétence d’un organisme chargé de l’application des lois dans une affaire donnée est déterminée au premier chef par les lois qui ont été enfreintes. Cela peut notamment poser problème dans les systèmes fédéraux dans lesquels des élections sont parfois organisées en parallèle à l’échelon national, régional et local.
- Enquêteurs qualifiés : les enquêteurs doivent être des professionnels qui savent enquêter, réunir des éléments de preuve ou pièces à conviction qui seront protégé(e)s et admissibles dans des procédures administratives ou judiciaires, et protéger les droits des témoins. Dans le cas contraire, l’enquête pourrait ne pas être adaptée ou son intégrité pourrait être compromise.
- Des procédures efficaces : les problèmes d’intégrité abordés dans cette section peuvent être évités en élaborant des procédures opérationnelles efficaces en matière d’enquête et de collecte d’informations, en vue de protéger ou d’analyser les pièces à convictions et de protéger les droits des témoins et des suspects.
- Respect des droits civils et politiques des témoins et des suspects : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques constitue la référence juridique internationale en matière de protection des droits civils et politiques, mais également des droits de l’homme d’ordre plus général. Concernant les droits des personnes impliquées dans des procédures judiciaires, les observations pertinentes du Comité des droits de l’homme de l’ONU doivent être prises en compte [1].
- Calendrier : le moment choisi pour ouvrir une enquête peut avoir d’importantes répercussions sur son intégrité. Si elle démarre pendant une campagne électorale, l’enquête peut être utilisée comme munitions politiques par certains candidats. En revanche, le fait de ne pas ouvrir une enquête pourtant justifiée pourrait nuire à l’intégrité du processus. Tout bien considéré, la situation peut se résumer ainsi : une enquête doit être menée suffisamment rapidement pour que les pièces à conviction et les témoins soient toujours disponibles, mais sans perturber le processus électoral.
- Fraude électorale : les enquêtes pour fraude électorale doivent faire l’objet des plus grandes précautions, afin de ne pas dissuader les électeurs d’exercer librement leur droit de vote [2].
[1] Comité des droits de l’homme de l’ONU, Observation générale n° 32, op. cit.
[2] « Dans la plupart des enquêtes pour fraude électorale, les électeurs doivent être interrogés individuellement concernant les circonstances dans lesquelles ils ont voté ou non. […] En règle générale, il ne faut pas organiser ce genre d’audition immédiatement avant une élection ou pendant le scrutin. En effet, le fait que des agents fédéraux interrogent les citoyens sur les circonstances dans lesquelles ils ont voté (ou non) peut facilement dissuader les personnes interrogées d’exercer leur droit de vote légitime, de même que les électeurs ayant connu la même situation. Ce n’est pas le but recherché. » in Donsanto, Craig, « The Federal Crime of Election Fraud », Proceedings of the Third Annual Trilateral Conference on Electoral Systems, IFES, 8 au 10 mai 1996, p. 9.