Une gestion électorale saine, assurée par un organisme de gestion
électorale crédible, est un élément essentiel dans le maintien de l’intégrité
électorale. Pour être crédible, l’administration électorale doit être
impartiale et être dotée de la capacité institutionnelle lui permettant de
tenir des élections libres et justes.
Dans les démocraties bien établies, la structure qui administre
les élections est généralement tenue pour acquise. Elle administre des
élections justes depuis longtemps ; si des problèmes surviennent, ils ne
remettent habituellement en cause ni sa crédibilité ni sa légitimité. Dans ces
pays, l’OGE et les autres organes qui appuient les élections font souvent
partie de l’appareil de l’État, et les administrateurs électoraux sont des
agents publics.
Dans les démocraties plus récentes, le système de gestion
électorale peut encore être en cours de développement et faire l’objet d’une
grande méfiance, de critiques sévères et d’une surveillance étroite. Outre les
problèmes inhérents à l’organisation d’une élection, l’organisme peut
rencontrer des problèmes institutionnels, tels qu’une insuffisance des
effectifs, du financement ou de l’expérience. La création d’un organisme de
gestion électorale indépendant et libre de toute influence politique est une
solution viable pour assurer l’impartialité nécessaire et gagner la confiance
des électeurs.
Pour préserver l’intégrité de l’institution électorale et du
processus électoral, les considérations suivantes sont primordiales.
Mettre en place un organisme de gestion
crédible et apolitique
L’administration des élections est avant tout technique. Le
système administratif adopté et l’institution qui le gère devraient par
conséquent disposer de capacités techniques. Ce principe s’applique tout autant
à un organisme de gestion électorale faisant partie de l’appareil
gouvernemental et composé d’administrateurs ayant le statut d’agent public qu’à
un OGE séparé et indépendant, disposant de personnel et de politiques propres.
Il peut malgré tout être encore difficile de séparer la politique
de l’administration. La politisation de l’administration électorale peut
transformer des problématiques techniques et administratives en préoccupations
politiques. Les questions politiques exigent inévitablement compromis et
négociation ; la prise de décisions peut donc prendre du temps, rendant
difficile le respect du calendrier électoral. Dans les cas extrêmes, la
politisation de la prise de décision peut paralyser l’ensemble du processus.
Une administration neutre et non partisane améliore l’intégrité
électorale. Même lorsque les administrateurs électoraux sont choisis en
fonction de leur appartenance politique, ils doivent néanmoins s’acquitter de
leurs devoirs de façon neutre et apolitique. La quasi-totalité des lois
électorales exige une administration électorale neutre. Par exemple, la loi
électorale de l’Afrique du Sud exige
que tous les agents électoraux soient impartiaux et exercent leurs pouvoirs et
devoirs de façon indépendante.
L’indépendance financière et institutionnelle est un autre facteur
important qui permet à l’administration électorale de travailler sans ingérence
politique et libre de toute attache à des groupes d’intérêt particulier.
Au Mexique, les réformes
électorales des années 1990 doivent leur réussite, entre autres, à l’adhésion
rapide au principe d’une administration électorale indépendante [1]. En revanche, lors des élections
législatives de 2003 au Cambodge,
la Commission électorale nationale était institutionnellement et physiquement
intégrée au ministère de l’Intérieur et majoritairement composée de membres du
parti au pouvoir. Cette dépendance a favorisé un climat de méfiance chez les
partis d’opposition et a favorisé l’apparition de pratiques malhonnêtes, telles
que l’intimidation des électeurs lors de l’inscription sur les listes
électorales et des tentatives visant à empêcher les personnes de déposer des
plaintes contre le parti sortant [2].
Créer un bon système administratif,
financier et opérationnel
L’insécurité, la fraude et la corruption prennent de l’ampleur
dans un climat chaotique. Une gestion saine peut éliminer bon nombre des
opportunités de subversion et de corruption. Une administration qui assure une
bonne planification, embauche du personnel qualifié et fournit une surveillance
adéquate est mieux à même de protéger l’intégrité électorale.
Une gestion financière et des mécanismes de contrôle adéquats
peuvent contribuer à préserver l’intégrité financière et à éviter les problèmes
qui pourraient résulter d’une mauvaise gestion financière. Une gestion saine et
efficace des approvisionnements en biens et ressources contribue également à
maintenir l’intégrité électorale.
Des systèmes opérationnels efficaces, fondés sur une planification
stratégique, facilitent le travail et permettent d’éviter les problèmes.
Par exemple, un bon système logistique aidera à écarter les
problèmes qui peuvent survenir lorsque les bulletins de vote arrivent dans un
pays et doivent demeurer dans un port ou un aéroport en raison de l’absence de
moyens de transport ou de stockage. Un tel système peut également faciliter le
suivi de documents sensibles, tels que les cartes d’inscription des électeurs
ou les bulletins de vote. Si le suivi est inadéquat, il sera difficile de
savoir si des bulletins de vote ont été détournés ou falsifiés.
Les systèmes opérationnels comprennent habituellement des
mécanismes pour communiquer des informations utiles aux participants en temps
voulu et de façon systématique. Les partis et les candidats doivent savoir quand
et comment s’inscrire sur les listes électorales et comment obtenir un éventuel
financement pour faire campagne. Il est plus facile d’élaborer des bonnes
procédures s’il existe des systèmes de remontée d’information qui permettent de
déceler rapidement les problèmes, de recevoir et de résoudre systématiquement
les réclamations des candidats ou d’autres personnes.
Assurer une gestion efficace de l’information
Grâce aux outils de gestion et mécanismes de contrôle offerts par
la technologie moderne, les administrateurs électoraux peuvent développer et
exploiter des systèmes efficaces qui protègent l’intégrité électorale. Une
liste électorale informatisée peut aider à identifier les inscriptions en
double et les personnes qui n’ont pas l’âge requis pour s’inscrire. Une liste
imprimée élimine les problèmes inhérents à une liste manuscrite potentiellement
illisible et peut être affichée ou distribuée aux partis politiques et aux
observateurs.
Toutefois, les ordinateurs et la technologie ne sont des outils
efficaces que dans la mesure où l’équipement et la formation sont disponibles
et adaptés. En outre, l’adoption d’une nouvelle technologie peut s’avérer ne
pas être gérable, ni rentable.
Utiliser des mécanismes de contrôle et
de surveillance adéquats
Les administrateurs électoraux se voient confier des ressources
publiques et ils sont tenus d’en faire usage de manière efficace et économique.
Elles doivent être utilisées conformément aux lois et règlements sur l’utilisation
des biens publics et à la loi électorale.
L’organisme de gestion électorale doit s’assurer qu’il dispose de
systèmes de contrôle qui protègent correctement les ressources financières et
matérielles. La divulgation du budget et des dépenses électorales peut
améliorer la transparence du processus et, ainsi, aider à protéger l’intégrité
de l’administration.
Il faut donc veiller à ce qu’il existe des systèmes d’inventaire
et de suivi des biens publics, que les rapports financiers sont exacts et à
jour et qu’un agent ou bureau est chargé de faire respecter les règles et
règlements. L’efficacité sera renforcée si les administrateurs électoraux sont
tenus pour responsables des actions de leur personnel, et si les superviseurs
vérifient et certifient que leur bureau respecte l’ensemble des règles et règlements.
Il est également nécessaire que les mécanismes de contrôle
disposent d’un système pour recevoir et traiter les réclamations. L’organisme
de gestion électorale est généralement chargé de veiller à ce que la
législation électorale et les lois connexes sont respectées, et que les
contrevenants soient signalés aux autorités compétentes pour enquête et
poursuites s’il y a lieu.
Faire preuve de transparence et de
responsabilité
La transparence apporte une crédibilité aux institutions
électorales et à leurs activités, et confère une légitimité aux élections qu’elles
administrent. L’organisme de gestion électorale peut assurer cette transparence
de plusieurs façons, notamment grâce à :
- des rapports
réguliers au public par le biais des médias, en tenant des conférences de
presse, en transmettant des informations factuelles et en reconnaissant
les problèmes soulevés et en précisant leurs solutions ;
- des rapports
réguliers aux organes de contrôle sur les progrès réalisés, les
difficultés rencontrées et les domaines nécessitant des efforts
supplémentaires, et la mise à disposition du public de ces rapports ;
- l’organisation de
réunions régulières avec les partis politiques et les candidats afin de
fournir des informations, de répondre à des questions de procédure ou
autres types de questions, et de solliciter leur contribution aux projets
de protocoles ou de règlements ;
- l’observation du
processus de prise de décisions électorales. Les observateurs peuvent être
des représentants des partis politiques, de la société civile ou de la
presse.
La transparence est un atout puisqu’elle indique clairement qui
est responsable de quoi. Les agents publics et autres fonctionnaires chargés de
gérer les ressources publiques doivent répondre de leurs actes au public et à d’autres
niveaux et branches de l’État et doivent rendre compte de leur utilisation des
ressources publiques pour la conduite des élections.
[1] Schedler, Andreas, « Democracy by Delegation: The
Path-Dependent Logic of Electoral Reform in Mexico », document présenté
lors de la réunion annuelle de l’American Political Science Association (APSA),
Atlanta (GA), du 2 au 5 septembre 1999, p. 20
[2] National Democratic Institute for International
Affairs, Cambodian Elections:
Lessons Learned and Future Directions - A Post-Election Conference Report,
février 2004