Dans de nombreux systèmes électoraux, les électeurs doivent s’inscrire
avant de pouvoir voter. Le fait de s’inscrire relève de la responsabilité
commune de chaque électeur et de l’administration électorale ou d’un ou
plusieurs autres organismes, sauf lorsque des données ou registres civils sont
utilisés par l’État pour dresser la liste des électeurs.
L’organisme en question offre les moyens aux électeurs de s’inscrire,
mais ils doivent souvent le faire eux-mêmes et fournir une preuve de leur
admissibilité. (Au Royaume-Uni, les électeurs doivent s’inscrire pour voter,
bien que, contrairement aux électeurs d’autres pays comme l’Australie, ils ne soient pas dans l’obligation
de voter.)
Dans une certaine mesure, il existe des problèmes d’intégrité dans
l’inscription des électeurs au sein de presque tous les systèmes électoraux,
pas seulement dans les démocraties émergentes. Il est indispensable d’assurer l’intégrité
de l’inscription des électeurs pour la tenue d’élections libres et
justes ; un processus bien conçu, surveillé par les partis politiques et
la société civile et qui comprend des mesures d’application de la loi peut y
contribuer.
Pour cela, l’organisme de gestion électorale doit mettre en place
un système d’inscription qui :
- n’exclut pas
injustement certains segments de la population, par des critères d’admissibilité
ou l’accès difficile aux bureaux d’inscription ;
- permet à toute
personne qualifiée qui souhaite s’inscrire de le faire ;
- génère une liste
électorale exacte, fiable et à jour.
Définir les conditions d’admissibilité
Le droit de vote est l’un des fondements d’un système de gouvernement
démocratique. Il est toutefois généralement considéré comme un privilège
associé à la citoyenneté ; chaque pays a donc défini ses conditions d’admissibilité
des électeurs. Les conditions comprennent généralement le statut de citoyen (en
particulier pour les élections nationales), un âge minimum (largement établi à
18 ans) et parfois une obligation spécifique de résidence. Les électeurs
résidant à l’étranger pendant les élections sont souvent placés dans une
catégorie distincte, afin qu’ils puissent voter par le biais de moyens
particuliers (vote par anticipation dans les lieux spécifiés, par exemple) ou
même (comme en Croatie) dans une
circonscription distincte.
Il arrive parfois que certains citoyens soient privés du droit de
vote, comme ceux qui ont été déclarés incapables par un tribunal ou les
personnes reconnues coupables d’une infraction grave (un crime par exemple). La
bonne pratique veut que le retrait du droit de vote d’un citoyen suite à une
condamnation pénale fasse l’objet d’une décision spéciale du tribunal au cours
du processus de détermination de la peine, et que ce retrait prenne
automatiquement fin à une date précise. En
Europe et en Eurasie, par exemple, la Cour européenne des droits de l’homme
créée en vertu de la Convention européenne des droits de l’homme du Conseil de
l’Europe a estimé qu’une personne incarcérée ne peut être privée du droit de
vote que si la décision a été prise de façon valable [1]. De même, aux États-Unis, de graves problèmes sont apparus au cours d’élections
récentes sur le non-rétablissement des droits des condamnés ayant purgé leur
peine d’incarcération et qui ne devraient plus être soumis à aucune restriction
de leurs droits civils
Le fait d’ajouter des conditions d’admissibilité discriminatoires
basées sur l’origine ethnique, la langue ou toute autre caractéristique sociale
qui empêchent certains groupes de citoyens de s’inscrire peut menacer l’intégrité
électorale. Le cadre juridique doit clairement définir les critères d’admissibilité
pour garantir un traitement juste et équitable à tous les citoyens.
Garantir que les citoyens admissibles
peuvent s’inscrire
Les citoyens admissibles ne peuvent voter que s’ils sont inscrits.
S’assurer que chaque citoyen qui souhaite s’inscrire ou est admissible puisse
le faire est un autre enjeu d’intégrité. Dans les pays en voie de
développement, l’inscription est entravée par des problèmes de
logistique ; et tout système peut rencontrer des problèmes si les citoyens
admissibles tentent de s’inscrire, mais n’y parviennent pas en raison d’un
accès insuffisant ou encore de barrières ou d’erreurs administratives.
Il existe essentiellement deux systèmes d’inscription des
électeurs. Certains utilisent les données de registres civils pour dresser la
liste des électeurs, les personnes admissibles étant inscrites par l’État,
responsabilité qui relève des fonctions ministérielles. Par exemple, le Danemark se sert de son registre civil
national informatisé comme base pour la production informatisée d’une liste des
électeurs. L’Irlande utilise une
liste électorale établie chaque année par les conseils de comté et corporations
de bourg-comté. L’utilisation d’un registre civil peut réduire les problèmes
liés à la capacité individuelle des citoyens de s’inscrire et permet de s’assurer
que chaque citoyen admissible est inscrit pour voter.
Dans d’autres systèmes, les citoyens assument eux-mêmes la
responsabilité de leur inscription. Ils s’inscrivent dans un registre permanent
(nécessitant une inscription unique) ou dans un registre périodique
(nécessitant une réinscription à intervalles réguliers). L’inscription dans un
registre permanent est plus facile pour les électeurs, mais celui-ci doit être
régulièrement mis à jour pour actualiser les données liées à un déménagement ou
à un changement de statut (p. ex., à
la suite d’un décès ou d’une déclaration d’incapacité). Le Canada a constaté que les nouvelles technologies lui permettaient
de tenir un registre permanent informatisé moins onéreux, moins chronophage et
avec moins de personnel que son précédent système d’inscription des électeurs
pour chacune des élections fédérales.
Il peut également s’avérer difficile pour les électeurs d’accéder
aux lieux d’inscription. Afin de réduire les risques d’inscription frauduleuse,
certains pays exigent que les électeurs se présentent en personne. Cela peut se
révéler particulièrement difficile pour les habitants des régions rurales ou
éloignées, ou pour les personnes à mobilité réduite.
D’ailleurs, certains pays, comme le Royaume-Uni, et de nombreuses juridictions aux États-Unis, autorisent la distribution, la collecte et la
soumission de documents concernant les élections nationales par des
organisations tierces, y compris parfois les partis politiques eux-mêmes. Au
Royaume-Uni, ces possibilités de fraude ont dans certains cas conduit à la mise
en place de mesures législatives correctrices [2] ; et aux États-Unis, des questions
concernant les pratiques des organisations participant aux campagnes d’inscription
électorale, tous partis confondus, ont souvent été évoquées. Divers pays ont
adopté des règles spéciales pour faciliter l’inscription des électeurs.
Certaines dispositions permettent aux personnes avec un handicap physique de s’inscrire
par procuration. En Nouvelle-Zélande,
par exemple, les personnes qui ont un handicap physique ou sont malades peuvent
demander à une autre personne de remplir, dater et signer la demande d’inscription
sur les listes électorales. Cette personne doit elle-même être inscrite sur les
listes électorales et avoir reçu une procuration [3].
Afin de faciliter cette démarche pour un plus grand nombre d’électeurs,
certains pays autorisent l’inscription par courrier et en ligne. Ces méthodes
engendrent potentiellement leurs propres problèmes d’intégrité.
L’inscription doit le plus souvent se faire avant une date
déterminée avant le jour de l’élection, et ce, afin de permettre aux
administrateurs électoraux de définir le nombre de bulletins nécessaires et d’organiser
la logistique de l’élection. Toutefois, cette date limite peut également donner
lieu à des problèmes d’intégrité. Les électeurs ayant des problèmes pour
accéder aux lieux d’inscription peuvent rencontrer des difficultés pour s’inscrire
à temps.
Certains pays, comme le Canada,
ont résolu ce problème en permettant aux électeurs de s’inscrire le jour même
du scrutin. D’autres communiquent très largement sur les dates de fermeture des
inscriptions afin que les citoyens en aient connaissance. Certains pays, comme
la Roumanie, autorisent l’ajout de
noms sur une « liste complémentaire » d’électeurs dans les bureaux de
vote. D’autres, comme la Croatie et d’autres
pays issus de l’ex-Yougoslavie,
permettent aux citoyens d’obtenir des certificats d’inscription auprès des
tribunaux de première instance le jour de l’élection. Par ailleurs, aux
États-Unis, une loi fédérale prévoit que les électeurs qui ne sont pas inscrits
(ou dont l’inscription est contestée) puissent présenter des « bulletins
provisoires » le jour du scrutin, comptabilisés ultérieurement si l’admissibilité
des électeurs peut être confirmée.
Toutes ces mesures permettent l’inscription d’autant d’électeurs
admissibles que possible. Toutefois, pour que les listes électorales soient
exactes et fiables, d’autres mécanismes de protection sont nécessaires afin d’éviter
la fraude et de garantir que seuls les électeurs admissibles sont inscrits.
Des listes électorales sont créées par le biais du processus d’inscription
et habituellement mises à la disposition du public pour consultation, soit de
manière continue soit avant une élection. La publication de listes électorales
vérifiables contribue à maintenir la confiance des électeurs dans l’intégrité
du système. Cependant, le fait de rendre publics des renseignements privés peut
soulever des questions relatives à la protection de la vie privée. Au Royaume-Uni, les données incluses dans
les listes électorales accessibles au public sont extrêmement limitées afin d’éviter
tout usage abusif de ces listes.
[1] Hirst c. Royaume-Uni
(No°2), [2005] ECHR 681, [2006] 42 EHHR 41
[2] Voir, p. ex., Royaume-Uni, Prevention of Electoral
Fraud Act (Irlande du Nord), 2002, Chapitre 13
[3] Elections New Zealand, Everything You Need to Know About Enrolling to Vote