La surveillance active du processus électoral est un moyen
important de protéger l’intégrité des élections. Dans de nombreux systèmes
électoraux, une autorité gouvernementale précise exerce une surveillance, voire
une fonction plus active de supervision du processus électoral. Cette autorité
peut être située au sein de l’OGE proprement dit, ou dans une institution
distincte, par exemple le bureau d’un contrôleur général, une commission
indépendante ou un tribunal. Au Canada, c’est le Commissaire aux
élections fédérales qui assume cette responsabilité. Au Mexique, le
Tribunal électoral fédéral joue un rôle similaire.
Parfois, des conflits peuvent surgir en raison d’actes d’agents du
gouvernement, par exemple des ombudsmans ou défenseurs des droits, qui
exercent leur compétence générale (non liée aux élections) afin d’enquêter sur
des atteintes aux droits civils ou humains et d’y donner suite. Leurs actes
risquent cependant de discréditer l’organisation ou les résultats d’une
élection de manière irréversible. Ainsi, en Géorgie, le très respecté
Défenseur public de l’époque avait exigé la production de la vidéo qui filmait
en continu certains bureaux de vote (dans le cadre d’un programme pilote
auxquels les partis de l’opposition étaient attachés) lors des élections
parlementaires de 2008. Les procédures de réclamation et d’appel étaient alors
terminées et les résultats définitifs avaient été proclamés. Par cette demande,
le Défenseur voulait déterminer si le total des suffrages enregistrés dans ces
bureaux de vote était bien aussi important que l’indiquaient les rapports.
Quoique louables en soi, ces actions peuvent entacher la crédibilité du
processus électoral après que les résultats ont été acceptés.
Les organismes de surveillance traitent en règle générale des
problèmes d’intégrité potentiels ou réels qui peuvent survenir dans tous les
aspects du processus électoral, c’est-à-dire :
- l’administration
et la gestion des élections ;
- l’inscription
des électeurs et l’enregistrement des candidats ;
- les
campagnes électorales ;
- le
financement des candidats ; et
- le
scrutin et le dépouillement des bulletins.
En plus d’assurer la surveillance ordinaire du processus
électoral, les organismes de surveillance peuvent aussi être habilités à
enquêter ou à examiner des réclamations. Pour être efficaces, ils doivent
habituellement présenter les caractéristiques suivantes :
- être
libres de décider des questions qu’ils doivent examiner ;
- avoir
accès aux informations nécessaires à ces examens ;
- avoir
la possibilité de publier leurs observations et recommandations sans
censure ni interférence politique ; et
- n’avoir
aucun intérêt personnel ou institutionnel dans l’issue de leur mission de
surveillance.
Afin de protéger l’intégrité électorale, les organismes de
surveillance peuvent exercer les fonctions suivantes :
Assurer la surveillance du processus électoral de manière
indépendante
Cela demande :
- un
suivi constant et impartial de l’administration électorale afin de
vérifier que les objectifs sont atteints, que les fonds sont protégés, que
les lois et règlements sont respectés et que des mécanismes sont en place
pour protéger le processus et ses avantages ;
- un
contrôle régulier, indépendant et objectif de l’administration électorale
et des opérations financières, ainsi que, le cas échéant, des enquêtes et
des audits spécifiques réalisés pour traiter les réclamations ou les
préoccupations soulevées lors du suivi ordinaire ; et
- une
évaluation indépendante des performances de l’administration électorale
afin d’obtenir les informations nécessaires pour garantir la transparence
et la redevabilité face au public et éclairer les décisions et les mesures
correctives.
Vérifier le respect des lois et règlements
Les organismes de surveillance peuvent :
- examiner
les politiques et procédures électorales pour s’assurer qu’elles sont
conformes aux exigences légales ;
- vérifier
si l’administration électorale respecte les exigences de performance
applicables et qu’elle soumet les rapports financiers requis par la
loi ;
- envisager
des mesures destinées à promouvoir la redevabilité en matière d’administration
électorale.
Au Canada, par exemple, l’objectif de l’agent de
surveillance, le Commissaire aux élections fédérales, est « d’aider à
maintenir la confiance du public dans l’égalité du processus électoral en
visant au respect de la loi électorale et à la résolution des contraventions
par des mesures correctives plutôt que répressives, le cas échéant, et en
appliquant la loi au moyen d’injonctions ou en autorisant les poursuites lorsqu’il
en va de l’intérêt public [1] ».
Déceler et prévenir les problèmes, y compris la corruption, les
abus de pouvoir et les pratiques discriminatoires
Les organismes de surveillance peuvent encourager l’utilisation
efficace et économique des actifs et des systèmes administratifs. Ils peuvent
également chercher à déceler et à prévenir le gaspillage, la fraude et les
abus. Par ailleurs, ils peuvent examiner les lois et règlements et formuler des
recommandations concernant leur impact sur les économies et l’efficacité de l’administration
et des opérations électorales. Ils peuvent recommander des politiques visant à
favoriser les économies ou à déceler et prévenir les fraudes et abus.
Selon le mandat de l’organisme, la surveillance peut également
porter sur des questions telles que les malversations des responsables
électoraux, l’achat de votes, la fraude électorale, les entraves à l’exercice
de la justice et toute autre atteinte à la confiance du public en lien avec des
élections.
Promouvoir la transparence et la crédibilité du processus
électoral
L’accès du public aux résultats de la surveillance contribue à la
transparence du processus électoral et renforce la crédibilité et la légitimité
des résultats. L’opinion publique doit pouvoir vérifier si les décisions prises
par l’organisme de gestion électorale sont conformes à la législation et aux
règlements et si elles dissuadent les actes discriminatoires, frauduleux ou
abusifs.
Les rapports de surveillance présentent les problèmes qui
découlent des programmes et des opérations et les portent à la connaissance de
l’organisme de gestion électorale et des principaux administrateurs électoraux,
ainsi qu’à tous ceux qui doivent être informés (notamment les comités de
contrôle parlementaire et leurs membres et les instances chargées de contrôler
la redevabilité du gouvernement). Dans les pays en transition vers la
démocratie, il est possible d’améliorer la confiance dans les opérations et de
stimuler le taux de participation des électeurs au moyen d’un mécanisme de
surveillance neutre et professionnel ayant gagné la confiance des partis
politiques et des administrateurs électoraux grâce à son travail objectif et
professionnel.
Assurer la conformité au cadre juridique
Les organismes de surveillance peuvent jouer un rôle se
rapprochant de celui des organismes chargés de l’application de la loi s’ils
sont habilités à déterminer les responsabilités et à infliger des sanctions. Le
pouvoir d’application de la loi d’un organisme de surveillance dépend du mandat
qui lui a été conféré, mais il peut comporter l’adoption de mesures correctives
ou répressives, par exemple des sanctions civiles (amendes, mises à pied), à l’encontre
des contrevenants. Dans les cas les plus graves, l’organisme de surveillance
peut recommander des sanctions administratives (notamment disciplinaires)
telles qu’un licenciement ou la saisine de la juridiction pénale en la matière.
Contrôler la conformité, y compris aux codes de conduite
Certains systèmes électoraux prévoient des comités de surveillance
chargés de contrôler le comportement des administrateurs électoraux et des
candidats. Ces comités ou organismes peuvent être composés de citoyens ou
relever d’une administration ou d’une inspection. Ils sont chargés de
surveiller l’application des codes d’éthique prévus par le système électoral.
Aux États-Unis, par exemple, la ville de Seattle a créé une
Commission d’éthique électorale. Composée de citoyens, cette commission
interprète, gère et applique le Code électoral, le Code de valeurs et les
autres codes associés applicables à Seattle. Elle enquête sur les réclamations reçues
concernant des violations du code et peut régler une demande soit directement
avec l’employé concerné soit par l’intermédiaire d’une audition publique. Elle
peut imposer des sanctions en cas de violation, mais n’a pas de pouvoir
disciplinaire. (Elle peut uniquement recommander des mesures disciplinaires à l’employeur,
qui pourra rendre compte par la suite de la décision qu’il a prise.)
[1] Élections Canada, Commissaire aux élections fédérales, Investigators’
Manual, 2004, p. 5