Éléments
La régulation du financement de campagne (et plus généralement du
financement politique) englobe un certain nombre d’éléments différents, tels
que ceux mentionnés dans la liste ci-dessous ; chaque élément suivant s’ajoute
généralement à ceux qui précèdent à mesure de l’évolution de l’ampleur et de la
complexité du système :
- communication et
déclaration des contributions financières de façon régulière, y compris
après une élection ;
- communication et
déclaration des contributions financières pendant la campagne et avant l’élection ;
- publication de
rapports financiers périodiques et finaux ;
- communication et
déclaration des contributions non financières (telles que les dons de
biens et les prestations de services) sur la base de leur valeur
économique ;
- interdictions
relatives à certaines sources de contributions (organismes
gouvernementaux, entreprises publiques, personnes individuelles ou
organisations étrangères ou autres) ;
- plafond des
contributions de particuliers et d’organisations ;
- plafond des
contributions et dépenses globales ;
- création d’un fonds
spécial pour la campagne électorale ;
- maintien d’un
responsable financier légalement responsable du respect des normes et de l’autorisation
des transactions ;
- présentation de
rapports financiers audités et des dossiers connexes ;
- examen des rapports
financiers et des dossiers par les autorités électorales ou autres ;
- examen judiciaire de
l’exactitude des rapports financiers fondé sur les incohérences internes
ou d’autres pièces à conviction (y compris le niveau observé des activités
de campagne ou autres preuves d’infractions concernant les contributions
ou les dépenses ou encore les fausses déclarations).
Il est inutile de détailler les raisons des diverses composantes
de la régulation du financement de campagne, car leur objectif tombe sous le
sens. Le principe de base qui sous-tend la communication, la déclaration et la
publication du financement de campagne est de permettre aux électeurs d’obtenir
des informations sur les sources des financements liés à l’élection des partis
politiques (et/ou candidats) et le montant relatif du financement que chaque
parti peut consacrer à sa campagne. Ce but ne peut être atteint que si les informations
reçues des partis sont publiées avant et après les élections.
Les technologies de l’information ont considérablement simplifié
la publication, sur internet, des rapports financiers des partis
politiques ; ils sont donc accessibles au public. Même dans des situations
post-conflictuelles difficiles, des candidats aux élections ont pu présenter
des rapports financiers et les autorités électorales sont parvenues à publier
régulièrement des rapports [1].
Le problème avec les rapports financiers des candidats aux
élections concerne bien évidemment leur exactitude et leur exhaustivité. Bien
que de nombreux systèmes de régulation financière soient en eux-mêmes
suffisants, ils obtiennent leurs informations auprès des partis et ne prévoient
pas de contrôle extérieur (ou « judiciaire ») des rapports qui leur
sont soumis. Souvent, dans la mesure où les rapports sont effectivement
vérifiés, les autorités se contentent de recouper les informations des rapports
qu’ils reçoivent (reçus, pièces justificatives et autres documents similaires)
avec les écritures du livre de comptes d’un fonds de campagne particulier [2]. Il est difficile, voire impossible,
de déterminer si les finances d’un parti dépassent le niveau indiqué car les
informations pertinentes (telles que les tarifs des médias en vigueur pour la
publicité ; les dons de matériel, de fournitures et de services ; ou
les cadeaux de tiers à des électeurs ou leur communauté) ne sont pas faciles à
contrôler. De très nombreuses contributions et dépenses non communiquées
échappent par conséquent régulièrement au contrôle.
Du reste, les rapports, restrictions et interdictions financiers
se heurtent souvent à un certain nombre d’obstacles juridiques. Parfois les
autorités (y compris les organismes publics électoraux et d’enregistrement)
considèrent que les contributions à un parti politique ou à sa campagne n’ont
pas à être signalées, sauf si elles sont versées en vertu d’un accord juridique
entre le donateur et le parti.
Questions générales
D’un point de vue plus général, il existe six moyens principaux de
réglementer le financement politique :
- interdire certaines
sources de financement ;
- limiter le montant
des contributions ;
- interdire certaines
dépenses ;
- limiter le montant
des dépenses ;
- octroyer des fonds publics/subventions ;
- limiter la durée des
campagnes ;
- divulguer
entièrement et publiquement les informations [3].
Parmi ces possibilités, les quatre premières peuvent soulever des
problèmes d’intégrité électorale.
- Interdire certaines sources de financement. Les lois sur
le financement politique interdisent en général à certaines personnes ou
organisations de faire un don à un candidat, à un parti politique ou à
tout autre participant à l’élection. Le plus souvent, les gouvernements,
les organismes ou les individus étrangers n’ont pas le droit de verser une
contribution à un participant à une élection ou de couvrir des dépenses en
son nom. De plus, il est habituellement interdit d’accepter des fonds
provenant de sources gouvernementales nationales, notamment d’entreprises
publiques, ou d’utiliser les installations, le personnel, le matériel ou d’autres
ressources du gouvernement à des fins politiques. Certains pays
interdisent les dons provenant d’entreprises, de syndicats, d’organismes
caritatifs exonérés d’impôts ou de toute autre organisation à but non
lucratif à des participants à une élection.
Certaines interdictions sont plus compréhensibles et plus
défendables que d’autres sur le plan de la politique publique. Plus la liste
des interdictions est longue, plus leur incidence sur le plan politique et de l’équité
est discutable.
- Limiter le montant des contributions. Les lois sur
le financement politique limitent d’ordinaire le montant ou la valeur non
monétaire (en nature) des ressources qu’un donateur peut mettre à
disposition d’un participant à une élection donnée. Les lois peuvent
définir des plafonds différents selon le type de donateurs, qu’il s’agisse
de particuliers, d’entreprises, d’autres personnes juridiques ou de
comités politiques indépendants. Les distinctions entre les différents
types de donateurs et les restrictions correspondantes sont souvent
sensibles sur le plan politique et posent des questions complexes en
termes d’équité et de justice. Par exemple, des plafonds de contribution
très bas peuvent désavantager les nouveaux candidats, ou toute personne
qui affronte le candidat sortant ; il est en effet possible qu’ils ne
bénéficient pas d’un réseau de partisans aussi vaste que celui dont
disposent les candidats établis ou sortants pour collecter des fonds. Ce
déséquilibre est d’autant plus important si l’on autorise les candidats
fortunés à utiliser leurs fonds personnels, sans aucune restriction, alors
que leurs adversaires doivent recueillir d’innombrables petits dons.
- Interdire certaines dépenses. Les lois sur
le financement politique interdisent aussi certains types de dépenses,
comme les cadeaux (de valeur supérieure à un certain montant), tous les
cas d’achats de votes et toute autre forme de fraude électorale, telle que
la corruption d’agents électoraux. Il est essentiel que ces règles soient
bien définies. Si elles sont appliquées, ces interdictions peuvent être un
moyen efficace de promouvoir l’intégrité électorale.
Limiter le montant des dépenses. Les lois sur le financement
politique imposent parfois des plafonds de dépenses, c’est-à-dire qu’elles
limitent la somme totale qu’un participant à une élection peut dépenser pendant
une campagne électorale ou une autre période donnée. Généralement, ces plafonds
visent à empêcher qu’un participant n’écrase financièrement ses adversaires.
Encore une fois, ces restrictions ont des conséquences politiques et peuvent
avantager certains participants à une élection. De même, si les plafonds sont
très bas, il peut s’avérer difficile pour les nouveaux candidats ou les
« adversaires » d’améliorer leur notoriété lors de leur bataille
politique contre un candidat en poste, qui a l’avantage d’être déjà connu et de
pouvoir compter sur les privilèges d’un titulaire d’une fonction publique.
Ainsi, bien que certainement destinées à réduire la corruption et
à uniformiser les règles du jeu, ces méthodes de régulation du financement
politique privé ne sont pas sans effet sur le plan politique. Par ailleurs, les
restrictions relatives aux sources et montants des dons politiques, en
particulier les plafonds de dépenses, peuvent entraîner fraude et tricherie.
Les restrictions relatives à la réception et au versement de fonds
exigent des mécanismes d’application de la loi efficaces, qui eux-mêmes
nécessitent des mécanismes efficaces de transparence et de déclaration et
communication de renseignements financiers. En l’absence de tels mécanismes,
les participants aux élections qui se conforment aux restrictions n’obéissent
pas aux mêmes règles que ceux qui les ignorent en toute impunité.
Enfin, dans les milieux politiques où les autorités électorales
et/ou judiciaires sont fondamentalement partiales et malhonnêtes, il est
possible que les restrictions légales concernant le financement politique
soient appliquées de façon arbitraire, aux dépens des candidats de l’opposition.
L’utilisation de subventions/fonds publics pour les partis
politiques, candidats et autres participants à une élection soulève également
des questions d’intégrité électorale, que ce financement vienne s’ajouter à
celui des sources privées ou le remplace. Les valeurs de justice, d’équité, de
redevabilité et de transparence revêtent une importance particulière lorsque
les participants à l’élection bénéficient de fonds publics ou autres avantages,
par exemple du temps d’antenne gratuit.
- Il est primordial de
faire preuve de justice et d’équité pour déterminer les seuils et les
critères d’éligibilité, les normes qui régissent les montants des
subventions (si le montant diffère d’un bénéficiaire à un autre), les conditions
d’utilisation des fonds ou d’autres formes particulières de soutien, ainsi
que le moment auquel la subvention est versée ou un avantage accordé.
- La redevabilité et
la transparence sont essentielles pour maintenir les normes d’intégrité
électorale liées à l’octroi et à l’utilisation de subventions publiques ou
autres avantages. Heureusement, le financement public (ou plutôt le risque
de le perdre) constitue un argument de taille pour inciter les
participants éligibles à respecter les normes les plus élevées concernant
les rapports financiers et les contrôles internes de redevabilité.
Les limites de la durée des campagnes visent souvent à limiter les sommes
dépensées. Malgré cela, les partis politiques et les candidats peuvent
contourner ces limites en prétendant que les efforts qu’ils déploient en
période préélectorale, tels que l’identification et la sélection des candidats,
sont purement organisationnels et ne sont par conséquent pas de nature
politique. Cette approche peut par ailleurs entraîner des dépenses globales
plus importantes puisque les sommes dépensées en dehors de la campagne ne sont
pas limitées. [4]
Enfin, la communication
complète et ouverte constitue un mécanisme fondamental de contrôle public.
[1] Voir, p. ex., Republic
of Liberia, National Election
Commission, Campaign Finance Regulations for Political Parties and Candidates
(Monrovia, 30 mai 2005).
[2] P. ex., dans
l’ex-République yougoslave de Macédoine,
où la déclaration des renseignements financiers s’appuie sur l’établissement d’un
compte de campagne spécial dit « gyro » (c’est-à-dire courant). Voir
OSCE/BIDDH, EOM Report, Macedonia
Parliamentary Elections 2008,</254>p. 11. Des problématiques
similaires ont récemment été observées ailleurs dans la région de l’OSCE, par
exemple en Arménie et en Croatie.
[3] Voir Money in
Politics Handbook: A Guide to Increasing Transparency in Emerging Democracies,
Washington, D.C.: US Agency for International Development, 2003, p. 13–18.
[4] Ibid., p. 15