Dans certains systèmes, le contrôleur du financement politique (CFP) a le pouvoir d’intenter une action au civil auprès des tribunaux et de demander une réparation pécuniaire ou une injonction s’il a des raisons de croire qu’un participant à l’élection a enfreint les lois sur le financement politique. Il peut aussi intenter une action au civil contre tout contrevenant lorsque ses ordonnances ou sanctions administratives n’ont pas force exécutoire.
Les actions au civil sont avantageuses en ce sens qu’elles évitent au CFP de devoir attendre que la force publique engage des poursuites au criminel. Lorsque le CFP est inefficace ou manque de ressources, les organisations non gouvernementales (ONG) ou les particuliers peuvent intenter les poursuites civiles; les ONG, souvent, peuvent d’ailleurs le faire au nom de leurs membres ou du grand public [1] . Lorsque la poursuite civile est intentée par le CFP, des organisations de la société civile et des chercheurs peuvent l’appuyer en fournissant au tribunal, en tant qu’intervenants désintéressés, des études ou des mémoires. Même les candidats ou les responsables de campagne peuvent engager des poursuites si on leur a porté préjudice pendant l’élection.
Le mieux est encore que le CFP puisse intenter lui-même des poursuites au criminel, ou à tout le moins soumettre les cas d’infraction aux règles sur le financement politique à un autre organisme gouvernemental habilité à le faire. La plupart des pays n’accordent cependant pas ce pouvoir à leur CFP. Exception notable, le Canada, où le CFP est autorisé à faire enquête et à entreprendre des poursuites en cas d’infractions aux lois sur le financement politique [2] .
Cela dit, l’expérience démontre que les amendes et la suppression des subventions publiques sont des sanctions plus efficaces que les lourdes peines criminelles [3] . En effet, les poursuites présentent deux désavantages :
Elles se déroulent presque toujours après l’élection. Les électeurs ne peuvent donc pas fonder leur choix électoral sur les faits révélés par la poursuite.
La plupart du temps, le CFP ne peut intenter lui-même les poursuites au criminel, mais doit s’en remettre aux autorités responsables.
En Corée, par exemple, le Comité de gestion électorale central doit soumettre à une autre autorité les cas d’infraction aux plafonds des dépenses ou aux règles de divulgation, et c’est cette autre autorité, capable de lancer des poursuites au criminel, qui décide s’il faut imposer des amendes ou des peines d’emprisonnement [4] . Le CFP qui choisit la méthode des poursuites au criminel cède donc les rênes à une autre autorité, potentiellement vulnérable aux pressions politiques, et pour qui l’exécution des lois sur le financement politique n’est peut-être pas une priorité.
La décision de poursuivre un chef ou un candidat politique n’est pas toujours prise objectivement, et elle n’est pas toujours fondée sur un examen précis des faits, surtout dans les pays en transition [5] . Par exemple, lors de l’élection parlementaire de 1993 en Pologne, des dizaines de comités de campagne n’ont pas respecté les délais de présentation des rapports financiers, ou n’ont pas présenté de rapport du tout. Pourtant, le Bureau du procureur a décidé d’abandonner les poursuites relativement à 58 affaires de violation des règles sur le financement, estimant qu’elles n’avaient pas causé de tort à la société [6].
NOTES
[1] IFES. Enforcing Political Finance Laws: Training Handbook, février 2005, p. 60-61.
[2] International Institute for Democracy and Electoral Assistance. Funding of Political Parties and Election Campaigns, 2003, p. 151. Voir aussi Davidson, Diane R. « Enforcing Campaign Finance Laws: What Others Can Learn from Canada », Election Law Journal, 3(3), 2004, p. 537-544.
[3] Enforcing Political Finance Laws, p. 30-31.
[4] Funding of Political Parties and Election Campaigns, p. 151-152.
[5] Enforcing Political Finance Laws, p. 33.
[6] Ibid.