La législation sur le financement politique doit charger un contrôleur gouvernemental d’appliquer les lois en vigueur ou autoriser un organisme gouvernemental existant à assurer cette fonction. L’identité et la structure de la fonction de contrôleur du financement politique (CFP) varient d’un gouvernement à l’autre, et la responsabilité de l’application de la loi peut être conférée à une instance unique ou à plusieurs instances. Dans plusieurs pays, la fonction de CFP est assurée par le département d’un organisme responsable de la gestion électorale. Dans d’autres pays, des organismes gouvernementaux dont le champ de compétence est plus général – par exemple, un ministère de l’Intérieur ou un bureau d’impôt – sont autorisés à mettre en œuvre ou à appliquer les lois qui régissent le financement politique. La fonction de CFP peut aussi être assurée par une institution exécutive distincte, comme un organisme administratif indépendant [1] .
Dans l’exercice de ses fonctions de supervision et d’exécution de la loi, le CFP doit être en mesure de faire preuve d’indépendance, d’impartialité et d’intégrité opérationnelle.
Indépendance
L’indépendance du CFP le protège contre les organismes exécutifs ou législatifs qui voudraient, à des fins politiques, utiliser à mauvais escient les pouvoirs exécutoires qui sont conférés au CFP. Un processus de nomination juste et transparent ainsi qu’une sélection des membres par une instance exécutive ou législative à la suite de délibérations ouvertes favorisent cette indépendance. Afin d’encourager la continuité et la stabilité, l’institution devrait être dirigée par un président ou un directeur ferme, et le mandat des membres devrait suivre un certain roulement. La surveillance publique qu’assurent les médias et les groupes de défense de l’intérêt public permet de vérifier qu’il n’y a pas d’interférence de la part du corps législatif.
Le CFP doit disposer d’un budget indépendant; sinon, il pourrait, en guise de représailles pour avoir appliqué les lois au détriment des élus ou du parti au pouvoir, voir son budget réduit. Idéalement, le besoin justifié, pour le gouvernement, de surveiller les dépenses, les salaires et les autres coûts du CFP, devrait faire contre-poids au besoin de protéger le CFP contre toutes représailles budgétaires [2] .
Impartialité
L’impartialité repose essentiellement sur le processus de nomination. Aucune méthode de nomination ne garantit l’impartialité et l’obligation de rendre compte. Dans certains pays, c’est le président ou une instance exécutive qui procède à toutes les nominations, même si cette méthode prive le CFP d’une certaine indépendance. Pour assurer un meilleur équilibre, la responsabilité des nominations peut être partagée entre les corps exécutif et législatif. En ce sens, il est aussi possible de conférer la responsabilité première au système judiciaire ou à une commission désignée de la fonction publique. En Grande-Bretagne, un groupe de hauts fonctionnaires examinent les demandes de nomination à la commission électorale, et les partis politiques ne sont consultés qu’ultérieurement [3] .
Certains organismes exécutoires sont non partisans alors que d’autres représentent tous les principaux partis politiques en proportions égales. Un CFP non partisan ne pourra s’avérer efficace que dans les gouvernements ayant une fonction publique solide et indépendante ainsi qu’une culture politique qui favorise la réelle neutralité de ses membres. La représentation de tous les partis semble juste, mais elle est critiquée puisqu’elle donne la possibilité de paralyser le CFP [4] .
L’impartialité est renforcée lorsque le CFP lui-même est soumis à une surveillance. À l’instar de tout autre organisme gouvernemental, le CFP n’est pas à l’abri de la partisanerie, de la corruption interne ou du gaspillage de ressources. L’application partiale des lois sur le financement politique est particulièrement problématique dans les démocraties en transition ou dans les pays dirigés par un parti unique : les élus et les partis au pouvoir sont en mesure, par l’entremise du CFP, de harceler ou d’écarter les candidats ou les partis de l’opposition. En Ukraine, par exemple, lors des élections présidentielles, le gouvernement aurait eu recours aux forces policières ainsi qu’aux services d’incendie et de vérification des impôts pour harceler des candidats de l’opposition [5] .
Plusieurs éléments contribuent à l’impartialité du CFP :
- Le CFP doit établir des lignes directrices internes, et les critères objectifs et neutres, qui guideront les décisions discrétionnaires, notamment à l’égard des enquêtes ou des procédures pouvant donner lieu à des sanctions administratives.
- Lorsque les lois sur le financement politique sont mises en œuvre et appliquées en toute transparence, les médias et des organisations de la société civile peuvent, d’une part, surveiller l’impartialité du CFP et, d’autre part, inciter le public à avoir davantage confiance en l’intégrité de celui-ci. Il est possible que certains aspects de la vérification et du processus de décision relatif aux sanctions doivent rester confidentiels, mais la majeure partie des politiques internes du CFP peuvent être rendues publiques. Par exemple, sur son site Web, le New York City Campaign Finance Board (NYCCFB) affiche les échéances des diverses déclarations, les annexes exposant les sanctions administratives ainsi que le manuel du candidat, en langage clair, qui décrit la structure générale de la loi électorale ainsi que le processus de divulgation et de vérification [6].
- La vérification permet de veiller à ce que le CFP dépense son budget en toute légitimité et efficience en vue d’atteindre les buts pour lesquels les fonds ont été affectés.
- Un code de conduite pourrait définir les politiques internes du CFP concernant l’emploi, la confidentialité et les conflits d’intérêts dans le secteur public.
Intégrité opérationnelle
Le CFP doit avoir l’autorité de planifier son propre programme d’administration et d’exécution en matière de financement politique, et il doit disposer des ressources financières et humaines nécessaires pour le mettre en place. Même si le budget du CFP est à l’abri de toute pression politique, il pourrait ne pas suffire à appliquer la loi efficacement si le pays lui-même dispose de ressources limitées ou parce que le financement politique n’est tout simplement par une priorité pour l’appareil législatif. En fait, au cours des dernières années, plusieurs pays ont considérablement étendu la portée et la complexité de leurs lois sur le financement politique, sans que les budgets des CFP aient augmenté dans la même mesure6. Sans les ressources nécessaires, le CFP ne peut maintenir son intégrité opérationnelle. S’il dépend d’un autre organisme ou d’un corps législatif sur le plan des ressources ou du personnel, l’application active de la loi pourrait être mise en péril.
Il est possible que le personnel du CFP n’ait pas l’expertise ou l’expérience souhaitée, et cette lacune affaiblit tout particulièrement la fonction de vérification. Par exemple, même si la Commission électorale de l’Inde dispose de pouvoirs de surveillance, d’enquête, de poursuite et de condamnation, elle n’arrive pas à appliquer sa loi sur le financement politique en raison d’un manque de personnel [7]. Afin de conserver son intégrité opérationnelle et son indépendance, le CFP doit être responsable du recrutement, de l’embauche et de la mise à pied de ses propres employés – ou au moins y participer.
Le rôle de la technologie
Tout CFP disposant de ressources limitées est en mesure d’accroître son efficacité opérationnelle grâce à l’utilisation proactive et novatrice de la technologie. Avec l’aide d’un personnel technique compétent, le CFP peut informatiser la majorité des renseignements qui lui sont divulgués, et l’analyse qu’il en fait, et afficher tout autre document pertinent sur Internet.
L’Australie, la Bolivie, la Bosnie-Herzégovine, les États-Unis, la Géorgie, la Grande-Bretagne, le Pérou et d’autres pays disposent de bases de données dans lesquelles ils conservent de l’information, dont la majeure partie est rendue publique sur Internet. La Commission électorale centrale de la Lituanie et le NYCCFB, aux États-Unis, ont développé des programmes exhaustifs pour la présentation de rapports financiers de campagne électroniques. Ces deux organismes de réglementation fournissent un logiciel qui permet aux candidats de présenter leurs déclarations électroniquement ou sur disque. Les renseignements sont téléchargés sur le site Web public du CFP, ce qui permet aux internautes d’interroger le site pour obtenir une grande variété de renseignements sur le financement d’une campagne. Le NYCCFB fournit également un terminal public sur lequel toute personne qui le souhaite peut consulter les données à jour sur les contributions.
NOTES
[1] IFES. Enforcing Political Finance Laws: Training Handbook, 2005,
p. 10-11.
[2] Ibid., p. 28.
[3] Ibid., p. 27.
[4] Ibid., p. 27.
[5] US Agency for International Development. Money in Politics Handbook: A Guide to Increasing Transparency in Emerging Democracies, Washington, D.C., 2003, p. 25.
[6] Enforcing Political Finance Laws, p. 17.
[7] International Institute for Democracy and Electoral Assistance. Funding of Political Parties and Election Campaigns, 2003, p. 148, 151.