Souvent, le dépouillement des votes s'effectue d'abord dans les bureaux de vote (pour des raisons énoncées dans Dépouillement des votes au bureau de vote) et il est parfois répété dans un centre de dépouillement. Il y a cependant d'autres cas qui ne prévoient aucun dépouillement aux bureaux de vote, mais où les bulletins, dès la clôture du vote, sont transmis directement à un centre de dépouillement.
Justification des centres de dépouillement
Un dépouillement centralisé est justifié lorsqu'un certain nombre des circonstances suivantes existent :
- les bureaux de vote ne disposent pas de facilités adéquates pour le dépouillement;
- les représentants de candidats ou de partis, ou les observateurs d'élection nationaux et internationaux ne sont pas assez nombreux pour couvrir adéquatement les bureaux de vote;
- la complexité du type de bulletin de vote exige trop de temps pour le dépouillement dans les bureaux de vote, alors qu'un centre de dépouillement peut disposer d'effectifs bien formés et de facilités adéquates - un bulletin est considéré complexe s'il comporte plusieurs questions ou si les électeurs doivent faire un choix préférentiel;
- dans un bureau de vote où il y a très peu d'électeurs, le secret du vote peut être mis en danger lors de l'annonce des résultats;
- la nécessité de sauvegarder le secret du vote d'une communauté à cause de possibilités de violence, de représailles ou d'intimidation dans un contexte politique délicat;
- pour des raisons de sécurité, il est plus facile d'assurer la protection de quelques centres de dépouillement plutôt que d'un grand nombre de bureaux de vote;
- un système mécanisé ou informatisé de dépouillement exige la centralisation des activités.
La centralisation du dépouillement diminue la possibilité de reconnaître l'allégeance politique d'une communauté, les résultats étant publiés sur la base du centre de dépouillement plutôt que par bureau de vote. Bien que les bulletins y soient normalement dépouillés par bureau de vote, un centre de dépouillement offre la possibilité de fusionner les résultats, et de protéger le secret du vote des petites communautés.
Même dans les pays où le dépouillement s'effectue principalement dans les bureaux de vote, il peut être administrativement avantageux de centraliser le dépouillement de certains types de bulletins. C'est le cas du vote des absents, militaires, diplomates à l'étranger, réfugiés, détenus ou autres électeurs absents de leur circonscription, peu importe si ces bulletins proviennent de bureaux de vote locaux ou à l'étranger ou s'ils ont été postés directement par les électeurs. Ces bulletins de vote peuvent être acheminés vers des centres de dépouillement et les résultats fusionnés avec ceux des bureaux de vote respectifs auxquels ils se rattachent. Cette procédure allège le processus de dépouillement tout en protégeant le secret du vote des électeurs absents.
Le dépouillement peut s'effectuer dans plusieurs centres ou dans un seul centre national, mais la centralisation doit s'arrêter au niveau où les votes déterminent le nombre de législateurs à élire ou de sièges à attribuer. Pour un système majoritaire uninominal du genre qui est répandu dans le Commonwealth, le centre de dépouillement peut couvrir la circonscription électorale mais non le pays entier. Pour un système de représentation proportionnelle basé sur des listes régionales, la centralisation ne doit pas dépasser le niveau régional de la liste (voir Système électoral et type de bulletin de vote).
Transmission des urnes au centre de dépouillement
Dès la fermeture d'un bureau de vote, les préposés scellent l'urne et effectuent les préparatifs nécessaires pour sa transmission au centre de dépouillement, accompagnée des documents connexes tels que l'inventaire des bulletins. Les documents de chaque urne sont ensuite classifiés et les bulletins peuvent être comptés pour chaque urne individuellement, ou encore on peut fusionner les bulletins de plus d'une urne s'il est nécessaire de protéger le secret du vote de l'ensemble des électeurs d'un bureau de vote. Le relevé des votes de chaque centre de dépouillement est acheminé vers un centre régional ou national et aux représentants des partis politiques. Les observateurs nationaux et internationaux peuvent copier ou transcrire les résultats.
Pour plusieurs raisons, la publication des résultats préliminaires d'un centre de dépouillement est généralement moins rapide :
- normalement, le dépouillement ne peut débuter que lorsque toutes les urnes ont été reçues;
- le processus nécessite du personnel supplémentaire pour la réception, l'emmagasinage et l'acheminement des urnes;
- la réception et le dépouillement de tous les bulletins peuvent exiger plusieurs jours;
- la quantité de matériel et l'importance des effectifs requièrent des procédures plus élaborées;
- l'accès au centre de dépouillement des observateurs, des candidats et des représentants exige des mesures de contrôle plus serrées.
Des moyens de transport insuffisants ou inexistants peuvent représenter un obstacle de logistique pour la transmission des urnes et du matériel connexe vers le centre de dépouillement. Il importe de disposer de systèmes efficaces pour la transmission, pour la réception et pour l'emmagasinage des urnes afin de conserver la transparence du vote et du dépouillement et de ne pas affecter la confiance en l'organisme électoral. Des retards dans la publication des résultats pourraient laisser croire que la transmission des urnes et la compilation des résultats sont entachées de fraude et de manipulation.
Les chances de succès d'un dépouillement centralisé reposent sur les considérations administratives et sur la formation. On doit considérer ces facteurs assez tôt dans la planification de l'élection et respecter les décisions prises. Il faut être conscient de tous les détails et de toutes les subtilités que comportent les procédures.
Procédures
À la fermeture d'un bureau de vote, les préposés et les autres personnes admises effectuent les préparatifs pour la transmission de l'urne vers le centre de dépouillement. La fente d'insertion des bulletin est scellée et une première réconciliation des bulletins est faite avant de remplir le formulaire d'inventaire. Les scellés apposés sur l'urne sont vérifiés de même que toutes les enveloppes scellées contenant les formulaires qui doivent accompagner l'urne. Le bordereau de transmission est complété, selon le moyen de transport.
Il importe de prévoir des mesures de sécurité de transmission qui assureront que l'urne arrivera à destination sans encombre. Au centre de dépouillement, l'arrivée et le déchargement des urnes devraient faire l'objet d'une planification et d'une supervision soignées et leur acheminement à l'intérieur du centre devrait être assujetti à un contrôle judicieux. Tous les borderaux de transmission devront être remplis et vérifiés pour permettre de retracer les urnes manquantes.
Chaque urne est alors vérifiée et acheminée à un endroit désigné du centre identifié pour les urnes prêtes à être dépouillées (voir Count Checklist pour un modèle d'installation de centre de dépouillement). Les urnes sont ensuite distribuées aux tables de dépouillement appropriées, où elles sont ouvertes et vidées; tous les bulletins sont classifiés en piles distinctes et comptés : les bulletins valides d'une part (par candidat, parti politique ou option référendaire) et les bulletins rejetés d'autre part. Pour assurer l'uniformité dans les décisions, les préposés au dépouillement devraient disposer de règles claires et bien comprises pour les guider dans le rejet de bulletins (à titre d'exemples, voir Quick reference - counting centres - Bangladesh, Directives pour la fermeture du bureau de scrutin -Élections Canada, Manual - South Africa et Manual - counting at counting centres - Bosnia).
On devrait permettre aux représentants des partis politiques, des candidats ou des groupes référendaires d'examiner les bulletins rejetés. S'ils ne sont pas d'accord avec la décision rendue, le processus devrait leur permettre de déposer une opposition formelle qui pourrait servir de base à une contestation des résultats.
Tous les bulletins valides, gâtés et rejetés sont comptés à l'aide d'une feuille de comptage (de pointage), en prenant soin de ne détruire aucun bulletin. Avant d'établir le relevé des votes, il importe de procéder à une vérification de la compilation et à un dernier inventaire des bulletins. La documentation du dépouillement est alors établie, insérée dans une enveloppe distincte scellée puis déposée dans l'urne ou collée à l'extérieure. Finalement, l'urne est fermée et scellée à nouveau.
Les urnes sont alors acheminées vers un endroit spécifique et sécuritaire du centre réservé à l'entreposage des urnes dépouillées. Le responsable de l'entreposage établira une piste de vérification en vérifiant, comptant et marquant chacune des urnes. Toutes les urnes demeurent au centre de dépouillement bien en sécurité jusqu'à ce que l'organisme électoral en décide autrement.
Les résultats figurant sur chaque relevé des votes sont communiqués à la personne chargée de fusionner les résultats pour tout le centre. Tout en remplissant le relevé cumulatif pour l'ensemble du centre de dépouillement, on transmet des rapports progressifs pour chaque circonscription à l'organisme électoral national, pour lui permettre de publier les résultats au fur et à mesure qu'ils sont connus.
On devrait permettre aux représentants des partis, des candidats ou des groupes référendaires, de même qu'aux observateurs nationaux et internationaux présents, de copier les relevés des votes individuels et les rapports cumulatifs et progressifs.
Il incombe au bureau national de l'organisme électoral de fusionner les résultats reçus avec ceux des bulletins spéciaux, du vote par anticipation, des bureaux itinérants et de toute autre forme de vote, d'établir des totaux pour chaque parti politique, candidat ou groupe référendaire et de les publier le plus tôt possible. Des mesures additionnelles peuvent être prévues pour les cas de contestation.
Avant de mettre en úuvre un système de dépouillement centralisé, il est essentiel d'offrir une formation appropriée. Les besoins en matière de formation et les exigences administratives doivent faire partie des prévisions budgétaires (voir Considérations administratives).
Durant la formation autant que dans la direction d'un centre de dépouillement, il est important de signaler aux préposés l'importance d'agir en toute neutralité politique. Nombreux pays, afin de souligner l'importance de ce point, exigent que tous les effectifs participant au dépouillement prêtent un serment à cet effet (voir oath of a poll clerk - st vincent and the grenadines). Le personnel doit se garder de faire toute remarque partisane ou de dévoiler son allégeance politique. Il ne doit non plus porter aucun insigne ou vêtement affichant un slogan ou logo de nature partisane. Le responsable de chaque table de dépouillement devra traiter avec les représentants des candidats, des partis politiques et des groupes référendaires afin de régler des mésententes et, sous réserve de la loi électorale en vigueur, rendre les décisions finales concernant la validité ou le rejet des bulletins de vote. Leur neutralité politique est de la plus haute importance dans la prise de décisions. En vertu de certaines lois électorales, les préposés au dépouillement sont passibles de poursuite judiciaire s'ils font preuve de partisanerie dans l'accomplissement de leurs tâches.
Afin d'assurer le principe d'égalité des chances, on recommande de permettre à tous les partis politiques de nommer un représentant pour observer les activités de chaque centre de dépouillement. Chaque parti peut cependant être libre de se faire représenter à chaque table de dépouillement. Plusieurs administrations considèrent essentielle la présence de représentants de partis afin d'assurer l'intégrité et l'uniformité du processus et afin qu'ils en constatent la transparence. Il est même important, chaque fois qu'il est nécessaire de prendre une décision majeure (comme modifier des formulaires déjà remplis), que les représentants paraphent les documents pour indiquer leur accord avec cette décision. L'application de ces mesures fera foi de l'uniformité des règles et de la transparence du processus.
Acheminement documenté des urnes
Au niveau d'un centre de dépouillement autant qu'à un bureau de vote, l'organisme électoral devrait pouvoir reconstituer l'acheminement de chaque urne à partir du moment où elle quitte le bureau local de l'organisme jusqu'à ce qu'elle y retourne avec les bulletins de vote comptés. Cette mesure est d'autant plus importante lorsque les bulletins de plusieurs bureaux de vote sont fusionnés. Une piste de vérification efficace permettra à l'organisme électoral de conserver un contrôle serré sur les déplacements de chaque urne pour lui permettre de minimiser les possibilités de fraude ou de manipulation et de les déceler si elles ont lieu. Une méthode aussi simple que numéroter chaque urne peut offrir ce genre de contrôle. Le numéro attribué à chaque urne devrait être reporté sur tous les formulaires utilisés au bureau de vote et au centre de dépouillement. Dans les cas d'un recomptage judiciaire, l'importance d'une bonne piste de vérification des urnes est évidente.
Les principaux éléments d'un processus de dépouillement centralisé sont les suivants :
- la préparation des urnes avant leur transmission des bureaux de vote vers le centre de dépouillement;
- la transmission des urnes;
- l'accompagnement de l'urne par des représentants ou des observateurs;
- la réception et le suivi de l'urne au centre de dépouillement;
- l'ouverture de l'urne;
- la réconciliation du nombre de bulletins dans chaque urne avec le nombre de personnes qui ont voté;
- la classification et le compte des bulletins en prévision de la transmission des résultats à chacun des niveaux successifs de l'organisme électoral jusqu'à leur publication.