Les lois et règlements ayant trait aux partis politiques, aux candidats et aux systèmes électoraux peuvent avoir des conséquences profondes sur le plan administratif. C'est pourquoi les réalités administratives doivent être prises en compte lorsque des décisions sont prises au sujet de tels règlements. Ceci s'applique en particulier, mais pas de manière exclusive, aux décisions relatives au calendrier électoral. Même s'il existe dans le pays des motifs politiques pressants pour tenir des élections anticipées, un calendrier irréaliste risque de provoquer le chaos.
Certains vont jusqu'à soutenir qu'au nom de l'équité et de l'efficacité, les dates des élections doivent être fixées à l'avance et non laissées à la discrétion du gouvernement du jour. Toutefois, les arguments pratiques et théoriques à propos de dates d'élections fixes plutôt que flottantes ne sont pas concluants.
Approches en matière d'administration des partis politiques et des candidats
Il convient de comparer l'approche traditionnelle, qui comporte une administration « légère » et une ingérence minimale dans le processus électoral, avec une approche plus moderne (encore que pas nécessairement meilleure) qui suppose une administration plus « lourde » et des règlements beaucoup plus détaillés.
Au dix-neuvième siècle, l'État intervenait relativement peu dans l'organisation des élections. Sans doute la police était-elle souvent appelée à maîtriser les bagarres et l'ivrognerie qui accompagnaient le vote, en particulier tant que les votes étaient publics (comme ce fut le cas en Grande-Bretagne jusqu'en 1872), et que les candidats comblaient encore les électeurs avec de l'alcool et d'autres « petits cadeaux ». Les tribunaux aussi étaient fréquemment impliqués dans des procès entre candidats rivaux.
Cependant, les tâches principales de l'administration électorale étaient encore entre les mains du secteur privé. Les candidats et les organisations de partis politiques qui se mettaient à surgir prenaient la responsabilité principale d'inscrire les électeurs et de s'opposer à l'inscription de ceux qui avaient été placés sur la liste par leurs opposants politiques. Les candidats (avec l'assistance occasionnelle de leurs organisations de parti) étaient responsables des frais élevés de l'organisation d'une campagne électorale; il n'était pas encore question d'aide de l'État pour frais de campagne. Dans certains pays, tels que la Grande-Bretagne, on s'attendait même à ce que les candidats partagent entre eux les coûts des bureaux de vote. On partait du principe qu'une élection n'aurait pas été nécessaire - et que l'on aurait dès lors évité les coûts de l'administration du vote - si les candidats s'étaient abstenus de se présenter devant les électeurs. Par conséquent, le candidat portait la responsabilité des coûts de l'administration électorale. Enfin, les candidats qui réussissaient à gagner des sièges dans la législature étaient supposés payer les frais de leur propre subsistance; les rémunérations parlementaires ne viendraient que plus tard.
Dans le plupart des pays, les autorités publiques sont, à l'heure actuelle, responsables des tâches qui consistent à inscrire les électeurs, à organiser et à payer l'administration des élections, à subventionner les coûts de la campagne électorale des candidats et des partis, à payer non seulement les traitements des législateurs mais aussi les coûts du personnel politique au sein de la législature, et même, à certains endroits, à établir et à faire respecter les règles relatives à l'organisation interne et à l'administration des partis politiques. Universitaires et commentateurs ont même évoqué l'avènement dans certains pays d'un système de partis étatiques - où les partis politiques sont si étroitement réglementés et financés par l'État qu'ils cessent en fait d'agir en tant qu'organismes indépendants et bénévoles.
Comparaison entre différentes répartitions de responsabilités
Les approches en matière d'administration des partis politiques, des candidats et des élections ne varient pas seulement en fonction du fait que le système de réglementation est « léger » ou « lourd » elles se distinguent aussi par la manière dont les responsabilités sont réparties entre les autorités centrales et locales, ainsi qu'entre les différentes institutions.
- Administration locale ou centrale
- Dans des pays comme la Grande-Bretagne, l'autorité centrale responsable de l'administration électorale (un ministère appelé « Home Office ») est inactive. Presque toute la responsabilité quant aux tâches telles que l'inscription des électeurs et l'organisation des bureaux de vote, incombe aux gouvernements de district, un ordre de gouvernement local de bas niveau. En revanche, en Australie, il existe une commission électorale fortement centralisée. Cette commission ne fait pas partie d'un ministère, mais est une institution indépendante et puissante. Les États-Unis offrent un exemple de système ayant à la fois des éléments centralisés et d'autres fortement décentralisés. La Commission fédérale électorale est un organisme influent lorsqu'il s'agit de règlements administratifs concernant le financement des élections fédérales. Cependant, de nombreux aspects de la législation sur les partis et les élections sont la responsabilité des gouvernements des États.
- Approche « antagoniste » ou « bureaucratique »
- L'approche « antagoniste » se rapporte à un système tel que celui qui a existé jusque dans les années 1990 en Grande-Bretagne, où il est d'usage de laisser aux candidats et aux partis politiques le soin d'intenter une action en justice contre des opposants qu'ils soupçonnent d'enfreindre les règlements. L'approche « bureaucratique » se réfère à un système, tel que celui de l'Australie ou du Canada, où il existe une bureaucratie puissante consacrée spécifiquement à l'administration des lois électorales et leur application (voir aussi
Modes de réglementation).
- Dispositions constitutionnelles et chartes des droits
- Une pratique devenue courante veut que la législation normale d'un pays en matière politique et électorale soit assujettie à des principes - tels que la liberté de parole - proclamés dans la Constitution ou dans une charte des droits bien enracinée. Ceci peut mener à des contestations juridiques contre les lois électorales et les lois sur les partis devant les tribunaux constitutionnels appropriés. Les États-Unis, le Canada, l'Allemagne et la Grande-Bretagne sont des exemples de pays dans lesquels il y a eu pareilles contestations.
Considérations administratives : mesures et règles spécifiques
Certaines règles et mesures peuvent avoir des implications administratives particulièrement significatives.
- Les méthodes d'inscription ont des implications administratives capitales. Dans les pays où la tâche qui consiste à établir un registre exact est simplement trop lourde, il peut être pratique d'adopter une stratégie de rechange qui consiste à y renoncer et compter plutôt sur l'encre indélébile pour assurer au moins qu'une personne ne puisse déposer qu'un seul vote. Un problème en ce qui concerne l'encre indélébile est que, même si elle réussit à empêcher le vote multiple, elle ne saurait assurer que seuls ceux qui ont atteint l'âge requis votent. De surcroît, là où il existe de vastes communautés de travailleurs migrants qui sont citoyens d'un autre pays, beaucoup d'entre eux peuvent avoir l'occasion d'émettre un vote, bien qu'ils n'aient pas le droit de le faire.
La complexité administrative de l'inscription des électeurs peut aussi dépendre du fait que des listes constituées dans d'autres buts sont utilisées à des fins électorales. Dans certains pays d'Europe continentale, tous les résidants doivent s'inscrire auprès des autorités locales. Une telle information (de même que les passeports internes requis dans certains pays précédemment soviétiques) peut être utilisable sans trop de peine comme base pour l'inscription des électeurs. Dans certains pays, une telle méthode a des relents d'État policier et s'est avérée inacceptable pour le public.
- Signatures requises pour la mise en candidature
- Les règlements qui obligent ou autorisent les candidats à s'assurer une place sur le bulletin de vote en réunissant un nombre de signatures d'électeurs sont généralement plus difficiles à administrer que les systèmes qui exigent le dépôt de cautions financières. En outre, la tâche administrative qui consiste à vérifier si les signatures de ceux qui appuient une mise en candidature sont valables devient évidemment plus grande à mesure qu'augmente le nombre de signatures requises (voir aussi
Signatures et cautions de candidatureet
Signatures).
- Règles relatives à la divulgation de contributions politiques
- Les implications administratives de tels règlements dépendent largement du seuil au-delà duquel les contributions doivent être déclarées. Si le seuil est élevé (comme en Allemagne), quelques contributions seulement doivent être déclarées. Mais là où le seuil est bas - comme aux États-Unis et au Canada - la liste des donateurs sera beaucoup plus longue et impliquera plus d'administration. La tâche administrative augmentera si les autorités sont obligées d'établir des listes selon des méthodes qui permettent aux membres du public de les compulser avec plus d'aisance - si, par exemple, les noms et les adresses des donateurs doivent être mentionnés et que les listes doivent être rendues disponibles à des recherches automatisées par ordinateur (comme c'est l'habitude à la Commission électorale fédérale des États-Unis).
- Implications administratives pour les partis et les candidats
- Ce ne sont pas uniquement les bureaucraties publiques qui doivent faire face aux conséquences administratives des règles et des réglementations électorales. Celles-ci peuvent avoir un impact direct sur les partis politiques et les candidats. On se plaint souvent aux États-Unis que les règles relatives au financement des campagnes électorales sont devenues si complexes et la possibilité d'infractions innocentes si réelle que les candidats sont forcés de dépenser un pourcentage considérable de leur budget électoral à l'embauche de juristes et de comptables professionnels. Ceci est susceptible de dissuader certains candidats de partis nouveaux ou de petits partis de se présenter aux élections et risque donc de faire obstacle à la participation politique (voir aussi
Obligation comptable).