L'expression « égalité des chances » signifie que personne ne jouit d'un avantage injuste, que les conditions d'une élection sont équitables pour tous.
Dans la pratique, l'expression peut avoir une variété de sens différents et parfois contradictoires.
Équité comprise dans le sens d'égalité des résultats
On peut soutenir qu'une manière d'assurer que chaque parti et chaque candidat est traité de manière équitable est de fournir exactement les mêmes opportunités et ressources financières à chacun d'eux, quelles que soient leurs dimensions et leur popularité. L'argument favorable à l'octroi à tous les partis et à tous les candidats d'une part égale de temps d'antenne gratuit, ou de subventions égales, est qu'ils ont tous besoin de moyens égaux pour communiquer leurs idées à l'électorat.
C'est le principe appliqué dans l'octroi de la franchise postale aux candidats parlementaires britanniques. Tant les candidats proposés par les grands et les petits partis que les candidats indépendants ont les mêmes privilèges.
En revanche, on pourrait faire valoir qu'un traitement égal pour les grands partis et pour des groupes marginaux est à la fois peu pratique et injuste. On peut soutenir qu'il est injuste et inique de donner à un parti marginal les mêmes avantages publics et la même assistance financière qu'à un grand parti. Pour un parti marginal, qui peut n'avoir qu'une poignée de membres, la chance d'obtenir ne serait-ce que quelques minutes de temps d'antenne gratuit à la télévision représente un avantage énorme. En revanche, ce même nombre de minutes sera insuffisant pour les grands partis. Là où il y a des douzaines, voire des centaines, de partis politiques en compétition, une politique qui consiste à allouer exactement la même quantité de temps à chacun résulte inévitablement à une situation proche du chaos, du fait que les électeurs sont confrontés à une multitude de messages différents.
En outre, une telle politique de « temps égal » peut dissimuler une attitude fort partiale à l'encontre des principaux partis d'opposition. Le parti au pouvoir dispose normalement d'autres possibilités de se faire valoir. Si le principal parti d'opposition reçoit la même menue tranche de temps d'antenne gratuit à la télévision que des douzaines de partis insignifiants, il aura une possibilité totalement insuffisante pour présenter son message, ce qui servira les intérêts du gouvernement. On a pu constater les résultats insatisfaisants de la politique de temps d'antenne égal pour grands et petits partis lors des élections inaugurales de plusieurs des pays anciennement communistes d'Europe de l'Est et de l'ancienne Union soviétique.
Discrimination positive
On peut soutenir que l'égalité des chances demande une discrimination positive en faveur des partis nouveaux ou petits. Selon cette interprétation, les forces politiques majeures ont dans toute société déjà d'amples chances de s'exprimer. Il convient donc de fournir à ceux qui ne sont pas des favoris politiques des occasions supplémentaires de s'organiser et de faire connaître leurs vues à l'électorat.
Un exemple de l'application de cet idéal compensatoire d'égalité des chances est le procédé introduit en 1975 à la Chambre des communes britannique consistant à donner des subventions financières aux partis d'opposition représentés dans la chambre basse. Le parti au pouvoir ne reçoit pas de subvention. La justification de cet arrangement est que le parti au pouvoir détient l'avantage des conseils de l'administration. Seuls les partis d'opposition ont besoin de fonds pour engager du personnel pour préparer leurs arguments.
Équité fondée sur les appuis politiques
L'équité peut exiger que les petits partis et les candidats marginaux obtiennent moins d'appui que les principaux. Cette idée peut s'appliquer notamment à l'allocation de temps d'antenne pour émissions gratuites à la télévision et à la radio. Elle peut s'appliquer aussi aux subventions financières. Par exemple, on peut soutenir que seuls les principaux candidats dans une élection présidentielle devraient être appelés à s'affronter dans un débat à la télévision nationale ou que l'on devrait offrir aux grands partis plus de temps d'antenne qu'aux petits pour des émissions de parti politique.
Ce principe repose sur des considérations de sens commun et de justice, mais il comporte aussi des problèmes. L'argument de sens commun pour l'équité de l'allocation en fonction de l'appui dont jouit chaque concurrent est que l'on évite la situation où des douzaines, voire même des centaines, de candidats et de partis triviaux s'établissent, simplement pour gagner la publicité gratuite qui résulte si tous les concurrents reconnus légalement obtiennent la même publicité. Il n'est tout bonnement pas praticable pour les électeurs d'avoir à digérer de si nombreux messages. Dans le jargon des scientistes politiques et des diplomates, il existe (en particulier dans les démocraties nouvellement formées) des « partis sofa », des partis si minuscules que tous leurs membres pourraient s'asseoir sur un seul sofa.
L'argument de justice est qu'il est déraisonnable pour un parti ou un candidat représentant une poignée de partisans d'avoir les mêmes moyens de communiquer avec l'électorat qu'un grand parti.
Les considérations ci-dessus fournissent une base solide pour l'argument que l'égalité des chances devrait vouloir dire que l'assistance de l'État est proportionnelle à l'appui dont jouit chaque concurrent. Cependant, l'application de ce principe présente des problèmes.
D'abord convient-il de déterminer s'il faut mesurer l'ampleur de l'appui de chaque parti selon sa performance passée ou selon sa performance courante. La mesure la plus aisée et apparemment la plus objective de l'appui est le pourcentage de voix obtenu par chaque parti aux élections les plus récentes. Ceci est la base principale pour le financement par l'État d'organisations de parti en Allemagne. La faiblesse de ce système d'allocation est qu'il peut soutenir des partis établis aux dépens de partis nouvellement formés, ou dont la popularité (telle que mesurée par les sondages d'opinion ou d'autres moyens) a augmenté depuis les dernières élections. Dans certains pays (la Namibie, par exemple), des fonds sont alloués selon le nombre de voix obtenu aux élections nationales, mais uniquement aux partis représentés au parlement. Les partis qui manquent de gagner un siège dans la législature sont donc désavantagés.
Le second problème est de savoir s'il convient de mesurer l'ampleur de l'appui sur base des voix obtenues ou de quelque autre indicateur. On pourrait faire valoir, par exemple, que les subventions publiques devraient pour chaque parti être fonction du nombre de membres ou de l'appui financier privé plutôt que du nombre de voix.
Équité entre partis politiques et groupes de pression
Les systèmes de réglementation et de subventions affectent non seulement l'équilibre entre partis concurrents, mais aussi l'équilibre entre l'ensemble des partis politiques et d'autres formes d'expression politique. Si un système de réglementation restreint les partis politiques, cela peut avoir comme effet de favoriser d'autres canaux, non réglementés, de communication politique.
Conclusion
L'égalité des chances est un principe important, mais il a un si grand nombre de sens différents que les divers partis politiques et candidats seront fréquemment en désaccord quant à ce qui est « équitable ». Naturellement, ils tendront chacun à favoriser la définition d'équité qui coïncide avec leur propre intérêt.