Illustrons le problème de savoir comment l'État devrait allouer des subventions en nature parmi différents candidats et différents partis politiques, par l'exemple du temps d'antenne gratuit à la télévision et à la radio, généralement l'avantage le plus important dans les élections.
Parts égales
Si des élections compétitives sont tenues pour la première fois après une période de régime totalitaire, l'unique façon pratique et équitable de partager le temps d'antenne gratuit disponible à la télévision et à la radio est sans doute de donner à chaque parti la même part. Le motif en est qu'aucun des partis qui surgiront n'aura d'état de notoriété. Il sera donc difficile d'établir des critères permettant de juger que certains sont plus significatifs que d'autres.
Néanmoins, la méthode des parts égales pour tous présente des désavantages à la fois théoriques et pratiques en tant que méthode pour partager le temps d'antenne et ce ne saurait être rien de plus qu'un palliatif. La méthode des parts égales pour tous a les désavantages suivants.
- Il peut y avoir une telle profusion de petits partis politiques qu'ils ne pourront obtenir plus d'une brève durée de temps chacun. Il sera, dès lors, presque impossible pour l'électorat de distinguer et de comprendre leurs nombreux messages.
- Le système encouragera l'établissement de partis fragmentés.
- Il va sans doute jouer à l'avantage du régime existant, dont les vues ont des chances d'être bien connues, tandis que celles de l'opposition sont éparpillées.
Système proportionnel
Là où un système politique est déjà bien établi et où les changements dans l'opinion publique ne sont que progressifs, une méthode équitable de partager le temps d'antenne peut être sur base de la proportion des voix récoltées par chaque parti à l'élection générale précédente. Cependant, même cette méthode se prête à controverse, ainsi que nous l'avons montré dans un article précédent (voir Égalité des chances).
Autres méthodes d'allocation
Là où des élections démocratiques se sont implantées, mais où il y a de nets changements dans la physionomie de l'opinion publique, et peut-être des partis politiques nouvellement éclos, un attachement à une allocation de temps d'antenne sur base de la performance électorale antérieure peut indûment léser des partis qui sont nouveaux ou dont l'attrait a fortement augmenté (ainsi qu'il appert d'élections partielles ou de sondages d'opinion ou sous quelque autre forme) depuis l'élection générale précédente.
Israël et la Grande-Bretagne (voir Formules d'attribution du temps d'antenne) pratiquent des méthodes d'allocation du temps d'antenne qui tiennent compte de tels changements.
En Israël, l'allocation du temps d'antenne se fait sur base d'un compromis entre le statu quo et la situation nouvelle. Chaque parti, y compris ceux qui n'étaient pas représentés dans le parlement précédent, obtient dix minutes et chaque parti déjà représenté dans le parlement sortant reçoit trois minutes supplémentaires pour chaque député dans ses rangs. 5
En Grande-Bretagne, le processus initial est moins formel. Un comité de représentants des autorités de la radiodiffusion et des partis politiques est constitué. Ce comité tente d'arriver à un accord sur une allocation équitable. Dans le passé, ceci a comporté un nombre d'éléments. D'abord, les deux partis principaux ont reçu des parts égales. La part du troisième parti -- les démocrates libéraux -- a été en partie basée sur le résultat de l'élection précédente et en partie sur sa performance subséquente dans des élections partielles, dans des élections de gouvernement local et dans les sondages. La formule a généralement donné au troisième parti une part qui est à la fois plus petite que celle des deux partis principaux et plus grande que sa part calculée au prorata de sa représentation politique précédente ou actuelle.
La formule qui a surgi a donc reflété un compromis entre un nombre d'idées divergentes du concept d'équité. En outre, elle a reflété le fait que les autorités de la radiodiffusion ont l'autorité finale de décider de ce qu'ils considèrent être une allocation raisonnable, s'il n'y a pas d'accord entre les partis politiques. Enfin, si les autorités de la radiodiffusion prennent une décision à la suite d'un désaccord entre les partis, chacun d'eux a le loisir de porter l'affaire devant les tribunaux. Il appartiendra alors au juge de décider ce qui est équitable.
Ce système de marchandage en comité a généralement assez bien fonctionné. Mais il n'est pas dit qu'il pourrait être reproduit avec succès par des pays ayant des cultures politiques différentes. Voir Temps d'antenne sur les réseaux publics.