Comme le souligne la Commission Lortie :
La sélection de candidats est une des fonctions les plus fondamentales que les partis politiques remplissent. Elle les distingue de tous les autres types d'organisations qui réunissent des individus pour promouvoir des idées politiques, des valeurs et des intérêts communs 12.
Dans les systèmes majoritaires, les candidats sont normalement sélectionnés pour disputer des circonscriptions uninominales. Les questions qui apparaissent à propos du processus de sélection sont :
- quels sont les pouvoirs relatifs des organisations de parti centrale et locales?
- quelle est l'ampleur du cercle de membres du parti impliqués dans le processus de sélection? (c.-à-d. le processus de sélection est-il participatoire et démocratique, ou non?)
- le processus de sélection est-il réglementé par la loi?
Contrôle central et local du parti
Dans le passé, l'influence des organisations centrales de parti sur la sélection des candidats pour le parlement ou pour des charges régionales ou municipales a été d'habitude sévèrement limitée. Plusieurs motifs le justifient. Les dirigeants de parti locaux ont souvent ressenti l'ingérence centrale dans la fonction de sélection. Les dirigeants nationaux ont évité avec soin toute ingérence manifeste, car le succès des campagnes locales a dépendu en fort large mesure de l'enthousiasme de l'organisation locale, et il n'est donc pas sage d'offenser ses activistes. D'ailleurs, les organisations locales du parti ont le pouvoir ultime de se dégager du parti national et d'avancer un candidat de leur choix en concurrence avec le candidat imposé par le centre.
Au Canada, la Commission Lortie insiste sur l'influence du parti local en matière de sélection de candidats. En Grande-Bretagne aussi, les dirigeants et les organisateurs du parti central ont traditionnellement trouvé qu'il était difficile de placer des candidats de leur choix dans des circonscriptions spécifiques.
La Grande-Bretagne est un exemple de pays où les organisations centrales de parti ont au moins quelque chose à dire. Il a été d'usage de tenir une liste centrale de candidats éventuels et d'exiger que les sélections locales soient faites parmi les membres inscrits sur cette liste approuvée. En pratique, les associations locales de parti ont parfois insisté à interviewer des demandeurs - en particulier inscrits chez elles - même s'ils n'étaient pas inclus dans la liste officielle. Dans ces cas, l'organisation centrale du parti a eu tendance à inclure de tels postulants dans la liste approuvée afin d'éviter un conflit avec l'association locale de parti. En toute hypothèse, la liste centrale de candidats approuvés a été généralement fort longue et il a été relativement facile d'y inclure de nouveaux noms.
Il y a des indications que l'influence centrale sur la sélection de candidats a eu tendance à augmenter. Ceci a certainement été le cas ces dernières années au sein du Parti travailliste britannique.
La progression de l'influence centrale sur la sélection de candidats a fait partie d'un processus plus vaste de centralisation du pouvoir. Celui-ci a été le résultat du nombre en baisse des membres des associations locales de parti, de l'importance en baisse des travailleurs locaux de parti dans l'obtention d'appuis électoraux, et du rôle croissant des partis centraux dans la récolte de fonds.
Nombre de nations en développement témoignent d'une influence considérable des organisations centrales de parti sur la sélection des candidats. Dans de nombreux États africains, les candidats sont identifiés au niveau local, de circonscription, et régional, mais requièrent l'approbation du comité central de leurs partis.
Procédures participatoires ou non participatoires
Un reproche fréquent parmi les organisations locales de parti quant aux processus de sélection est que ceux-ci placent trop de pouvoir entre les mains de groupes réduits de dirigeants locaux qui ne sont pas tenus de rendre des comptes.
Aux États-Unis, une rébellion contre ce qui était considéré (à juste titre) comme de la corruption politique découlant de la sélection de candidats par l'appareil du parti aboutit à l'introduction d'élections primaires. Dans le système des primaires, le droit de désigner les candidats qui disputeront les élections sous le nom du parti ne réside pas entre les mains des mandataires du parti, mais entre celles d'un groupe beaucoup plus vaste d'électeurs de la base. Ceux qui sont qualifiés pour voter dans une élection primaire aux États-Unis comprennent - selon l'État où se tient l'élection - tous ceux dont l'inscription au registre des électeurs indique qu'ils appuient le parti en question, ou tous les électeurs inscrits, quelle que soit leur affiliation de parti enregistrée.
Dans d'autres pays, les doléances se sont concentrées sur le fait que le cercle de gens impliqués dans la sélection a été trop étroit. C'est surtout un comité de mandataires au sein du parti local qui s'est chargé d'examiner la liste initiale de demandeurs. Une liste plus courte de candidats sélectionnés a ensuite été soumise à un groupe quelque peu plus large. Toutefois, l'ensemble des membres de l'organisation locale n'a souvent eu aucune part dans la sélection.
La récente tendance a été de démocratiser les règles de sélection et de prévoir un rôle formel pour les membres individuels du parti. Plus est devenu petit le nombre de membres du parti, plus est grand le rôle que tendent à jouer les membres restants dans le choix des candidats.
Les votes par les membres du parti pour désigner les candidats selon le modèle des élections primaires aux États-Unis se sont multipliés : c'est là une caractéristique récente de l'organisation politique dans des pays tels que l'Espagne.
La question de savoir s'il est démocratique d'accorder aux militants de base une voix plus ample dans le choix des candidats est un sujet de controverse. L'argument en faveur du principe « un membre, un vote » dans la sélection des candidats est simplement qu'il convient que les partis politiques participant dans des élections démocratiques soient démocratiques dans la manière dont ils gèrent leurs affaires internes (voir Démocratie au sein des partis).
Cependant, la sélection de candidats parlementaires par votes des membres locaux de parti est sujet à des abus. Souvent une organisation locale de parti aura peu de membres et ses listes ne seront pas en ordre. Il devient alors relativement facile pour un concurrent local de recruter de nouveaux membres expressément dans le but de les faire assister à la réunion de sélection ou pour participer à la sélection. Il est possible que de tels membres aient leur cotisation payée par celui qui a l'intention d'être candidat ou par ses supporters et qu'ils n'aient pratiquement aucune relation avec l'association locale de parti.
En outre, la participation à des élections primaires dans un scrutin du type « un membre, un vote » peut être basse. Les critiques soutiennent que ceux qui de fait participent au vote auront tendance à être exceptionnellement idéologiques et peu représentatifs des électeurs du parti en général. Paradoxalement, l'appareil du parti aura plus de chances de sélectionner des candidats dont les vues sont acceptables aux adeptes du parti en général. Ceci s'explique du fait que les dirigeants de parti, contrairement aux membres actifs, attachent une grande importance à choisir un candidat qui va sûrement bien passer aux élections; les activistes donneront la préférence à des candidats dont les vues extrêmes reflètent les leurs quelles que soient leurs chances d'être élus.
Règles juridiques et non juridiques
Les contrôles légaux sur la sélection des candidats sont l'exception. Les méthodes de sélection sont normalement une question de décisions discrétionnaires par les partis eux-mêmes.
Les deux exemples principaux de pays où le processus de sélection est contrôlé par la loi sont les États-Unis et l'Allemagne (voir Inscription des partis et des candidats). En Allemagne, où le système est proportionnel, des lois de partis ont été passées qui règlent les procédures utilisées par les organisations de parti. Ceci est conforme à la disposition de l'Article 21 de la Loi fondamentale de 1949 qui exige la démocratie interne de parti.