Les règles concernant le droit de se porter candidat à des fonctions électives reflètent souvent un conflit entre deux principes opposés.
D'une part, conformément au principe de la participation politique (voir Participation à la vie politique), les restrictions aux candidatures devraient être aussi limitées que possible. Idéalement, quiconque a le droit de voter devrait avoir le droit additionnel de se porter candidat à un mandat électif.
D'autre part, il s'impose sans doute moralement que les qualifications des candidats soient plus astreignantes que celles d'électeurs ordinaires, compte tenu des responsabilités d'une charge publique. Qui plus est, il y a certaines fonctions qui doivent être tenues par des personnes qui sont politiquement neutres; ceux qui occupent de telles positions devraient, dès lors, être incapables de se porter candidat.
Guy Goodwin-Gill a commenté les principes juridiques concernant les restrictions au droit de se présenter pour une charge publique, tels qu'ils sont énoncés dans la Convention européenne des droits de la personne : « La jurisprudence européenne reconnaît une variété de conditions au droit de se porter candidat et d'exclusions de celui-ci, y compris la détention pénale et les exigences de résidence, mais stipule généralement qu'elles devront être prescrites par la loi et raisonnablement nécessaires dans une société démocratique. En outre, elles ne doivent pas être arbitraires ou violer le principe de non-discrimination. Refuser des droits politiques simplement sur la base d'une opinion politique pose un défi direct au processus démocratique lui-même. »
Des exemples de restrictions existantes suivent.
Citoyenneté
Ceci est une qualification normale, même si elle n'est pas universelle. Pour les élections au Parlement européen, les candidats dans chacun des pays peuvent être citoyens de n'importe quel autre pays de l'Union européenne. Dans les élections britanniques et jamaïquaines, tout citoyen des pays du Commonwealth peut se porter candidat.
Dans d'autres cas, les exigences de citoyenneté sont plus rigoureuses pour les candidats que pour les électeurs. Aux États-Unis un candidat à la présidence ne doit pas être uniquement un citoyen, mais doit, de surcroît, être citoyen de naissance. Il existe une qualification semblable pour le Sénat de Colombie et pour les deux chambres législatives en Bolivie. Aux États-Unis, neuf années de citoyenneté sont requises pour le Sénat et sept ans pour la Chambre des représentants. En Argentine, les chiffres pour le Sénat et pour la Chambre sont six ans et quatre ans respectivement, et en Uruguay, sept ans et cinq ans. En Zambie, les règles pour les candidats présidentiels sont particulièrement restrictives : non seulement ils doivent être nés dans le pays, mais ils doivent aussi avoir des parents zambiens.
Résidence
Le Costa Rica exige dix ans de résidence (pas nécessairement dans la circonscription où le candidat se présente); la Norvège, dix ans (mais il n'est pas nécessaire que ce soit immédiatement avant la candidature); et les États-Unis, quatorze ans pour la présidence.
Aux États-Unis, un candidat au Congrès doit être résident dans l'État où il se porte candidat. Les candidats à la Chambre des représentants des Philippines doivent avoir été résidants dans la circonscription où ils se présentent pendant un minimum d'un an. En Équateur, les candidats doivent avoir été nés ou résidants pour trois ans dans la province. En Namibie, douze mois de résidence ininterrompue dans la région électorale locale sont requis pour être admissible tant comme électeur que comme candidat pour la région.
Âge
Les candidats à la Chambre des représentants des États-Unis doivent avoir au moins 25 ans (tandis que l'âge requis pour être électeur est de 18 ans). L'âge minimum pour le Sénat est 30, et pour la présidence 35. En Namibie, un candidat présidentiel doit aussi avoir au moins 35 ans. D'autres barrières d'âge : 35 pour les sénateurs en Bolivie, en Colombie et aux Philippines, et 40 pour les sénateurs en Belgique et en Italie.
Finances
La faillite ou l'insolvabilité sont une barrière occasionnelle en particulier dans les pays influencés par le modèle de Westminster, par exemple, en Australie, en Grande-Bretagne, aux îles Fidji, en Inde, en Irlande, en Jamaïque, au Luxembourg, en Malaisie, à Malte, sur l'Île Maurice, en Namibie, en Afrique du Sud et au Sri Lanka.
Casier judiciaire
Les pays qui excluent ceux qui ont subi une condamnation criminelle incluent : l'Australie, la Belgique, la Bolivie, le Brésil, la Grande-Bretagne, la Colombie, les îles Fidji, l'Islande, Israël, l'Italie, la Jamaïque, le Japon, le Luxembourg, la Malaisie, Malte, l'Île Maurice, la Namibie, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l'Afrique du Sud, le Sri Lanka et le Zimbabwe.
Incapacité mentale
L'aliénation ou la maladie mentale est un obstacle dans certains pays, y compris la Belgique, la Bolivie, le Brésil, la Grande-Bretagne, les îles Fidji, l'Irlande, l'Italie, la Jamaïque, la Malaisie, Malte, la Namibie, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, l'Afrique du Sud, le Sri Lanka, la Suisse (qui exclut aussi la faiblesse d'esprit - une exigence dont les cyniques supposeraient sans doute qu'elle risquerait de disqualifier bon nombre de politiciens), la Turquie et le Zimbabwe.
Autres inaptitudes personnelles
En Bolivie et en France, on est inéligible en cas de manquement d'avoir accompli son service militaire; au Costa Rica, en Italie et aux Philippines pour cause d'analphabétisme; sur l'Île Maurice, en cas d'incapacité de lire et de parler l'anglais; au Costa Rica, on est membre de la famille du Président de la République.
Incompatibilité de fonctions
Le service actif dans les forces armées et dans les branches civiles de la fonction publique est la plus importante source d'incompatibilité avec une candidature pour un mandat électif. Parmi de nombreux exemples, citons : la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Jamaïque, l'Inde, la Malaisie, Malte, le Mexique, la Turquie et le Zimbabwe.
Les contractants avec le gouvernement sont exclus de candidature en Australie, en Équateur, aux îles Fidji, en Inde, en Jamaïque, au Mexique et ailleurs.
Il ne manque pas d'autres types surprenants ou inhabituels de disqualification. Les juristes pratiquant le droit et les membres du clergé dans les ordres catholiques sont disqualifiés en Argentine, au même titre que les membres de la famille royale en Grande-Bretagne, les professeurs d'université en Turquie, les instituteurs et les tenanciers de bordels au Luxembourg, les rabbins salariés en Israël, les préposés à l'enregistrement des hypothèques en Grèce, et les représentants légaux de compagnies étrangères en Équateur.
Idéologie
Il paraît raisonnable que les candidats qui prônent la destruction d'un État, qui sont voués au terrorisme ou qui sont opposés à la démocratie doivent être exclus. Mais il est difficile de tracer une ligne entre l'interdiction de ceux qui ne souhaitent utiliser les structures démocratiques que pour les saper et les adeptes d'idéologies impopulaires qui n'en devraient pas moins être tolérées dans une société pluraliste. Les limites de la tolérance dépendent en partie de la condition de l'État au moment de l'élection. Il peut y avoir une tolérance plus grande pour des points de vue apparemment extrêmes en temps de paix que lors d'une urgence de guerre.
Il existe toujours un danger que les limitations des droits d'éléments prétendument déloyaux, antidémocratiques, extrêmes ou violents seront imposées d'une manière inique. Les restrictions aux candidatures pour motifs idéologiques peuvent servir d'excuse à un régime autoritaire pour gêner l'opposition ou elles peuvent être appliquées irrégulièrement. Le fait que dans l'Allemagne de l'Ouest d'après guerre les restrictions vis-à-vis de personnes antidémocratiques furent appliquées avec plus de vigueur aux communistes qu'à ceux qui avaient des antécédents nazis se passe de commentaires. Les restrictions à l'égard des communistes aux États-Unis durant la guerre froide est une autre question controversée. Richard Katz rapporte que les candidats communistes sont encore aujourd'hui exclus dans neuf des 50 États des États-Unis
D'autres exemples d'exclusion idéologique se trouvent en Indonésie, où les candidats doivent démontrer leur loyauté au Pansa Sila - les cinq principes de la coexistence pacifique - en tant qu'idéologie de base de l'État, et en Iraq, où les candidats doivent soutenir les principes et les objectifs de la révolution de juillet 1968. (On pourrait objecter que ces exemples, cités par Goodwin-Gill, ne concernent pas des démocraties pluralistes.)
Religion
Selon la constitution, le président d'Argentine doit être catholique romain. En Iran, les candidats doivent soit avoir la foi et une obligation active à l'égard de l'Islam, soit appartenir à une minorité religieuse reconnue.
Les principales sources d'information dans le présent article sont :
- Richard S. Katz, Democracy and Elections. New York: Oxford University Press, 1997, en particulier tableau 14.1.
Pour la section sur l'idéologie :
- Guy S. Goodwin-Gill, Free and Fair Elections: International Law and Practice. Geneva: Inter-Parliamentary Union, 1994, pp. 54-55. Un complément d'information fut fourni par Gerhard Tötemeyer.