Les contributions étrangères sont fréquemment d'importance décisive, encore qu'elles ne soient d'habitude pas divulguées. Ce fichier exposera certaines des ambiguïtés du terme « étranger », distinguera les diverses sortes de contributions étrangères et passera en revue les arguments pour et contre les contributions étrangères.
Ambiguïtés du terme « étranger »
Dans le monde d'aujourd'hui, les termes « domestique » et « étranger » sont beaucoup moins clairs en pratique qu'en théorie.
(1) Il y a de nombreux groupes de travailleurs qui vivent temporairement dans un pays étranger tandis qu'ils demeurent des citoyens de leur pays natal. Ces travailleurs émigrés sont à distinguer des diasporas ethniques (ceux qui ont changé leur citoyenneté et ont immigré à titre permanent dans un pays nouveau). Ceux qui vivent temporairement à l'étranger retiennent fréquemment le droit de vote dans leur pays d'origine. Leurs contributions politiques - même si elles sont faites de l'étranger - ne devraient sans doute pas être classifiées comme des contributions étrangères. En effet, les règlements concernant le financement des campagnes électorales aux États-Unis autorisent les contributions d'organisations de citoyens vivant à l'étranger tels que les « démocrates de l'étranger » et les « républicains de l'étranger », bien que les contributions venant de l'étranger soient interdites.
Cependant, la distinction entre les citoyens vivant temporairement à l'étranger et ceux qui ont émigré à titre permanent n'est pas toujours claire. Il y a, par exemple, des millions de travailleurs étrangers dans des pays comme l'Allemagne qui ont vécu dans leur nouveau pays durant de nombreuses années et, dans certains cas, sont même nés là. Mais le nouveau pays ne leur a pas octroyé la citoyenneté : ils sont, dès lors, dans l'incertitude quant à leurs droits et obligations civiques.
(2) L'introduction des élections au Parlement européen a aussi effacé la distinction entre « chez soi » et « à l'étranger ». Les citoyens de n'importe quel pays membre de l'Union européenne sont autorisés à voter et à se présenter comme candidats non seulement dans leur propre pays, mais partout dans l'Union européenne. Il devient donc douteux si, par exemple, une contribution d'un homme d'affaires grec à un parti politique britannique est ou n'est pas à considérer comme étrangère.
(3) Dans le cas particulier de la Grande-Bretagne, les citoyens d'Irlande résidant en Grande-Bretagne ainsi que les citoyens des pays du Commonwealth sont autorisés à voter et à participer aux élections britanniques. La question se présente, à nouveau, de savoir si une contribution à un parti britannique en provenance d'un pays du Commonwealth est étrangère.
(4) L'existence de corporations multinationales, dont les comptes et les transactions commerciales sont à cheval sur un grand nombre de nations, rend difficile l'identification du financement étranger et intérieur.
Contributions de la diaspora ethnique
Les migrations massives des deux derniers siècles ont mené à la formation de communautés qui, bien qu'elles soient économiquement intégrées dans leurs nouveaux pays, retiennent un intérêt dans la politique de leur ancien pays. En effet, les migrants sont souvent plus passionnés et ont quant aux conflits politiques dans leurs anciennes patries des opinions plus extrêmes que ceux qui ont continué à y vivre.
C'est ainsi que les organisations politiques et paramilitaires des nationalistes irlandais, par exemple, ont durant des générations dépendu en grande partie des fonds recueillis parmi les communautés irlandaises aux États-Unis. Les partis politiques à l'intérieur d'Israël maintiennent des relations étroites avec des organisations permanentes dans les principales communautés juives dans plusieurs pays. Les diasporas de Polonais, d'Albanais, de Slovaques, de Latviens, d'Ukrainiens, de Croates, etc., ont toutes été significatives à divers moments.
Le rôle du financement à partir de la diaspora est particulièrement important lorsque les migrants vivent dans des pays où le niveau de vie est sensiblement plus élevé que dans la mère patrie. Dans ces conditions, le soutien financier des migrants peut être crucial.
Contributions d'entreprises étrangères
Les politiciens reçoivent régulièrement des contributions d'entreprises étrangères. Si l'initiative émane généralement des corporations étrangères ou de politiciens locaux est matière à débat. Les compagnies qui cherchent des franchises de pétrole ou d'autres contrats majeurs affirment souvent que des politiciens avides les obligent à donner des pots-de-vin énormes et des contributions politiques. Le point de vue opposé est qu'ils ne sont que trop disposés à agir comme agents de la corruption politique.
Quelles que soient les personnes à blâmer, le fait demeure que d'énormes dessous de table de l'étranger ont été bien trop souvent donnés et reçus. Des preuves très détaillées de paiements politiques internationaux ont surgi durant les années 1970 au milieu de révélations et d'investigations au Congrès des États-Unis à propos des activités de la Lockheed. On montrait que des politiciens de premier plan au Japon avaient accepté des paiements illégaux. De nouveaux exemples de contributions politiques faites par des corporations étrangères ont été dévoilées, impliquant des politiciens italiens. Plus récemment, le scandale Bofors a ébranlé la politique indienne. En Grande-Bretagne, le gouvernement conservateur a été accusé au début des années 1990 de recueillir des contributions politiques de milliardaires de Grèce et de Hong Kong. Les révélations au sujet de contributions d'entreprises allemandes à des politiciens espagnols ont fait surface au cours de la célèbre affaire Flick à la suite de révélations faites dans Der Spiegel au début des années 1980.
Contributions de syndicats criminels étrangers
Voir Financement illégal.
Contributions de partis politiques apparentés
Voir Financement des activités des partis à l'étranger.
Les familles idéologiques des partis politiques et des syndicats ont parfois recueilli de l'argent au bénéfice de partis apparentés dans des pays étrangers. Cette assistance a parfois été donnée par le truchement des Internationales de parti (telles que l'Internationale socialiste). Les sociaux-démocrates suédois ont été bien connus pour leurs activités de solidarité internationale, en particulier avec des partis sociaux-démocrates dans des démocraties naissantes.
Toutefois, les montants d'argent recueillis par les partis auprès de leurs membres aux fins de solidarité internationale ont été généralement faibles.
Argent secret fourni par des gouvernements étrangers
Les gouvernements ont traditionnellement utilisé des fonds du service secret pour soudoyer des politiciens étrangers marquants en finançant leurs campagnes électorales. D'autres utilisations politiques de fonds du service secret ont inclus des paiements à des syndicats étrangers et à des journaux étrangers.
De tels paiements ont une longue histoire. Dans les temps modernes, le Fonds reptile, utilisé par le chancelier allemand Otto von Bismarck, a fourni un précédent; il a été suivi par les régimes allemands subséquents. Pendant la Première Guerre mondiale, le ministère des affaires étrangères allemand encourageait les Bolcheviks en leur envoyant de l'argent par des routes détournées à travers la mer Baltique. Hitler fit usage de techniques semblables. Après la Deuxième Guerre mondiale et au moins jusqu'aux années 1970, un fonds secret dit « Fonds du chancelier » était à la disposition des chanceliers ouest-allemands successifs. Des paiements secrets à des politiciens chiliens dans les années 1960 et aux anti-communistes portugais et espagnols dans les années 1970 venaient de cette source, à ce que l'on dit.
Comme les révélations qui ont suivi la chute du régime soviétique l'ont montré, l'Union soviétique fournissait régulièrement des fonds aux partis communistes étrangers et aux organisations pro-communistes.
Peu après sa formation en 1947, la Central Intelligence Agency (CIA) des États-Unis s'activa elle aussi à faire des paiements aux politiciens, partis et syndicats anti-communistes dans un grand nombre de pays étrangers. À l'époque de la guerre froide, les partis politiques en Afrique et ailleurs recevaient, à ce que l'on dit, un appui financier de l'Union soviétique et de la Chine aussi bien que des États-Unis. Certains pays riches en pétrole comme la Libye s'activaient aussi, à ce que l'on prétend, à fournir de l'argent pour des causes politiques étrangères. Cette liste est sans nul doute incomplète.
Argent étranger d'organisations pro-démocratiques
Voir aussi Financement des activités des partis à l'étranger.
Les fondations politiques telles que le National Endowment for Democracy basé à Washington, la Westminster Foundation for Democracy de Grande-Bretagne et les Stiftungen allemandes reçoivent de l'argent de leurs gouvernements pour distribution à l'étranger. Cette méthode moderne d'aide politique vise à se différencier des techniques propres à la guerre froide de financement politique clandestin par le truchement d'agences d'intelligence. Les trois traits distinctifs des méthodes utilisées par ces fondations sont les suivantes.
1. L'assistance qu'elles octroient est (excepté en partie pour celle offerte par les Stiftungen allemandes) divulguée publiquement. Elles ne font pas mystère de leurs activités.
2. La manière dont cette assistance est organisée démontre l'intention de s'assurer que les décisions quant au choix des organisations qui seront assistées soient prises par des comités indépendants agissant à l'écart du gouvernement donateur.
3. Certaines des fondations cherchant à établir des démocraties ont alloué de l'argent à divers partis politiques dans le pays donateur. Ces partis ont pu, à leur tour, juger bon d'aider divers partis qui dans le pays récipiendaire sont rivaux. De cette manière, le pays donateur ne cherche pas à manipuler les résultats électoraux dans le pays récipiendaire; au lieu de cela, son objectif est de favoriser un système politique compétitif. C'est ainsi, par exemple, qu'au début des années 1990 la Westminster Foundation for Democracy donna de l'aide à trois partis britanniques en même temps afin de leur permettre d'appuyer trois partis différents et adversaires entre eux à l'intérieur de l'Albanie.
Tendances dans le financement étranger de partis et d'élections
Le financement politique étranger est un domaine d'activité questionnable et controversé à propos duquel il y a eu trop peu de recherche. Ce que l'on en sait suffit cependant pour démontrer sa signification. Il ne faudrait pas présumer, cependant, que les activités qui ont été le plus analysées - telles que celles de la CIA - ont nécessairement été les plus importantes. De même, il ne faudrait pas présumer que les types d'activité qui étaient communs du temps de la guerre froide sont les mêmes que ceux d'aujourd'hui.
Une conjecture raisonnable est que les agences d'intelligence sont devenues un peu moins actives à fournir des fonds de campagne à leurs amis étrangers alors que le rôle des corporations et des syndicats du crime organisé est devenu relativement plus important.
Dangers des contributions étrangères
Il y a des objections de principe ainsi que pratiques contre les contributions étrangères à la politique domestique. L'objection de principe est que la souveraineté nationale demande que le processus politique dans chaque État soit autonome. Pour des citoyens étrangers il n'est pas plus légitime de débourser de l'argent pour appuyer un candidat dans un pays qui n'est pas le leur qu'il ne l'est d'avoir le droit de voter pour lui. L'aide politique, selon ce point de vue, risque fort de devenir une forme de néocolonialisme. Les révélations au sujet des activités manipulatrices des agences d'intelligence des grandes puissances ou celles (souvent plus importantes) de régimes voisins démontrent à quel point ces dangers ont été sérieux dans le passé.
Les objections pratiques contre l'assistance financière étrangère sont les suivantes.
1. Il est difficile d'introduire des règles qui assurent l'obligation comptable des contributions d'outre-mer. Tandis qu'un gouvernement peut obliger les corporations domestiques à déclarer leurs paiements politiques et imposer des sanctions si elles négligent de le faire, la tâche d'amener des corporations étrangères (ou des individus étrangers) à rendre des comptes est nettement plus difficile.
2. La recherche de contributions étrangères peut altérer les relations au sein du parti qui reçoit de l'aide de l'étranger. Les politiciens ayant de bons contacts étrangers peuvent remporter un mandat sur la base de leur capacité de récolter des fonds à l'étranger même s'ils ont une base locale réduite. Les batailles au sujet du contrôle de largesses étrangères ont tendance à causer des querelles, des jalousies et des divisions.
3. Une source trop disponible de financement étranger peut mener le parti récipiendaire à vivre au-dessus de ses moyens et à être nonchalant dans la recherche d'argent de sources locales.
4. Le financement étranger n'est pas stable. Les priorités des organisations d'aide politique étrangère changent d'année en année. Une période d'assistance généreuse peut s'arrêter brusquement, laissant le parti sans le sou.
Arguments en faveur des contributions étrangères
1. Les contributions politiques de sources étrangères n'ont pas toujours une intention subversive. Parfois, elles sont aussi motivées par un désir d'aider à établir la démocratie dans un pays ayant une tradition médiocre dans le domaine des droits civils. L'assistance étrangère à des partis politiques peut se comparer à l'aide étrangère aux groupes indigènes des droits de la personne. Durant une période de transition vers la démocratie, il n'y aura vraisemblablement pas d'organisations de parti établies. L'aide d'outre-mer - même à titre temporaire - peut, dès lors, jouer un rôle positif en aidant les nouveaux partis à se construire en partant de zéro.
2. L'assistance financière de l'étranger est souvent le seul moyen de créer un semblant d'équité entre le gouvernement et les partis d'opposition. Ceci est démontré par les exemples de la Pologne et du Chili à la fin des années 1980. En Pologne, le syndicat indépendant Solidarité et la presse indépendante ne pouvaient pas égaler les ressources dont disposait le régime militaire, sans équipement (tel que des ordinateurs et des imprimantes) et une provision de papier journal de la part de supporters étrangers.