Historique
L'usage de l'argent des contribuables pour financer des candidats et des partis n'est nullement un phénomène récent. Dans certains pays, une pratique fort ancienne des gouvernements était d'utiliser des fonds secrets pour aider leurs alliés politiques. En Grande-Bretagne, de l'argent du Service secret d'un montant de 10 000 livres par an était utilisé à des fins partisanes par le gouvernement du jour jusque dans les années 1880. Le gouvernement conservateur abolit l'argent du Service secret dans un geste probablement motivé moins par des considérations morales que par le désir de dénier cette source de financement à tout futur gouvernement libéral 19.
Le 19e siècle fut également témoin de l'usage actif par Bismarck d'un fonds secret dit Fonds reptile. Son usage principal était de soudoyer des journalistes (appelés reptiles par mépris). Mais le fonds servait de surcroît pour divers objectifs politiques tant à l'intérieur de l'Allemagne qu'à l'étranger.
Pendant la guerre froide, les flux clandestins de fonds gouvernementaux destinés à des élections et à l'édification de partis atteignirent des proportions considérables.
À côté de ce vieux système de fonds gouvernementaux dissimulés utilisés à des fins politiques partisanes, le 20e siècle vit le développement de l'assistance financière aux membres des assemblées législatives à charge des fonds publics. Traitements et gratifications pour parlementaires et plus tard pour groupes de parti dans les assemblées législatives devinrent la norme.
L'innovation à partir de la fin des années 1950 a été que les fonds publics ont été fournis de plus en plus ouvertement aux candidats et aux partis. On trouve un exemple précoce de financement public non dissimulé dans le territoire américain de Puerto Rico. Le Professeur Paltiel en explique le fonctionnement :
« Le système pionnier de subventions introduit à Puerto Rico par le Election Fund Act de 1957 était conçu pour soustraire les principaux partis politiques de l'île à leur ancienne dépendance des intérêts sucriers profondément ancrés et de la même contribution forcée des fonctionnaires, dont beaucoup étaient contraints de faire don de jusqu'à 2 % de leur salaires au parti au pouvoir. L'acte prescrivait la création d'un fonds électoral dans chaque cycle de quatre années. Les principaux partis politiques enregistrés - ceux qui avaient obtenu 10 % des voix exprimées pour le poste de gouverneur à l'élection générale précédente, qui avaient présenté des candidats dans toutes les circonscriptions et qui avaient acquis une représentation dans l'assemblée législative - pouvaient en retirer jusqu'à concurrence de 75 000 $ par an entre les élections les années sans élection et 150 000 $ les années d'élection pour faire face aux frais administratifs, opérationnels et électoraux. »20
Le premier système de subvention directe en Allemagne occidentale fut introduit en 1959. Dans un écrit de 1989, Herbert E. Alexander 21 a établi la liste des dates auxquelles les subventions publiques directes furent introduites ou que la législation pour de tels paiements fut passée dans nombre de pays :
PAYS | ANNÉE |
Costa Rica | 1954 |
Argentine | 1955 |
Allemagne (Ouest) | 1959 |
Autriche | 1963 |
France | 1965 |
Suède | 1966 |
Finlande | 1967 |
Israël | 1969 |
Danemark | 1969 |
Norvège | 1970 |
Brésil | 1971 |
Canada | 1974 |
Italie | 1974 |
États-Unis | 1976 |
Espagne | 1977 |
Mexique | 1978 |
Venezuela | 1978 |
Turquie | 1983 |
Australie | 1984 |
Autres pays ayant un système de subventions financières directes aux partis ou aux candidats :
- République tchèque
- Grèce
- Hongrie
- Nicaragua
- Pologne
- Portugal
- Roumanie
- Afrique du Sud
- Taïwan
Pays n'ayant pas de financement direct de l'État aux organisations extra-parlementaires de parti ou aux candidats en 1995 :
- Grande-Bretagne
- Inde
- Irlande
- Luxembourg
- Malaisie
- Pays-Bas
Aux Pays-Bas, il existe cependant un financement public d'instituts éducationnels liés aux partis.
Usages et formes de subventions publiques
Il y a lieu de distinguer entre :
(a) les paiements pour frais d'élections et les paiements pour l'organisation de routine des partis politiques entre les élections;
(b) les paiements aux partis politiques et les paiements aux candidats;
(c) les paiements aux organisations centrales du parti et les paiements aux organisations locales de parti.
Subventions aux coûts électoraux et aux frais de routine d'organisation des partis
Quelques exemples de pays où les subventions publiques concernent les coûts électoraux : le Canada, la France, l'Italie (depuis 1993) et la Pologne.
Les coûts opérationnels de routine de l'organisation du parti sont financés en Autriche, au Brésil, en République tchèque, en Allemagne, en Grèce, en Hongrie, en Italie (de 1974 à 1993), au Japon, au Portugal et en Suède.
Dans certains États, tels que la Hongrie, Israël et le Mexique, il y a des subventions à la fois pour les coûts organisationnels de routine et pour les campagnes électorales.
Subventions aux candidats et aux organisations de parti
La distinction entre paiements aux partis politiques et paiements aux candidats individuels est illustrée par le système des subventions électorales au Canada. Il y a deux catégories séparées de subventions électorales, une pour candidats parlementaires individuels, l'autre pour les organisations nationales des partis.
Subventions aux organisations nationale et locales de parti
Ce sont d'habitude les organes centraux d'un parti politique qui reçoivent les paiements publics. Ceci sert à augmenter leur influence dans la politique interne du parti. Il n'y a guère de doute que, dans l'ensemble, l'effet des subventions directes aux partis a été de renforcer la tendance à la centralisation du pouvoir en leur sein - un développement qui a découlé d'autres causes aussi.
Il y a des exceptions à la règle. En Suède, une subvention séparée peut être octroyée par les municipalités directement aux organisations locales de parti, un système qui combine le financement public avec un degré de décentralisation. Depuis 1977, toutes les autorités et provinces en Suède subventionnent les partis représentés à leurs conseils 22.
Dans certains régimes fédéraux, comme l'Australie, le Canada et les États-Unis, des autorités de second ordre - États ou provinces - complètent les subventions fédérales (qui ont trait aux frais d'élections fédérales ou d'organisations fédérales de parti) avec des subsides pour activités au niveau de l'État ou de la province. Selon Alexander, le financement public existait dans la plupart des provinces canadiennes ainsi que dans les Länder ouest-allemands et autrichiens. Aux États-Unis et en Australie, une minorité de gouvernements d'État offrent également des subventions. Il y avait même des arrangements du genre dans quelques localités américaines - Seattle, Tucson et le comté de Sacramento.