La liberté d'expression est manifestement essentielle à tout processus électoral satisfaisant. Si les politiciens ne sont pas capables de s'exprimer librement - ou pas autorisés à le faire, ou si les électeurs ne peuvent se lancer dans des discussions politiques, comment peut-il y avoir des élections équitables? En particulier, les gouvernements ne devraient pas faire usage de leurs pouvoirs pour réprimer la critique. Ils devraient permettre une presse libre et, ce qui est également important, ils devraient accorder aux forces d'opposition une chance raisonnable d'exprimer leurs thèses à la télévision nationale.
Il existe, néanmoins, des limites légitimes à la liberté d'expression. Cinq motifs de la restreindre sont pris en considération ci-après.
Protection de la sécurité nationale
Il est raisonnable, en particulier en temps de guerre, d'interdire aux politiciens de discuter d'affaires publiques d'une manière qui risque de trahir des secrets militaires à l'ennemi. Et même en temps de paix, certaines matières doivent demeurer confidentielles.
Malheureusement, les gouvernements seront souvent tentés d'avoir abusivement recours à l'excuse des besoins de la sécurité nationale afin d'empêcher des investigations et des attaques.
Restriction de la liberté d'inciter à la violence et à la haine
Dans toute société, en particulier si elle est divisée par des tensions ethniques, la liberté d'expression illimitée s'avère dangereuse lorsque des éléments antidémocratiques et violents décident d'utiliser cette liberté pour inciter à la violence et à la haine. C'est une question difficile pour les démocraties de décider jusqu'à quel point elles doivent tolérer la rhétorique extrémiste et permettre des réunions publiques qui risquent de devenir violentes.
Un argument en faveur d'une tolérance maximale est qu'il est bien trop aisé pour le gouvernement du jour d'utiliser le prétendu besoin de maintenir l'ordre public pour restreindre les expressions légitimes de dissentiment. On peut donc soutenir qu'afin de préserver les droits de la différence légitime d'opinion, il est aussi nécessaire de permettre même à ceux qui paraissent extrémistes et antidémocratiques de s'exprimer également. Mais il y a aussi des arguments en faveur de restrictions.
Un exemple classique de la discussion à propos des restrictions de la liberté d'expression se trouve dans le cas de Skokie (Illinois) aux États-Unis : il concerne la question de savoir si l'on devrait permettre à des groupes nazis de « s'exprimer » en traversant des faubourgs largement juifs. Les marches traditionnelles protestantes à travers des zones en majeure partie catholiques en Irlande du Nord ont suscité des questions semblables.
Protection des politiciens contre des accusations diffamatoires
Les points de vue diffèrent quant à savoir si ceux qui se lancent dans une vie publique, de même que leurs familles, devraient être protégés contre les accusations fallacieuses de leurs adversaires de la presse. Aux États-Unis, les commentateurs et les opposants politiques disposent d'une large mesure de liberté lorsqu'il s'agit de faire des commentaires d'une inexactitude même flagrante au sujet de personnalités publiques. Pour obtenir protection contre la diffamation dans les cours de justice américaines, les politiciens doivent démontrer non seulement que les déclarations à leur sujet étaient mensongères, mais aussi qu'elles ont été faites avec intention criminelle - ce qui est fort difficile à démontrer. Cette liberté d'insulter et de faire des déclarations fausses au sujet de personnalités publiques découle du point de vue que la politique est un dur métier. Par conséquent, ceux qui choisissent de participer à la vie publique doivent s'attendre à s'ouvrir, de même que leurs familles, aux investigations et aux attaques. En revanche, les lois de diffamation en Grande-Bretagne fournissent une protection considérablement plus grande aux personnalités politiques.
Protection contre l'invasion de la vie privée des politiciens
La liberté de la presse devrait-elle s'étendre au droit de faire des commentaires sur la vie personnelle et sur les habitudes sexuelles des hommes politiques et de leurs familles? Sur ce point, les lois et les conventions diffèrent d'un pays à l'autre. En France, la loi cherche à protéger les politiciens d'intrusions dans leurs affaires privées.
L'argument principal en faveur de la restriction des droits de la presse à se pencher sur la vie privée des politiciens est que les personnalités publiques devraient être jugées en fonction de leurs positions sur des questions politiques et de leurs performances dans leurs fonctions publiques. Qu'un président ou un premier ministre ait commis l'adultère ou soit un pervers sexuel ne concerne pas ses capacités politiques. Ses finances privées ne sont pas pertinentes non plus.
Le point de vue opposé est que la confiance publique et la moralité privée ne sauraient être séparées. Un politicien qui promet d'être fidèle à un conjoint et qui ensuite commet l'adultère démontre qu'il n'est pas digne de confiance et les électeurs ont le droit d'en être informés. De même, les affaires financières privées d'un politicien peuvent être un reflet de sa bonne foi et de son caractère.
Un point de vue mitoyen est que la vie privée des politiciens devient pertinente seulement s'ils ont insisté pour faire des questions de moralité une affaire politique. Il est, par exemple, raisonnable qu'un politicien qui fait campagne contre les méfaits des stupéfiants soit ouvert à investigation et au ridicule s'il s'avère qu'il est lui-même un drogué.
Limitation des avantages de candidats et de partis fortunés
Pour une discussion de cette question, voir Principes directeurs.