Au Canada, le gouvernement provincial
de la Colombie-Britannique, avec le plein assentiment de l’Assemblée
législative de la province, a lancé un processus historique, unique et sans
précédent en matière de réforme électorale en instituant une assemblée citoyenne
sur la réforme électorale. C’est
la première fois qu’un gouvernement donnait à un groupe de citoyens, choisis de
façon aléatoire, l’occasion et la responsabilité de passer en revue le système
électoral, et ce, en toute indépendance, et de soumettre ses recommandations à
l’approbation du public par la voie d’un référendum.
En 1996, l’élection de l’Assemblée
législative de la Colombie-Britannique s’est tenue sous un système de système
majoritaire uninominal (SMU) avec les résultats suivants : le Nouveau
Parti démocratique (NDP), 39 % des suffrages et 39 sièges à l’Assemblée législative,
et le Parti libéral, 42 % et 33 sièges. Avec moins de suffrages que le Parti libéral,
le NDP a formé le gouvernement pour les cinq années à suivre. Ce résultat a
motivé le Parti libéral à faire de la réforme électorale une priorité de sa
campagne politique lors de l’élection suivante. Ainsi, en 2001, le Parti libéral
a promis de mettre en œuvre une réforme électorale en ayant recours à une assemblée
citoyenne : après une victoire électorale qui lui a permis d’obtenir 97 % des
sièges à l’Assemblée législative et 58 % des votes, à l’évidence, il détenait le
mandat afin de poursuivre ses objectifs.
En général, au Canada, lorsque le
gouvernement veut élaborer des positions politiques sur des enjeux et obtenir les
points de vue des citoyens, il crée une commission ou un conseil d’enquête
publique, habituellement dirigé par des juges, des experts ou des leaders
politiques. Après avoir invité le public à soumettre des présentations et une
période de consultation élargie, le gouvernement prend une décision sur les
actions qui suivront en tenant compte du rapport produit par la commission.
Le projet de l’assemblée citoyenne
et les paramètres de son mandat ont été préparés par Gordon Gibson, un auteur
sur la démocratie et ancien chef de parti politique actif dans les affaires
publiques et commerciales, et le nouveau gouvernement en consultation avec des
experts en matière de réforme électorale. On retient deux caractéristiques
uniques et sans précédent en Colombie-Britannique : les personnes nommées ne
seraient pas des experts ou des spécialistes dans le domaine de la réforme
électorale, mais plutôt des citoyens choisis de façon aléatoire un peu partout
dans la province; et si des changements étaient recommandés, la question serait
soumise directement aux citoyens de la province lors d’un référendum et ne
serait pas sujette au filtre du gouvernement.
L’assemblée citoyenne qui en a résulté
a été un groupe indépendant et non partisan de 160 hommes et femmes de tous âges
provenant d’un peu partout dans la province et choisis aléatoirement à partir
du registre électoral. L’étape entourant le choix a été conçue de manière à pouvoir
dresser une liste équilibrée d’hommes et de femmes, représentative des groupes d’âge
de la population de la Colombie-Britannique conformément au Recensement de 2001, dont deux membres de
la communauté autochtone, et représentant l’ensemble de la province. Par la
suite, les membres de l’Assemblée ont vécu une étape de formation intensive au
cours de laquelle divers experts en matière de systèmes électoraux ont produit
divers documents d’apprentissage (également offerts au grand public) et ont
tenu des sessions avec les membres pour leur parler des différents systèmes
disponibles et discuter des avantages et des désavantages de chacun.
À la fin de la phase d’études, un
rapport préliminaire s’adressant aux citoyens de la Colombie-Britannique a été
acheminé à divers groupes de la société, y compris aux membres de l’Assemblée législative,
aux bibliothèques, aux bureaux de circonscriptions municipales, aux écoles et
universités dans le but d’informer le public des premières conclusions de l’assemblée
citoyenne. Par la suite, des audiences publiques ont été organisées :
environ 3 000 personnes ont assisté aux quelque 50 séances tenues partout
dans la province. À l’étape suivante des délibérations, l’organisation de séances
plénières et de discussions de groupe a permis à l’assemblée de ramener le
choix des systèmes électoraux à deux et d’esquisser collectivement les détails
de chaque système. Au premier jour de cette étape, les gens ont pu entendre de
nouveau certaines des
meilleures présentations entendues pendant les auditions publiques – lesquelles
préconisaient toute une variété de systèmes et de dispositifs électoraux. Ces
différentes étapes avaient pour but de déterminer les éléments essentiels pour un
système électoral en Colombie-Britannique, de passer minutieusement en revue
toutes les options de systèmes électoraux à la lumière de ces éléments et, de façon
primordiale, d’accroître les connaissances et la participation des citoyens et
qu’ils fassent davantage partie du processus. En fin de compte, l’exercice a débouché
sur trois éléments essentiels : le choix de l’électeur, la représentation
locale et le caractère proportionnel. Enfin, vers la fin d’octobre 2004,
l’assemblée a présenté sa recommandation – soutenue par 146 de ses 153 membres
– visant à passer du système de SMU à celui de scrutin
à vote unique transférable. La fin du processus de l’assemblée citoyenne
a entraîné la publication d’un rapport final officiel et la présentation de la
recommandation dans le cadre d’un référendum.
Ce modèle participatif a suscité un
grand intérêt chez différents groupes au Canada. Le concept a été recommandé à
d’autres gouvernements au Canada comme étant une bonne façon de faire intervenir
les citoyens sur les enjeux qui les concernent. Le gouvernement de l’Ontario a
amorcé un processus semblable à celui de la Colombie-Britannique.
De plus, d’autres élections au
Canada ont contribué fortement au soutien croissant en faveur d’un examen des
processus électoraux. Dans l’arène fédérale, les gouvernements majoritaires ont
souvent été élus avec moins de 50 % des suffrages. En conséquence, on a vu
surgir différentes initiatives en faveur d’un changement de système électoral
au niveau fédéral, comme Représentation équitable au Canada, ainsi que des
défenseurs et des groupes de pression favorables à des changements.
Il y a raison de penser que l’expérience
de l’assemblée citoyenne de la Colombie-Britannique aura une incidence
importante autant sur l’avenir du débat entourant les changements à apporter à
un système électoral que sur le processus de révision et de changement, en
particulier au niveau fédéral au Canada. En octobre 2004, à la suite de
pressions du NDP et du Parti conservateur, l’amendement suivant au discours du
Trône a été adopté de manière unanime : « que la Chambre charge le
Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre de recommander
un processus qui engage les citoyens et les parlementaires dans une étude de
notre système électoral en procédant à un examen de toutes les options ».
Pour l’avenir, il faudra voir l’incidence
qu’aura l’assemblée citoyenne
de la Colombie-Britannique sur le processus de révision et de changement des
systèmes électoraux à l’échelle internationale. Cependant, on ne se trompe
guère en affirmant que sa création et son travail ont accru l’intérêt envers
les processus participatifs de même que les connaissances empiriques dans le
monde.