Les systèmes électoraux constituent
une institution extrêmement importante de nature à affecter le fonctionnement d’un
système de gouvernement; néanmoins, traditionnellement, les constitutions n’en
font pas mention de manière formelle. Or, ces dernières années, les choses ont
commencé à changer.
Certains pays ont inscrit des
détails sur le système électoral dans leur constitution ou dans une annexe distincte
de celle-ci. Selon les réformateurs électoraux, ceci est important car sur le
plan constitutionnel, il est habituellement beaucoup plus difficile de changer
des lois de nature fondamentale que des lois ordinaires; cela exige
généralement une majorité particulière à l’assemblée législative, le recours à un
référendum national ou un autre type de mécanisme de confirmation, ce qui offre
à ces systèmes une protection contre des modifications faciles.
Par exemple, la constitution
sud-africaine stipule que le système électoral pour les élections à l’Assemblée
nationale devrait produire « en général des résultats de nature
proportionnelle »; ce faisant, les options de réforme sont limitées aux systèmes
s’apparentant à la représentation proportionnelle, à moins qu’un changement
soit apporté à la constitution.
Cependant, la plupart du temps, les
détails du système électoral se trouvent dans les lois ordinaires et peuvent ainsi
être modifiés par une majorité simple de l’assemblée législative. Cela
peut avoir comme avantage de rendre le système plus sensible aux changements dans
l’opinion publique et des besoins politiques, mais il comporte également le
danger de voir les majorités aux parlements changer unilatéralement les
systèmes pour se donner des avantages politiques.
Les occasions de réforme se fondent
sur les mécanismes juridiques du changement et le contexte politique au sein duquel
sont faits les appels au changement. Ce ne sont pas
tous les mouvements qui demandent de changer le système électoral qui
aboutissent. Presque tous les exemples récents de changements importants se
sont produits dans l’une des deux circonstances suivantes.
La première, c’est au cours (ou peu
après) d’une transition démocratique, quand tout le cadre politique est en jeu.
La seconde, c’est quand sévit une
crise de gouvernance dans une démocratie établie. Deux exemples : en
Nouvelle-Zélande, il y avait une perception que deux gouvernements majoritaires
successifs élus avec moins de voix que leurs principaux opposants étaient
illégitimes; en Italie et au Japon, il y avait une perception que les niveaux
élevés de corruption étaient endémiques au système politique et qu’ils ne
découlaient pas d’actions individuelles.
Même lorsqu’il y a une grande
méfiance et un mécontentement élevé au sein de la population envers le système
politique, le changement requiert tout de même l’approbation de ceux qui
détiennent le pouvoir à ce moment-là. Les élites politiques auront tendance
à agir seulement si elles peuvent percevoir les avantages qu’elles peuvent
tirer du changement ou si elles craignent les conséquences électorales de ne
pas avoir réussi à changer les choses. Même convaincues, sans surprise et
presque inévitablement, elles chercheront à choisir un système dont elles
tireront les plus grands avantages. Si elles sont incertaines de la façon d’y
parvenir ou si différents intérêts sont à la recherche de solutions différentes,
il y a des chances que des compromis soient négociés qui puissent impliquer des
systèmes mixtes.
Cependant, les accords et les
changements peuvent ne pas avoir les effets escomptés par leurs partisans ou
peuvent produire d’autres effets fortuits. Au Mexique, les réformes de 1994
conçues par le parti au pouvoir et destinées à faire des concessions à l’opposition
ont conduit aux résultats les plus disproportionnels des dernières années. Les
cas de l’Afrique du Sud et du Chili illustrent le fait que les réalités
politiques et le désir des partis au pouvoir de conserver celui-ci ainsi que leur
influence peuvent s’avérer des freins aussi importants à la réforme du système
électoral que les obstacles juridiques. En Afrique du Sud, plusieurs demandes ont
été formulées pour qu’on intègre la notion de responsabilité locale au système
de RP avec liste fermée des grandes circonscriptions électorales où les
représentants élus sont perçus comme étant détachés de leurs électeurs. Les
conclusions de la majorité des membres d’une commission présidentielle, qui a déposé
son rapport en janvier 2003, sont venues ajouter du poids à ces demandes; mais
le gouvernement, ne voulant pas perdre son contrôle sur le choix des candidats
et sur la façon d’agir des députés du caucus, a mis de côté les changements et a
refusé de procéder à la réforme. Au Chili, le legs du général Pinochet a été
une manipulation du système électoral à l’avantage de ses alliés. Plus d’une
décennie après avoir été limogé du pouvoir, ce système demeure essentiellement
le même.
En Nouvelle-Zélande, l’usage des
référendums pendant le processus de changement tient à l’origine à une manœuvre
politique – une tentative par le leader d’un parti principal de prendre au
dépourvu l’autre parti principal pendant une campagne en vue d’une élection
générale. Au premier référendum, la question posée à l’électorat visait à
savoir s’il voulait changer les choses et à lui permettre d’indiquer le nouveau
système qu’il préférerait en choisissant parmi quatre options. Lors du deuxième
référendum, le choix a porté entre le nouveau système choisi et le maintien de
l’ancien système. Conséquemment, le nouveau système proportionnel à
représentants multiples a pu être adopté avec une forte légitimité publique.
Au fil du temps, les systèmes
électoraux auront inévitablement besoin de s’adapter afin de répondre de façon
adéquate aux nouvelles tendances et aux nouveaux besoins politiques,
démographiques et législatifs. Cependant, une fois un
système en place, il y a des chances que ceux qui en ont tiré profit résistent
au changement. Sans une transition ou une importante crise politique pouvant servir
de catalyseur, tout indique que le changement de type marginal est plus
probable que la réforme fondamentale. Dans les transitions post-conflit, ceci crée
des tensions entre les contraintes pratiques qui peuvent affecter l’organisation
d’élections dictées par exemple par les impératifs politiques d’un accord de
paix, et le désir de bien faire fonctionner le système dès le départ. Dans le
but d’essayer d’apporter des améliorations aux systèmes existants, les
réformateurs peuvent envisager de revoir la grandeur des circonscriptions, les seuils ou les formules de
quota. Plusieurs réformes d’importance proposées ces dernières années
impliquaient l’ajout d’un élément du système de représentation proportionnelle
à scrutin de liste au système du scrutin majoritaire uninominal existant pour créer un système mixte plus proportionnel
(c’est le cas des changements adoptés au Lesotho et en Thaïlande).

