Le Mexique dispose d’un régime présidentiel où les pouvoirs législatif,
exécutif et judiciaire sont forts et autonomes. Le principe de la séparation
des pouvoirs – qui n’a pas vraiment bien fonctionné de 1929 à 1997 alors que l’unique
parti officiel, le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), contrôlait à la
fois l’exécutif et le Congrès – a repris de la vigueur et constitue maintenant un
trait dominant de la politique fédérale.
Le président est élu avec une pluralité des votes. Aux
élections de 1988 et de 1994, le gagnant a remporté la victoire avec environ la
moitié des suffrages exprimés, mais à celle de 2000, le gagnant, Vicente Fox, n’a
obtenu que 42,5 % des votes. Des propositions visent à modifier la
Constitution afin de mettre en place un système de scrutin à deux tours :
dans l’éventualité où aucun candidat n’obtenait une majorité au premier tour,
les candidats arrivant premier et deuxième se feraient la lutte au deuxième
tour. Le succès de ces propositions reposera principalement sur les perspectives
électorales des principaux partis ainsi que sur des enjeux de coûts liés à l’organisation
d’un second tour.
Le président est élu pour un mandat de six ans et ne peut
jamais être réélu ou nommé de nouveau. Autant cette situation empêche les
présidents de s’accrocher au pouvoir, autant elle diminue aussi leur
responsabilité parce qu’ils savent qu’ils n’auront plus jamais à affronter l’électorat.
Considérant les racines idéologiques et symboliques derrière l’interdiction de
la réélection du président (il a constitué un élément central de la Révolution
mexicaine), il est peu probable que cette clause soit bientôt abrogée.
Le Congrès mexicain est bicaméral : la Chambre des
députés est élue pour un mandat de trois ans et le Sénat pour six ans (ces
mandats sont coordonnés avec le mandat présidentiel). Les deux chambres sont
élues selon un système mixte, utilisant le système de scrutin majoritaire
uninominal (SMU) et la représentation proportionnelle à scrutin de liste (RPSL).
La Chambre des députés compte 500 représentants : 300 sont
élus avec le SMU dans des circonscriptions uninominales, et 200 sont élus au
moyen de la RPSL dans cinq circonscriptions régionales de 40 représentants. Les
300 sièges du SMU sont répartis entre les États, proportionnellement à leur population,
mais aucun État ne peut avoir moins de deux sièges. L’Institut fédéral électoral
(IFE), l’autorité électorale indépendante, utilise la méthode pure de Sainte-Laguë
pour répartir les sièges entre les États. L’IFE crée ensuite des circonscriptions
uninominales de population à peu près égale au sein de chaque État – quoiqu’il favorise
souvent les limites municipales au lieu de circonscriptions de population égale
– et divise aussi le pays en cinq circonscriptions de 40 représentants pour l’élection
des sièges avec la RPSL. Chaque parti nomme un candidat pour chacune des circonscriptions
uninominales; il soumet aussi une liste où sont classés 40 candidats pour
chacune des cinq circonscriptions régionales.
Lors des élections, les partis peuvent former une coalition réunissant
tous leurs candidats ou une partie de ceux-ci; ainsi, dans certaines
circonscriptions, on retrouvera un seul candidat alors qu’ailleurs, les partis
pourront se partager des listes aux fins de la représentation proportionnelle (RP).
S’ils vont de l’avant avec cette option, ils doivent soumettre leurs ententes à
l’IFE en indiquant la façon dont les votes de la coalition devront être répartis.
Si les partis forment une coalition pour l’élection du président, ils doivent
alors aussi former une coalition pour tous les sièges de la Chambre des députés
et du Sénat. À l’élection de 2000, deux des trois candidats à la présidentielle
étaient soutenus par des coalitions. Aux élections législatives de 2003, il y
avait une coalition partielle entre le PRI et les Verts, qui ont fait la lutte ensemble
dans 97 circonscriptions uninominales et séparément dans 203. Ils avaient des
listes séparées de RP (les partis s’étaient entendus sur la façon de diviser le
vote des 97 circonscriptions aux fins de l’attribution des sièges aux candidats
de liste).
L’électeur exprime son choix par un vote unique pour les
députés. La somme de tous les votes recueillis dans les circonscriptions à scrutin
majoritaire uninominal est ensuite utilisée pour calculer le nombre de sièges
proportionnels à allouer à chaque parti, en utilisant la méthode du plus fort reste
et le quotient de Hare; de plus, la loi a établi le seuil à 2 % des
suffrages exprimés à l’échelle nationale. Le nombre de sièges de RP attribué à
un parti est indépendant du nombre de circonscriptions à SMU qu’il a remportées,
quoiqu’il existe deux exceptions importantes : aucun parti ne peut gagner
plus de 300 sièges et la part des 500 sièges que détient un parti ne peut être plus
de 8 points de pourcentage de plus que sa part des votes valides. Un parti
doit donc obtenir au moins 42,2 % des votes valides et au moins 167
circonscriptions pour gagner 251 sièges à la chambre basse. En 1997 et en 2003,
la règle du 8 % a plafonné le nombre de sièges qu’a pu obtenir le PRI. En
2000, la règle du 8 % n’a eu aucune incidence sur le PRI et le Parti d’action
nationale (PAN).
Les sièges sont attribués aux candidats des listes de partis
dans les cinq circonscriptions régionales de 40 représentants en utilisant
aussi le quotient de Hare et la méthode du plus fort reste. Les listes sont
fermées et présentent un classement; les candidats classés au début de la liste
sont les premiers à être élus. Les électeurs ne peuvent modifier le classement des
candidats sur la liste.
L’évolution vers le pluralisme et le multipartisme au
Mexique a été un long processus. Depuis 1979, on a procédé à d’importantes
réformes des formules électorales pour l’élection de la Chambre des députés. Lors
des élections de 1979, 1982 et 1985, la formule utilisée comprenait 300
circonscriptions uninominales et 100 sièges à partir des listes de parti devant
être octroyés aux partis n’ayant pas remporté plus de 60 circonscriptions. La
formule utilisée en 1988 a porté à 200 le nombre de sièges de listes, tout en garantissant
que le parti ayant remporté une pluralité des circonscriptions obtienne une majorité
des sièges, quel que soit le pourcentage de suffrages obtenus. Un plafond a été
fixé au chapitre du nombre de sièges qu’un seul parti pouvait gagner, soit 350.
Les réformes de 1991 ont maintenu ce plafond et la clause d’une majorité
assurée, tout en ajoutant que le parti gagnant devait obtenir au moins 30 %
des suffrages. De plus, on a créé des sièges « en prime » pour le
parti gagnant, de façon à lui éviter d’avoir à fonctionner avec une faible
majorité à la Chambre. En
contrepartie, le gouvernement a cédé un certain contrôle sur le processus
électoral à un organisme de gestion électorale partiellement autonome, l’IFE,
et à un tribunal électoral fédéral. Les réformes de 1994 ont éliminé la clause d’une
majorité assurée et créé un système parallèle, où on a dissocié complètement les
élections pour les sièges au titre de la RPSL et celles des sièges déterminés avec
la pluralité des votes. En aucune circonstance ou presque un parti peut-il remporter
plus de 60 % des sièges (300 sur 500). Cependant, tout cela a mené au
résultat le plus disproportionnel que le Mexique ait connu avec les systèmes
mixtes, le PRI remportant 60 % des sièges avec environ 50 % des
suffrages. Aussi, en 1996, on a modifié de nouveau la loi électorale en fixant à
300 le nombre maximal de sièges qu’un parti peut gagner et en établissant le
niveau maximal de la surreprésentation, comme décrit ci-dessus, à huit points
de pourcentage. Cette règle électorale, utilisée aux élections de 1997, 2000 et 2003, a été la plus stable de toutes les
règles depuis la mise en place de la représentation multipartite en 1964 et n’a
jamais permis à un parti d’obtenir une majorité des sièges. De même, la réforme
de 1996 a
donné une pleine autonomie à l’IFE et a renforcé les pouvoirs du tribunal électoral
fédéral. Actuellement, certaines
propositions visent à diminuer ou à renforcer le caractère proportionnel de la
Chambre des députés, en diminuant ou en augmentant la proportion des députés de
listes, ou en diminuant ou en éliminant la marge de surreprésentation.
Cependant, puisqu’aucun parti ne poursuit le même objectif, il y a peu de
chance que les réformes se concrétisent. Avant 1994, le Sénat comptait
64 membres : on y retrouvait deux représentants pour chacun des 31 États
et deux pour la circonscription fédérale. Les sénateurs étaient élus selon diverses
règles de pluralité. Résultat : jusqu’en 1988, tous les sénateurs étaient
membres du PRI. Ce monopole du PRI au Sénat a permis au gouvernement de faire des
concessions à l’opposition, donnant ainsi l’occasion de renforcer le caractère
proportionnel de la Chambre des députés.
En 1994, des demandes se font alors entendre afin que le
Sénat soit beaucoup plus représentatif. Il est élargi à 128 membres, dont au
moins un quart des sièges garantis à l’opposition. Pour l’élection de 1997, on
a recours à un système mixte. Chaque État élit trois sénateurs et 32 autres sont
élus à la proportionnelle sur une liste nationale unique. Dans chaque État, un
parti présente une liste avec un classement de deux candidats. Les deux
candidats du parti qui remporte le plus de votes sont déclarés élus sénateurs
et le premier de la liste des candidats du parti qui arrive au second rang remporte
le troisième siège du Sénat. Les électeurs ne peuvent modifier l’ordre des
candidats. Chaque parti établit également une liste fermée où sont classés 32
candidats pour la liste nationale au titre de la représentation proportionnelle.
Tous les votes pour le Sénat dans chaque État sont additionnés au niveau
national. Le calcul est établi au moyen de la méthode du plus fort reste, utilisant
le quotient de Hare et un seuil de 2 %. Contrairement à la Chambre des
députés, il n’existe aucun lien entre les sièges déterminés avec la pluralité
des votes et ceux avec la représentation proportionnelle; les deux systèmes
fonctionnent en parallèle, mais les sièges de RP ne visent pas à compenser l’aspect
non proportionnel du SMU. Cette formule électorale accorde une majorité au plus
grand parti s’il gagne environ 40 % du vote national, si les suffrages qu’il
a obtenus sont bien répartis et s’il dispose d’une marge de trois ou quatre
points d’avance sur son plus proche rival. Pour remporter deux tiers des sièges
au Sénat (un élément important pour les réformes constitutionnelles, l’élection
des juges de la Cour suprême et les questions de procédure interne), il faut
remporter deux tiers du vote national. Aucun parti n’a remporté la majorité
absolue des sièges lors des élections de 2000.
Plusieurs propositions ont été soumises au Congrès pour
éliminer les sénateurs issus des listes de parti, en faisant valoir qu’une
liste nationale n’est pas appropriée pour une Chambre qui représente les États.
Toutefois, si on éliminait seulement la liste de RP, c’est le PRI qui en
bénéficierait puisqu’il obtient la première ou la deuxième position dans tous
les États; les autres partis sont donc susceptibles de s’opposer à cette
proposition. Selon d’autres options, il pourrait y avoir trois ou quatre
sénateurs par État, tous élus à la proportionnelle, le plus souvent en
utilisant la formule de D’Hondt.
La réélection pour des mandats successifs est interdite pour
tous les députés fédéraux et les sénateurs (et aussi pour les gouverneurs, les
législateurs des États, les maires et les conseillers municipaux). Les
législateurs peuvent être élus à une autre Chambre à la fin de leur mandat et
ils peuvent être réélus à la même Chambre après avoir siégé pendant un mandat à
l’autre Chambre. Les réformes de « la non-réélection » ont été mises
en œuvre en 1932 pour résoudre les problèmes au sein du PRI, et ce, en
augmentant la loyauté envers le comité central et en réduisant le pouvoir des dirigeants
locaux au sein des partis. À l’époque, la réforme avait été présentée comme un
prolongement naturel de l’idéologie de la non-réélection de la Révolution
mexicaine. Toutefois, elle a plutôt servi à réduire l’autonomie des législateurs,
parce que leurs perspectives de carrière après la durée de leur mandat étaient
tributaires de l’appareil du parti, et pendant de nombreuses années, elle a accru
le pouvoir du président en raison de son contrôle sur l’appareil de parti. Conséquemment,
la discipline de parti a été très élevée, les législateurs fédéraux du PRI
étant pratiquement parfaits à cet égard jusqu’en 2000. Cette situation a eu de fortes
incidences sur la responsabilité et la représentation, les électeurs ne peuvant
ni récompenser le bon travail ni punir la représentation de piètre qualité.
Tous les partis utilisent des procédures relativement fermées
afin de sélectionner des candidats – nomination par les élites, conventions
fermées, primaires fermées ou hautement contrôlées. De façon générale toutefois,
on a ouvert les procédures de nomination des candidats ces dernières années,
mais ceux-ci sont toujours fortement tributaires des partis. En outre, les
partis contrôlent la plupart des dépenses de campagne, même pour les courses
électorales dans les circonscriptions et de l’État, et les listes bloquées font
en sorte que les candidats sont moins portés à faire campagne.
Au cours de la lente démocratisation du Mexique, le système
électoral a changé fréquemment – telle une série de concessions offertes par le
parti dominant en vue de contrer la dissidence – avant de finalement déboucher
sur un régime présidentiel multipartite doté de partis bien ancrés. Désormais,
les changements sont moins probables, les partis ayant des intérêts divergents et
tout changement étant perçu comme un jeu à somme nulle.
gional districts, also using the Hare Quota with largest remainders. The lists are rank-ordered and closed, so that the deputies higher on the list are elected first, and voters cannot modify the order of the list.
The move towards pluralism and multiparty politics in Mexico has been a slow process of evolution. Since 1979 there have been extensive reforms to the electoral formulas used to elect the Chamber of Deputies. The formula used in the 1979, 1982 and 1985 elections had 300 SMDs and 100 party list seats, which were restricted to parties that did not win more than 60 districts. The formula used in 1988 increased the number of party list seats to 200, but guaranteed that the party that won a plurality of districts would win a majority of seats, regardless of its share of the vote. A ceiling was established to the number of seats a single party could win, at 350 seats. The 1991 reforms maintained the ceiling and the majority-assuring clause, but required that the winning party win at least 30 per cent of the vote. It also created bonus seats for the winning party, so that it would not have to function with only a narrow majority in the Chamber. In return, the government ceded some control over the electoral process to a partially autonomous electoral management body (the IFE) and to a federal electoral court. The 1994 reforms eliminated the majority-assuring clause and created a Parallel system, in which the elections to the List PR seats were completely decoupled from the elections to the plurality seats. No party could win more than 60 per cent of the seats (300 of 500) in most circumstances. However, this led to the most disproportional result that Mexico has experienced under mixed systems, with the PRI winning 60 per cent of the seats with about 50 per cent of the vote. So in 1996 the electoral law was adjusted again to set the limit to the number of seats a party could win at 300 and the maximum level of over-representation, as described above, at 8 percentage points. This electoral rule has been as stable as any since multiparty representation was established in 1964, having been used in the 1997, 2000, and 2003 elections. No party has won an absolute majority of seats under this rule. The 1996 reform also made the IFE fully autonomous and enhanced the powers of the federal electoral court. Currently there are proposals to make the Chamber of Deputies either more or less proportional, decreasing or increasing the proportion of list deputies, and decreasing or eliminating the margin of over-representation. However, since no two parties have similar goals, reforms are unlikely to come about.
The Senate before 1994 had 64 members, two for each of the 31 states plus the Federal District. The senators were elected under various plurality rules. The result was that until 1988 all senators were members of the PRI. The PRI monopoly in the Senate allowed the government to make concessions to opposition, making the Chamber of Deputies more proportional.
By 1994, there were calls for the Senate to be made more widely representative as well. It was expanded to 128 members, with at least a quarter of the seats guaranteed to the opposition. For the 1997 election, a mixed system was established. Each state elects three senators, and in addition 32 are elected by PR on a single national list. In each state, a party nominates a ranked slate of two Senate candidates. Both candidates of the party that wins the most votes are elected as senators, and the first listed candidate of the party that is placed second wins the third Senate seat. Voters cannot adjust the order of the candidates. Each party also nominates a closed, ranked list of 32 candidates for the national PR list. All the votes for the Senate in each state are totalled at the national level. The formula used is a Largest Remainder Method using the Hare Quota and a 2 per cent threshold. Unlike the Chamber of Deputies, there is no linkage between the plurality and the PR seats; instead, the two systems run in parallel and the PR seats do not compensate for any disproportionality. This electoral formula would create a majority for the largest party if it wins around 40 per cent of the national vote, favourably distributed, and has a margin of three or four points over its nearest rival. Winning two-thirds of the seats in the Senate (important for constitutional reforms, electing Supreme Court justices, and internal procedural matters) requires two-thirds of the national vote. No party won an absolute majority of Senate seats in the 2000 election.
Several proposals have been submitted in Congress to eliminate the party list senators, with arguments that a national list is not appropriate for a chamber that represents the states. However, simply eliminating the PR list would benefit the PRI, which is placed either first or second in all but one of the states, and is thus likely to be opposed by other parties. Alternatives would have three or four senators per state, all elected by PR, most likely using the D’Hondt Formula.
Re-election for consecutive terms is prohibited for all federal deputies and senators (and also for governors, state legislators, mayors, and municipal councillors). Legislators can be elected to the other chamber when their term expires, and they can be re-elected to the same chamber after sitting out a term. The ‘no re-election’ reforms were implemented in 1932 to resolve problems in the PRI by increasing loyalty to the central committee and reducing the power of local party bosses. At the time, the reform was sold as the natural conclusion of the ideology of no re-election from the Mexican Revolution. However, it has served to reduce the autonomy of legislators, because their career prospects after their term of office depended on the party machinery, and for many years increased the power of the president because of his control over his party’s machinery. Party discipline has thus been traditionally very high, approaching 100 per cent for the federal legislators of the PRI up to 2000. This has had profound effects on accountability and representation. Voters can neither reward good performance nor punish poor representation.
All the parties use relatively closed procedures to select candidates—elite designation, closed conventions, or closed or highly controlled primaries. In general, nominating procedures have been opening up in recent years, but candidates are still highly dependent on parties. Additionally, parties control most campaign expenditures, even in district and state contests, and closed lists reduce the incentive for candidates to campaign.
Mexico’s slow democratization has seen frequent electoral system change as a series of concessions by the dominant party to defuse dissent, which has resulted finally in a multiparty presidential system with very strong parties. Further change may now be less likely, as different parties have different interests and any change is seen as a zero-sum game.