Ceci est un résumé détaillé de l’élection de la star du
cinéma Arnold Schwarzenegger comme gouverneur de la Californie à l’occasion de
la campagne de destitution la plus médiatisée jamais vue dans une démocratie.
Le document donne un aperçu du mécanisme de demande de destitution en
Californie et de la campagne en vue de destituer le gouverneur Gray Davis.
Cette demande de destitution, mettant en présence une
personnalité de marque, a permis au public de mieux connaître ce mécanisme. En
Californie, l’acteur Arnold Schwarzenegger a été élu gouverneur, après une
campagne réussie de demande de destitution pour évincer le gouverneur Gray
Davis. Celui-ci avait été réélu gouverneur de Californie en novembre 2002. Mais
moins d’un an plus tard, il était évincé de son poste et remplacé par un homme
qui, précédemment, était davantage connu pour son talent d’acteur et ses
muscles. Alors, comment se fait-il que ce soit devenu hasta la vista pour le gouverneur Davis dans un si court laps de
temps?
Le mécanisme de demande
de destitution en Californie
Histoire
Comme dans beaucoup d’autres États des États-Unis, la
démocratie californienne prévoit l’usage du mécanisme de demande de destitution.
Adopté et faisant partie de la Constitution californienne depuis 1911, le
mécanisme de demande de destitution est un processus qui permet aux électeurs de
demander la destitution d’un représentant élu avant la fin de son mandat. Avant
2003, ce mécanisme avait été utilisé à plusieurs reprises en Californie.
Plusieurs élus membres du gouvernement local avaient fait l’objet d’une demande
de destitution et quatre représentants élus de l’État l’avaient été en 1913,
1914 et 1995 (deux fois). Toutefois, alors que les précédents gouverneurs de l’État
avaient fait face à certaines tentatives de demande de destitution au cours des
30 dernières années, le gouverneur Davis a été le premier gouverneur à faire
face à un vote populaire exigeant sa destitution.
Lancement d’une
initiative de demande de destitution
Pour lancer une initiative de demande de destitution, les
promoteurs sont tenus de déposer un avis d’intention auprès du bureau du secrétaire
d’État de la Californie. L’avis doit comprendre une déclaration expliquant, en tout
au plus 200 mots, les raisons motivant les promoteurs à rechercher la destitution,
et il doit donner les noms, les signatures et les adresses soit d’un minimum de
10 personnes, soit du nombre de personnes requises – selon le nombre le plus
grand – et ayant signé l’avis de nomination de l’élu qui fait l’objet de la
demande de destitution. Les partisans de la destitution doivent être des électeurs
inscrits dans la juridiction électorale de l’élu dont on demande la destitution.
Moins d’une semaine après le dépôt de l’avis, l’élu en question a la possibilité
de faire une déclaration de 200 mots en réponse à l’initiative.
Circulation de la
pétition
Une fois l’avis certifié par le secrétaire d’État, ses promoteurs
sont tenus de recueillir un nombre de signatures équivalant à 12 % des
suffrages exprimés en faveur de l’élu lors de la dernière élection pour le
poste. Les signatures doivent être recueillies dans les 160 jours et on doit
faire circuler la pétition dans au moins cinq comtés californiens. Lors de la
demande de destitution de 2003, la pétition de destitution a été certifiée pour
circulation le 25 mars 2003, donnant à ses partisans jusqu’au 2 septembre 2003
pour recueillir 897 158 signatures. Ne sont considérées valables que les
signatures provenant des électeurs inscrits dans la juridiction électorale de l’élu
qui fait l’objet d’une demande de destitution. De même, seuls les électeurs
inscrits sont qualifiés pour faire circuler la pétition.
Rapport et vérification
des signatures de la pétition
Les partisans d’une demande de destitution doivent déposer
la pétition auprès du responsable électoral de chaque comté dans lequel la
pétition circule. Pendant la période où la pétition est en circulation, les responsables
électoraux des comtés sont tenus de faire rapport au secrétaire d’État sur l’évolution
de la pétition : le premier rapport doit être soumis dans les 30 jours
suivant le moment où la demande de destitution a été initiée, puis tous les 30
jours. Le rapport doit donner des renseignements sur le nombre de signatures recueillies
dans la plus récente période de 30 jours, le nombre cumulatif total de
signatures recueillies et le nombre total de signatures valides recueillies.
Les responsables électoraux des comtés ne sont pas obligés de commencer la
vérification des signatures avant qu’on ait atteint 10 % du nombre total
des signatures requises. Au moment d’amorcer le processus, on vérifie un
échantillon aléatoire de signatures. Là où l’on fait rapport sur plus de 500
signatures, il faut vérifier le moindre de 3 % des signatures présentées
ou 500 signatures.
Le vote sur la demande
de destitution
Une fois que le secrétaire d’État atteste que la pétition est
qualifiée, en vertu de la Constitution, le lieutenant-gouverneur doit fixer la
date du vote sur la demande de destitution. Le vote doit avoir lieu à l’intérieur
d’une période allant de 60 à 80 jours après la date à laquelle le secrétaire d’État
a certifié que la pétition était qualifiée, sauf s’il y a une élection générale
dans les 180 jours à compter de cette date (dans ce cas, le lieutenant-gouverneur
a la possibilité de tenir le vote sur la demande de destitution le même jour).
En Californie, le vote sur la demande de destitution et le choix
d’un successeur pour remplacer l’élu, en cas de réussite, font partie d’un seul
et même bulletin de vote. L’élu qui fait face à la demande de destitution n’a
pas le droit de se représenter comme candidat à la réélection. Par
conséquent, si au premier vote il obtient le soutien de plus de 50 % de l’électorat,
la demande de destitution est rejetée et on déclare sans objet le second vote.
Toutefois, si une majorité vote en faveur de la demande de destitution de l’élu,
le candidat ayant obtenu le plus de votes est déclaré élu. En 2003, lors de l’élection
pour la demande de destitution, le bulletin comportait aussi deux initiatives soumises
à tous les électeurs de l’État. Cela diffère des autres États américains et d’autres
pays où une fois que la pétition est qualifiée, un vote distinct est organisé
pour déterminer de l’opportunité de destituer l’élu avant, le cas échéant, la
tenue d’un vote sur le successeur. Les critiques du processus californien
affirment que celui-ci cause de la confusion chez les électeurs. En outre, il
soulève également la possibilité qu’en cas de destitution d’un élu, son
successeur pourrait être élu avec un mandat démocratique moins légitime :
par exemple, si un élu est destitué de justesse avec un vote de 51 % pour
et 49 % contre et que le candidat gagnant au second vote ne reçoit que le
soutien de 37 % des votants, le nouveau gouverneur se retrouve avec un soutien des
électeurs inférieur de 12 % à celui obtenu par l’élu destitué.
La campagne de demande
de destitution de 2003
La campagne contre Gray
Davis
La campagne contre Gray Davis a d’abord été lancée par une
organisation appelée The People’s Advocate (Les défenseurs des citoyens), une
organisation opposée aux taxes et impôts et dirigée par Ted Costa, le promoteur
officiel de la demande de destitution. Le principal reproche envers Gray Davis était
qu’il avait mal géré l’économie californienne, ayant créé un déficit budgétaire
de plus de 30 milliards de dollars et la nécessité d’une importante
augmentation des impôts. Les efforts de The People’s Advocate étaient soutenus
par un certain nombre de militants du Parti républicain et par d’autres partis
politiques californiens, comme le Parti libertarien et le Parti américain indépendant.
En mai, la campagne de demande de destitution fut renforcée lorsque le représentant
républicain Darrel Issa lança sa propre action de demande de destitution,
« Sauver la Californie », soutenu par un financement important et l’expertise
de stratèges politiques. Sauver la Californie a joué un rôle clé en vue de
recueillir des signatures pour la pétition de demande de destitution, en structurant
son action de manière professionnelle, et revendiquant au final la collecte d’environ
70 % des signatures valides soumises. Les opposants à la demande de destitution,
dont les dirigeants syndicaux et les employés du secteur public, étaient
dirigés par une organisation appelée Taxpayers Against the Recall (les contribuables
contre la demande de destitution). Ils faisaient valoir que l’utilisation de l’initiative
créerait un coûteux précédent et qu’elle ne devrait être utilisée qu’en cas d’abus
de pouvoir ou de corruption.
L’annonce du vote
La pétition visant à demander la destitution a été certifiée
le 25 mars 2003. Vers la mi-juillet, ses promoteurs revendiquaient avoir
recueilli 1,6 million de signatures, bien au-delà des 897 158 requis pour
garantir la tenue d’un vote sur la demande de destitution. Le 23 juillet, le secrétaire
d’État Kevin Shelley attesta que 1 356 408 des signatures étaient
valides. Le jour suivant, le lieutenant-gouverneur Cruz Bustamante fixa au 7 octobre
la tenue du vote sur la demande de destitution et l’élection, le cas échéant,
d’un nouveau gouverneur.
Les candidats à l’élection
Une caractéristique notable de l’élection de 2003 est le
grand nombre de candidats qui se sont présentés. En vertu de la Constitution, les
procédures de nomination des candidats à l’élection se tenant parallèlement à
une demande de destitution sont pratiquement les mêmes que pour une élection
normale du gouverneur (sauf que les documents doivent être déposés au moins 59
jours avant la date du vote sur la demande de destitution). En 2003, les
candidats devaient recueillir 65 signatures en appui à leur nomination et payer
des frais de 3 500 dollars américains (ou déposer 10 000 dollars
américains en lieu et place de ces frais). Le faible seuil pour qu’une personne
puisse poser sa candidature fit en sorte que 135 personnes se sont portées
candidates au remplacement, faisant en sorte que les électeurs se sont
retrouvés avec un bulletin de vote particulièrement long.
Les partis républicain
et démocrate
Le plus important candidat était sans aucun doute Arnold
Schwarzenegger, acteur de cinéma et mari d’un membre de la dynastie politique
la plus célèbre d’Amérique, Maria Shriver, nièce du président assassiné John F.
Kennedy et Robert Kennedy. À la suite de maintes spéculations quant à savoir s’il
entrerait dans la course pour succéder à Gray Davis, Arnold
Schwarzenegger,
un républicain, utilisa une apparition à l’émission The Tonight Show, le 6 août, pour annoncer sa candidature. Son
entrée dans la course incita d’autres candidats républicains de haut rang à se
désister de la course à la succession de Gray Davis. Les démocrates faisaient face
à une situation encore plus difficile, devant décider s’ils devaient présenter un
candidat au remplacement. D’une part, leur objectif principal était de gagner
le vote de demande de destitution et ainsi faire échouer la proposition. On faisait
valoir qu’il serait plus facile d’atteindre ce résultat avec la présentation d’un
front uni et sans présenter de candidat démocrate comme éventuel successeur.
Toutefois, un autre argument voulait qu’en cas de réussite de la demande de destitution,
il était nécessaire d’avoir un candidat démocrate au scrutin comme successeur possible.
Le débat fut clos lorsque, le 7 août, Cruz Bustamante s’engagea dans la course
pour offrir une candidature démocrate de premier plan.
Les contrôles de la
campagne
La campagne de demande de destitution et la campagne visant
à promouvoir des candidats de remplacement ont fait l’objet de divers contrôles.
En Californie, la demande de destitution est soumise à la loi sur le financement
des campagnes, à l’instar d’une initiative soumise au vote populaire, tandis
que l’élection d’un successeur est traitée en conformité avec les contrôles sur
les élections normales d’un candidat. Dans les faits, cela signifiait que le
gouverneur Davis n’était soumis à aucune limite en ce qui concerne les
contributions financières qu’il pouvait accepter pour essayer de battre la
mesure de demande de destitution; en revanche, les candidats remplaçants
étaient soumis à des limites de contributions de 21 200 dollars américains
et à une limite de dépenses de 10 624 000 dollars américains.
Le résultat de la
procédure de destitution
Lors du vote du 7 octobre, la demande de destitution du gouverneur
fut adoptée par un vote de 55,4 %. Parmi les candidats au remplacement,
Arnold Schwarzenegger obtint 48,6 % des votes (plus que le nombre ayant
appuyé Gray Davis); son plus proche rival Cruz Bustamante reçut 31,5 %. En
conséquence, le gouverneur Gray Davis fut destitué et le gouverneur élu
Schwarzenegger prêta serment le 17 novembre. Le coût total de l’organisation du
vote sur la demande de destitution, y compris la fourniture d’un guide d’information
électorale de l’État aux électeurs, a été estimé à tout près de 70 millions de
dollars américains.