Après l’utilisation du système à deux tours avec majorité absolue dans l’empire
allemand et celle d’un système pur de représentation proportionnelle (RP) dans
la République de Weimar, un nouveau système électoral a été établi par le
Conseil parlementaire en 1949. Le système a été créé en vertu de la Loi fondamentale de la République fédérale
d’Allemagne – la Constitution ouest-allemande – et a été le résultat de négociations
entre les forces démocratiques en Allemagne de l’Ouest. Autant que la Loi fondamentale,
ce système devait être temporaire, mais il est resté essentiellement inchangé
depuis 1949.
Le système électoral allemand est classé comme un système proportionnel
personnalisé (Personalisierte
Verhältniswahl) ou, comme on le nomme en Nouvelle-Zélande, un système de scrutin mixte avec compensation (SMAC). Son aspect
fondamental est la manière dont il combine un vote personnel dans des
circonscriptions uninominales avec le principe de la représentation
proportionnelle.
Actuellement, le Parlement allemand
(Bundestag) est composé de 622 sièges, sans compter les sièges qu’il peut y
avoir en surplus (voir ci-dessous). Chaque électeur a droit à deux votes. Le premier
vote (Erststimme) est un vote personnel,
accordé à un candidat (parti) dans l’une des 299 circonscriptions électorales
uninominales. Le deuxième vote (Zweitstimme)
est un vote pour le parti, qui est accordé à une liste de parti au niveau d’un État
fédéral (Landesliste). Il est permis
aux candidats de se faire la lutte tant dans les circonscriptions uninominales
que simultanément dans une liste de parti. Sont déclarés élus les candidats
ayant obtenu une pluralité des votes dans les circonscriptions uninominales (Direktmandate). Quant au second vote, il détermine le nombre
de représentants qu’aura chaque parti au Bundestag.
Au niveau national, on additionne
tous les seconds votes (Zweitstimmen).
Seuls les partis ayant obtenu plus de 5 % des suffrages au niveau national
ou, alternativement, ayant
fait élire directement trois membres dans les circonscriptions électorales
uninominales, sont pris en considération au moment de l’attribution nationale
des sièges à partir de la représentation proportionnelle à scrutin de liste
(RPSL). Le nombre de représentants de chaque parti ayant atteint le seuil légal
est calculé selon la formule de Hare. Les sièges sont alors attribués au sein
des 16 États fédéraux (Länder).
Le nombre de sièges obtenus
directement par un parti dans les circonscriptions uninominales d’un État
fédéral donné est alors soustrait du total de sièges attribué à la liste de ce
parti. Les sièges restants sont assignés à une liste de parti fermée. Si un
parti gagne plus de sièges de type Direktmandate
dans un État fédéral donné que le nombre de sièges qui lui a été attribué en
vertu du second vote, il conserve ces sièges en surplus (Ueberhangmandate). Dans ce cas, le nombre total de sièges au
Bundestag augmente temporairement.
Contrairement à ce que l’on affirme
parfois, le système allemand n’est pas un système de scrutin mixte, mais il est
un système de RP. Il ne diffère de la représentation proportionnelle pure que
du fait que le seuil de 5 % au niveau national exclut les très petits
partis de la représentation parlementaire. Grâce à la représentation
proportionnelle, un éventail relativement grand de forces sociales et politiques est représenté au
Parlement. En outre, ce système électoral est ouvert, dans une certaine mesure,
aux changements sociaux et politiques. En dépit du seuil, les nouveaux partis
politiques qui réussissent à obtenir le soutien d’une partie importante de l’électorat
accèdent au Parlement. Outre l’Union chrétienne-démocrate chrétienne/l’Union
chrétienne-sociale (CDU/CSU), le Parti social-démocrate (SPD) et le Parti libéral-démocrate
(FDP), présents au Bundestag depuis 1949, un nouveau parti, le Parti vert (GRÜNE),
a gagné des sièges en 1983 et en 1987. Après avoir chuté en dessous du seuil en
1990, les Verts sont retournés au Parlement en 1994 comme membre de la coalition
Alliance 90. Après l’unification allemande, même les petits partis est-allemands
ont obtenu des sièges parlementaires. Lors de l’élection générale de l’Allemagne
réunifiée de 1990, l’Alliance est-allemande 90/Verts et le Parti du socialisme démocratique
(PDS) ont atteint le seuil de 5 % appliqué lors de cette élection aux
territoires de l’ex-Allemagne de l’Est et de l’ex-Allemagne de l’Ouest. Quatre
ans plus tard, le PDS a tiré profit de la « clause alternative » en
gagnant quatre sièges de type Direktmandate,
un de plus que les trois requis.
Le vote personnel en faveur d’un
candidat dans des circonscriptions électorales uninominales vise à assurer un lien
étroit entre les électeurs et leurs représentants. Dans les faits cependant, on
ne devrait pas surestimer l’avantage de ces circonscriptions. En Allemagne, les
élections dans les circonscriptions uninominales se fondent principalement sur
des préférences de parti et non sur la personnalité des candidats. Ainsi, l’espoir
initial que le SMAC garantirait un rapport
étroit électeur-représentant ne s’est matérialisé que partiellement en dépit
des efforts faits par les représentants pour établir de solides liens avec
leurs commettants. Néanmoins, cet élément relatif aux commettants dans un
système de RP aide au moins à rapprocher les électeurs et les représentants qui
sont généralement plus éloignés les uns des autres dans les systèmes ordinaires
de RPSL fermée.
En outre, le système de double vote
permet aux électeurs d’orienter leur vote de manière stratégique entre les
partenaires des coalitions existantes ou possibles. En fait, le partage des
votes est commun parmi les partisans des plus petits partis. Puisque les
candidats des petits partis ont peu de chance de gagner dans une
circonscription uninominale, leurs partisans donnent fréquemment leur premier
vote à un candidat près d’eux et venant d’une coalition des grands partis. De
même, les partisans des grands partis peuvent « prêter » leurs
deuxièmes votes à un plus petit parti au sein de la coalition afin de lui permettre d’atteindre le seuil exigé.
Ainsi, le partage des votes est utilisé de manière stratégique par les
électeurs en vue de soutenir un parti partenaire de leur parti au sein de la coalition ou du moins pour indiquer leurs
préférences en matière de coalition.
En produisant des résultats
fortement proportionnels, le système électoral rend peu probable qu’il y ait des
majorités fabriquées, soit une situation où un parti gagnerait une majorité
absolue des sièges parlementaires avec une minorité des suffrages populaires.
En fait, les majorités fabriquées ne se sont jamais produites en Allemagne. Les
gouvernements majoritaires ont habituellement été des gouvernements de
coalition et tout changement de gouvernement résultait de changements au chapitre
de la configuration de la
coalition. Les gouvernements allemands de coalition sont
habituellement stables et perçus comme étant légitimes par l’électorat; et en
raison d’incitations à la collaboration inhérentes aux coalitions, de nombreux Allemands
préfèrent un gouvernement de coalition à un gouvernement d’un seul parti. La
fonction principale de contrôle est assurée par une opposition assez bien
représentée. Il est important de noter que le rapport entre le gouvernement et
l’opposition dans la politique allemande est de nature plus consensuelle et
coopérative que conflictuelle ou hostile. Ceci est cependant davantage le
résultat de la culture historique et politique que du système électoral en soi.
Jusqu’ici, il n’y a pas eu de
désavantage important à recourir au système de SMAC
en Allemagne. Il est en place depuis suffisamment longtemps pour détenir un
niveau élevé de légitimité institutionnelle; les principes de base de la circonscription
uninominale et de la RPSL sont restés inchangés depuis 1949. Seuls quelques
changements mineurs ont été apportés au système électoral. Le plus important de
ces changements aura été le passage, en 1953, à deux votes séparés; avant cela,
l’électeur n’avait qu’à voter une fois, lequel vote comptait autant pour la circonscription
que pour l’attribution nationale des sièges au titre de la RP.
Néanmoins, depuis 1949, il y a eu plusieurs
tentatives de réformer le système électoral de manière substantielle, particulièrement
dans les années 1960 quand les adversaires du système de RP ont demandé la mise
en place d’un système de scrutin majoritaire uninominal. Cette situation découlait
en partie de manœuvres politiques destinées à accroître la position des partis
plus forts et était fondée aussi en partie sur une école théorique de pensée favorable
au modèle britannique; mais toutes ces tentatives ont échoué. Plus récemment,
le système électoral a essuyé des critiques pour avoir produit trop de sièges
en surplus, et ce, sans compensation pour les partis désavantagés au Parlement.
Basic Law