Historique
Le système électoral espagnol possède
une longue histoire. Il a commencé au début du XIXe siècle dans
des circonstances extraordinaires découlant de l’invasion du pays par l’armée de
Napoléon. Le vide ainsi créé au pouvoir avait ouvert la voie à la convocation d’une
assemblée nationale (las
Cortes) par un conseil central (la junte) – les chefs de la résistance – dans
la ville portuaire de Cadix, en Andalousie. Les députés, provenant de toutes
les régions de l’Espagne métropolitaine et de l’étranger, y étaient élus au
vote populaire (conformément aux « Instructions relatives à l’élection des
députés » de 1810, accompagnant l’avis de la rencontre et embryon de la
loi électorale). Lors de sa première session, cette assemblée se déclara un organe
constitutif souverain et devint ainsi le premier Parlement moderne de l’histoire
espagnole. Elle fut abrogée avec la promulgation de la Constitution de 1812.
Le texte de la
Constitution s’inspira largement de la pensée libérale (le
terme « libéral », appliqué en politique, tire son origine, sur le
plan international, du nom donné au groupe de députés progressistes du Parlement
de Cadix) et, pour les Espagnols, a toujours été le symbole de la liberté
politique. La rédaction de cette première Constitution en langue espagnole, qui
reprenait plusieurs idées de la Révolution française et s’inspirait de la Constitution des États-Unis,
puisa également à même les vieilles traditions démocratiques des municipalités espagnoles.
Dans le texte constitutionnel de 1812, ces dernières revinrent à leur ancien
statut d’institutions électives (les municipalités ont toujours joué, tout au long de l’histoire
politique de l’Espagne, un rôle primordial dans la défense de la liberté).
On estime que le « Cortes de Cadix » (le Parlement de Cadix) représente
le point de départ des idées démocratiques et du droit de vote non seulement en
Espagne, mais également dans l’ensemble du monde hispanique. Ceci est dû au fait que les députés des provinces espagnoles d’Amérique ont
collaboré à la rédaction du texte avec les députés de la métropole, en Espagne (l’un
des trois groupes de représentants réunis à Cadix s’appelait le parti des « Américains »).
Certains d’entre eux dirigeront plus tard les mouvements en faveur de l’indépendance
en Amérique latine. Ainsi, la
Constitution de Cadix inspirera les constitutions espagnoles subséquentes
et servira également de base
aux premières constitutions des nouveaux États latino-américains indépendants. (Dans
presque tous les pays latino-américains, nous pouvons affirmer que les
processus d’indépendance ont pris leur origine dans les luttes en faveur de la
démocratisation du pouvoir au sein des conseils municipaux.) Il est intéressant
de constater que pour cette raison, bon nombre des premières lois électorales
au XIXe siècle dans les pays de langue espagnole, des deux côtés de l’Atlantique,
ont eu le même texte constitutionnel comme point commun de référence.
À la suite de ces premières étapes importantes, les lois électorales qui
devaient régir le droit de vote ont vu le jour officiellement en Espagne en
1837, l’adoption du suffrage universel suivant en 1869; la loi de 1907 est
venue renforcer les lois électorales. Cependant, l’histoire
tumultueuse de l’Espagne tout au long du XIXe siècle et d’une
partie du XXe siècle se caractérise par des reculs et des
avancées d’importance dans le processus menant à l’exercice des libertés
démocratiques et, par conséquent, le fonctionnement du système électoral.
Proclamée en 1931 après l’annonce
des résultats des élections municipales qui avaient forcé le roi à abdiquer, la Deuxième République
a accordé le droit de vote aux femmes. Les femmes espagnoles, qui ont voté dès les
élections générales de 1931, ont donc exercé ce droit bien avant les femmes d’autres
pays d’Europe de l’Ouest (avant la
France par exemple). Le triomphe du Front populaire aux
élections de 1936, dont les résultats furent acceptés de tous, déclencha en
quelques mois une réaction anti-démocratique et l’éclosion de la guerre civile
de 1936-1939. Cette guerre se termina par la victoire du général Franco,
victoire rendue possible en raison des conflits fratricides des forces
républicaines et de l’important soutien militaire des régimes fascistes
étrangers.
C’est un fait connu que cette dictature
a freiné durant presque 40 années l’exercice des droits démocratiques.
Néanmoins, ces quatre décennies n’ont pas été suffisantes, comme l’a prouvé
plus tard la transition politique espagnole, pour effacer de la mémoire
collective tant le passé que l’expérience accumulée d’un siècle de législation
électorale : de 1810 à 1936, 12 lois électorales ont été adoptées, de même que
plusieurs autres règlements qui ont régi la tenue de 55 élections parlementaires en Espagne au cours
de cette longue période.
Même avant la mort de Franco, dans les cercles intellectuels et parmi les
membres des partis de l’opposition démocratique qui commençaient à sortir de
l’ombre, le sujet du système électoral le plus approprié pour le pays faisait déjà
l’objet de discussions et d’études. Aussi, immédiatement après
la mort de Franco en novembre 1975, cette question a surgi sur la place
publique, et un vaste débat s’est amorcé sur les avantages et les inconvénients
du système électoral en place durant la Deuxième République ainsi que sur ceux
utilisés dans d’autres pays.
Évolution de la transition politique
À la suite de la mort du vieux
dictateur, un consensus quasi général s’est fait autour de la nécessité de
conclure un pacte entre diverses forces politiques, y compris l’aile réformiste
de l’ancien régime. Il fallait réaliser une transition pacifique au moyen d’élections
justes, transparentes et crédibles, dans un système électoral offrant de
réelles possibilités à l’ensemble du spectre politique, y compris les partis nationalistes, de faire
campagne en vue d’obtenir une représentation au sein du futur Parlement.
Un an après la mort de Franco, en décembre 1976, les Espagnols furent
invités à approuver, par référendum, la loi portant sur la réforme politique de
l’État. Évitant toute rupture avec les vieilles institutions, cela constituait
une première reconnaissance du principe de la souveraineté populaire,
permettant aux citoyens de se déclarer libres et de choisir soit un système
politique basé sur la démocratie, soit le maintien de la dictature. Selon la première option, en
votant « oui », on accordait par vote la légitimité et le mandat de
convoquer un Parlement constitutif démocratique devant être élu six mois plus
tard. Ce Parlement serait fondé sur un système électoral qui devait être
approuvé, si le résultat du référendum était favorable à la démocratie. Une
majorité écrasante vota en faveur du « oui »; seul 2 % de l’électorat
espagnol vota en faveur du « non ».
Approuvée par référendum, la réforme
politique institua un Parlement bicaméral, formé d’un Congrès de 350 députés (fondé
sur le rapport d’un député pour 100 000 habitants) et un Sénat de 297
sénateurs (ce nombre changera plus tard). Le débat sur l’établissement d’un
système électoral pour former ces Chambres tournait autour des deux principaux
aspects qui forment la base de
tous les systèmes électoraux : selon quel fondement territorial les
circonscriptions seraient-elles établies? et quelle formule électorale serait-il
indiqué d’adopter dans le contexte politico-historique du pays?
L’importante influence de l’histoire
sur les diverses régions espagnoles signifiait que le système électoral adopté
en 1977 devait équilibrer la composante de la « population » (c.-à-d.
qu’il devait affecter à chaque délimitation territoriale un certain nombre de
députés pour l’élection selon le nombre d’habitants ayant le droit de vote)
avec une formule qui permettrait à la population de chaque territoire d’avoir
un minimum de représentants conformément à la variable de la taille du
territoire. Nous devons préciser ici que l’Espagne est un pays dont le
territoire présente de grands déséquilibres démographiques. Par conséquent, le
système électoral adopté au regard de l’attribution des sièges par circonscription
électorale s’est fondé sur un système mixte à « deux volets » de
représentation proportionnelle, combinant les élections au niveau provincial
avec les listes nationales des partis.
La délimitation territoriale de
chaque circonscription électorale a été reliée à la division de l’Espagne en
provinces (il existe 50 provinces), auxquelles furent ajoutées deux circonscriptions couvrant les deux
villes espagnoles situées en dehors de la péninsule. La distribution des 350 sièges
du Congrès a été faite de manière à ce que chaque circonscription électorale
reçoive, sur une base permanente, deux sièges de nature territoriale, le reste
des sièges étant attribué à chaque circonscription selon la variable de la « population ».
En raison de cette variable, il est possible que d’une élection à l’autre, le
nombre de députés à élire par circonscription puisse différer légèrement. Par
la suite, la Constitution a statué que le nombre de sièges au Congrès des
députés devait se maintenir autour de 300 à 400. Dans les faits, on n’a jamais
dérogé jusqu’à maintenant aux 350 sièges parlementaires, lesquels sont répartis
entre les 52 circonscriptions selon le système décrit.
Pour compenser les effets de
l’attribution de sièges aux circonscriptions fondée sur ce principe « territoire-population »
(qui favorisait davantage certains candidats que d’autres), on devait apporter
dans la formule du système électoral un élément correctif de façon à
transformer des votes en sièges. Les systèmes de majorité simple, comme le scrutin majoritaire
uninominal ou le système à deux tours, qui auraient accentué les effets
disproportionnels du système mixte à « deux volets », furent éliminés,
et on opta pour le système de représentation proportionnelle à scrutin de liste
(RPSL) fermée avec l’application de la formule de d’Hondt pour l’attribution
des sièges. On eut recours à de multiples bulletins de vote contenant des
listes fermées et la loi de d’Hondt sur le caractère proportionnel pour l’attribution
des sièges par province, ce qui dans ce cas pouvait favoriser d’autres
candidatures. En même temps, le seuil pour exclure une candidature inscrite en
vue de l’attribution des sièges fut fixé à un minimum de 3 % des suffrages dans
chaque circonscription électorale.
Le système du Sénat – qui est une Chambre
de représentation territoriale composée actuellement de 264 sénateurs (ceci
peut varier de plus ou moins
un) – est organisé très différemment, puisque seuls 208 sénateurs sont élus par
élection directe. On attribue quatre sièges à chacune des circonscriptions
électorales provinciales, indépendamment de leur population, l’électeur ayant
la possibilité de voter en faveur de trois candidats parmi ceux inscrits sur un
seul bulletin de vote (sur lequel chaque parti politique présente trois
candidats pour l’élection et dispose de trois boîtes). Selon ce système
de RPSL « ouverte », il peut choisir de voter pour un seul candidat
ou pour trois candidats de trois partis différents. Le reste des sénateurs (56 dans
la présente législature) est élu par vote indirect par les parlements des 17
régions autonomes (les « communautés »).
En ce qui concerne le droit de vote
actif (pour pouvoir élire) et le droit de vote passif (pour être admissible),
le système électoral espagnol a accordé ces droits pratiquement sans restriction
à tous les citoyens en âge de voter (18 ans), exception faite seulement pour ceux
condamnés par sentence définitive des tribunaux ou, dans le cas des candidats à
l’élection, pour ceux exerçant des fonctions publiques (juges, militaires et
cadres administratifs, etc.). En outre, les candidats ne sont alors pas tenus
de verser une quelconque caution financière pour se présenter aux élections. On
a jugé préférable d’écarter tout type de discrimination liée à des raisons
financières lors de la présentation des candidatures, même au risque de
quelques abus possibles, bien que celles-ci devaient être présentées par un
parti légalement enregistré (l’enregistrement d’un parti politique est
extrêmement simple) ou par un groupe d’électeurs. Enfin, concernant la
participation à une élection, on a laissé à l’électeur l’entière liberté d’exercer
ou non son droit de vote – l’imposition du vote obligatoire dans le contexte de
la transition d’une dictature à une démocratie aurait été une contradiction
idéologique.
Selon le calendrier prévu, trois
mois après le référendum constitutionnel, les premières règles électorales (telles
qu’elles sont décrites ci-dessus) furent provisoirement approuvées, et trois
mois plus tard, les élections
générales visant à choisir un Parlement constitutif eurent lieu. On prouva alors
la capacité intégratrice du système électoral décrit, principe fondamental pour
une transition politique réellement viable, en dépit des imperfections, comme
on peut en trouver dans n’importe quel système électoral, puisque la droite, le
centre, les socialistes, les communistes et les nationalistes basques et catalans
obtinrent une représentation parlementaire répondant adéquatement à leurs
attentes. Cette pluralité parlementaire, obtenue sans fragmentation excessive
et qui reflétait les grands courants idéologiques du pays, était fondamentale
pour l’obtention d’un consensus réel sur le texte de la Constitution. Sa
préparation complexe nécessita plus d’une année, et il n’y a aucun doute que du
point de vue du droit comparé, on estime à plusieurs égards qu’elle est l’une
des plus avancées au monde.
Parmi les dispositions
constitutionnelles (l’article 8), l’une des plus importantes et de grande portée
est probablement celle accordant au Parlement le pouvoir exclusif d’élaborer
les règles électorales ainsi que celui d’établir que la loi électorale devrait
avoir le statut de loi constitutionnelle. Toute modification, si minime
soit-elle, devrait être soumise à l’examen minutieux de la commission constitutionnelle
du Parlement et suivre les procédures officielles réservées aux lois
constitutionnelles.
En 1978, à la suite de l’approbation
par référendum de la
nouvelle Constitution espagnole, le Parlement constitutif,
qui avait accompli sa tâche d’élaborer la loi fondamentale de l’État, fut immédiatement dissous. On ordonna
de nouvelles élections générales qui prépareraient le terrain pour la première
législature ordinaire ainsi que pour les premières élections municipales de la
démocratie, mettant ainsi fin à la phase initiale de la transition politique
espagnole.
Aperçu juridique et fonctionnel du système
électoral
Le système électoral espagnol,
essentiellement un moyen visant à garantir un vote égalitaire et démocratique
et à assurer une correspondance entre les votes et la représentation politique,
a été un modèle si efficace qu’il est demeuré pratiquement inchangé pendant 20
ans après qu’on a approuvé ses principaux
aspects, lors de la phase initiale de la transition. (Il a permis la formation
de gouvernements majoritaires et relativement stables aussi bien que des
changements de gouvernement en 1982 et 1996.) La première loi électorale constitutionnelle adoptée en 1985 a ratifié les bases du
système conçu en 1977 et élargi la portée des règlements appliqués pendant la
période de la transition politique.
Il est vrai qu’un certain débat a
été lancé sur la pertinence d’apporter quelques modifications au système
électoral et d’adopter le système des listes ouvertes plutôt que des listes fermées,
avec de timides propositions en faveur de l’établissement de candidatures et de
circonscriptions uninominales. Cependant, il semble peu probable que dans le
contexte complexe de la politique et des élections espagnoles, les avantages
des autres systèmes pallient aux difficultés qui pourraient survenir particulièrement
en ce qui a trait aux circonscriptions uninominales – un fait dont tous les partis
politiques sont conscients.
Ceci dit, la validité du système
électoral espagnol se fonde tant sur le fait qu’il est fonctionnel d’un point
de vue politique (dans le cadre de la société espagnole) que sur la légitimité
qu’il a acquise progressivement au fil des nombreux processus électoraux mis en
place durant les 30 années du système. Aucune famille politique n’a jamais
porté une accusation globale de fraude électorale, et les irrégularités visées
par des plaintes ont toujours été très sectorielles. Tous les candidats, tout
comme les médias et l’électorat, ont confiance dans la fiabilité des résultats
provisoires des élections annoncés par le ministère de l’Intérieur le soir du vote.
Il en est ainsi, car il existe une
conviction profondément enracinée chez les rédacteurs des lois électorales
espagnoles selon laquelle tout système électoral – même si en principe on
estime qu’il s’agit du meilleur au monde – peut, dans les faits, être inutile.
Il ne faut pas que les procédures d‘application laissent une quelconque possibilité
de manipulation, technique ou administrative, dans des secteurs aussi
essentiels que la compilation des listes électorales, l’inscription des
candidatures, le dépouillement des votes et bien d’autres aspects qui ont une
incidence sur la validité démocratique du processus électoral.
Pour éviter les risques de ce genre
tant dans la Constitution qu’au niveau de la première ébauche de la loi électorale,
celle-ci a été enchâssée et fait partie de la Loi constitutionnelle. Une approche juridique a été adoptée,
imposant des garanties maximales et restreignant les interprétations
subjectives facilitées par le silence ou l’ambiguïté des règles et empêchant le
pouvoir exécutif de dicter des règles « spéciales » susceptibles de
permettre des manipulations à n’importe quelle phase du processus d’établissement
du droit de vote.
Ainsi, en Espagne, en vertu de cette
philosophie, le gouvernement ou l’administration dans son sens le plus large n’a
aucun pouvoir juridique pour adopter des lois touchant les règlements électoraux.
Le pouvoir exécutif peut simplement approuver un décret demandant la tenue d’une
élection ou des décrets techniques à appliquer en vertu de la loi. Depuis la
rédaction de la Constitution, le pouvoir exécutif et l’administration n’ont
joué qu’un rôle de fonction et ne sont que des organisateurs du processus
électoral. À ce jour, cette prémisse demeure gravée dans la culture électorale
espagnole et, bien que le système électoral n’ait pas fondamentalement changé, les
questions qui font partie des débats parlementaires touchent le fonctionnement
des règlements électoraux par rapport à l’organisation du processus électoral, le
contrôle et la modernisation technologique.
De même, il est à noter que le concept de la loi électorale
espagnole, depuis son adoption comme loi constitutionnelle et organique, forme
un tout et – comme le stipule son préambule – elle répond à « la nécessité
de traiter d’une façon unifiée et globale » tous les aspects du processus
électoral. En Europe de l’Ouest, les exemples abondent de modèles législatifs
du type « casse-tête », où la loi ou le code électoral est un cadre
général de règles qui doivent être accompagnées ou complétées par d’autres lois
ou par un ensemble de lois, ou bien encore par des décrets, des règlements, des
circulaires, etc., émanant de l’exécutif. (Au lieu de faciliter la
transparence, ceux-ci finissent par créer un labyrinthe juridique). Cependant,
le Parlement espagnol de l’époque écarta l’utilisation, à titre de référence,
de tout modèle désuet de mesures législatives électorales fragmentées et décida
d’intégrer toutes les dispositions au sein d’un même texte, de manière à ce qu’il
soit fonctionnel et cohérent, et écrit de façon claire et concise. Dans ce
sens, la loi électorale constitue un véritable manuel de procédures couvrant, de
manière ordonnée, les principes constitutionnels guidant le système électoral,
les dispositions précises et
les calendriers devant réglementer le contrôle, le financement, la gestion et l’administration
de tout processus électoral, en tenant compte aussi de leurs différentes
classifications (élections parlementaires, locales, etc.).
Description des éléments
fonctionnels du système
Activités de supervision et de contrôle du processus électoral
L’organe ayant en charge ces
fonctions a été créé sous le nom de Conseil électoral qu’on appelle « pouvoir
électoral » dans certains pays latino-américains ». Le Conseil électoral
a sa propre hiérarchie et est fondé sur le territoire : le Conseil électoral central,
les conseils provinciaux et de secteur et les conseils électoraux des communautés
autonomes (en Espagne, il existe un système de décentralisation, de nature
pratiquement fédérale, qui compte 17 régions autonomes). Une partie des membres
qui compose cet organe est nommée par le Conseil du pouvoir judiciaire et l’autre partie, par le Parlement.
Le Conseil électoral central est
permanent; il est composé de 13 membres dont huit sont des juges de la Cour suprême, nommés par
tirage au sort, et les cinq autres membres, nommés par le Parlement, occupent
des chaires universitaires dans les domaines du droit, des sciences politiques
ou de la sociologie. Le
président est élu parmi les juges, et le secrétaire (sans droit de vote) est le
secrétaire général du Congrès des députés. À la suite des élections, on
remplace le Conseil électoral central 90 jours après la constitution du nouveau
Parlement. Son bureau se
trouve dans les bâtiments du Parlement. Dans leur territoire respectif, les conseils
électoraux ont un pouvoir absolu sur toutes les questions touchant les
élections et l’organisation du processus, bien que pour des raisons d’efficacité,
ils n’organisent pas eux-mêmes les élections, mais consacrent plutôt entièrement
leurs services à la validation des activités, ainsi qu’au contrôle et à la
supervision de leur aspect légal.
Activités de préparation et de révision du recensement électoral
Les citoyens espagnols ont le droit
de vote à partir de l’âge de 18 ans, et ils sont automatiquement inscrits sur
les listes électorales. Les Espagnols qui résident habituellement à l’étranger
sont inscrits sur des listes électorales spéciales. Les étrangers qui sont des
citoyens des pays membres de l’Union européenne et de la Norvège, et qui résident
habituellement en Espagne, sont également inscrits sur les listes électorales.
Ils peuvent voter et se
présenter aux élections municipales. On inscrit sur une liste distincte les
personnes âgées de 17 ans, de façon à leur permettre de voter s’ils ont
atteint l’âge de 18 ans le jour du vote. On ne délivre aucune carte d’électeur
puisque l’identité est vérifiée aux bureaux de vote, et ce, au moyen de la
carte d’identité ou du passeport. Les électeurs (quelque 30 millions au
moment d’écrire ces lignes) reçoivent une carte à leur adresse de résidence,
non valide pour les élections, mais qui permet de prouver leur inscription au
recensement ainsi que le bureau de vote auquel ils appartiennent. La
gestion du recensement électoral se fait par le Bureau du recensement électoral,
une organisation qui relève directement des conseils électoraux et qui est
financée par le Conseil national des statistiques (qui lui relève du ministère
des Finances). Les renseignements de base du recensement sont fournis par les conseils
municipaux (on compte un peu plus de 8 000 municipalités qui sont
tenues de déclarer l’augmentation ou la diminution de leur population, les
changements d’adresse et les changements de la cartographie), et par les consulats
et les bureaux des registres civils dans les cas de décès.
La réforme de la loi électorale de 1995 a permis de faire un
pas important dans la modernisation de la gestion du recensement électoral :
une mise à jour mensuelle obligatoire des listes électorales a remplacé la mise
à jour annuelle précédente. La réforme a obligé l’exécutif à investir
massivement dans l’automatisation pertinente; en conséquence, à court terme, la
marge d’erreur est minimale. Actuellement, chaque élection prend appui sur le
recensement électoral du mois qui précède celui du déclenchement de l’élection,
et les listes électorales de chaque mois sont affichées publiquement dans les bureaux
de vote une semaine après le déclenchement de l’élection. Les électeurs peuvent
immédiatement s’objecter en cas d’erreur ou s’ils ne sont pas inscrits.
Activités des organisations liées au processus électoral
Le ministère de l’Intérieur est
chargé de la logistique et de la gestion financière des dépenses engagées pour l’organisation des élections. Elle
doit, bien sûr, veiller à la sécurité pour assurer la tenue d’une campagne
électorale pacifique et le libre exercice du droit de vote. Les divers services
de police et de garde civile doivent suivre une formation à cet égard dans
leurs institutions et, le jour de l’élection, ils possèdent une carte format poche
sur laquelle sont inscrites les dispositions pertinentes de la Constitution et
de la loi électorale. En ce qui concerne la logistique et la gestion financière, un directeur
adjoint est chargé d’organiser les élections et de planifier le calendrier
électoral conformément aux diverses dispositions de la loi électorale qui,
comme nous l’avons indiqué, sont très précises et déterminent tout ce qui concerne
les horaires, dont les heures d’ouverture et de fermeture des bureaux de vote.
En ce qui concerne les éléments de
gestion électorale sous sa responsabilité, le ministère de l’Intérieur est
tributaire du Conseil électoral central et consulte toujours ce dernier pour
tout problème ou question pouvant surgir au cours des diverses phases du
processus électoral. Les instructions du Conseil électoral – même si lorsque
survient un problème d’ordre pratique, le personnel technique travaillant à l’élection
diverge parfois d’opinion – sont suivies sans délai.
Au niveau territorial, sur instruction du ministère de
l’Intérieur, les services administratifs de l’État dans chacune des provinces exécutent
les tâches particulières liées au stockage et à la distribution du matériel
électoral, ainsi qu’à l’impression des bulletins de vote et des enveloppes.
Le ministère de l’Intérieur passe des marchés avec des agences de publicité pour
ce qui est des campagnes audiovisuelles diffusées pendant le processus afin d’informer
les électeurs ou de leur rappeler certaines questions (affichage des listes,
procédure de vote par correspondance, pièces d’identité requises pour voter,
etc.).
L’une des fonctions très importantes
du ministère de l’Intérieur est celle de fournir au public les résultats
provisoires du dépouillement des votes, processus auquel on consacre d’énormes
ressources sur le plan humain. Une fois le dépouillement terminé, les milliers
d’agents électoraux représentant le ministère se munissent d’une copie des
résultats des 50 000 bureaux de vote disséminés dans tout le pays, les transmettent
par voie électronique aux centres informatiques régionaux qui traitent l’information,
puis la font parvenir au serveur central. La vitesse de transmission des
résultats provisoires en Espagne profite grandement du fait que tous les
bureaux de vote ont un ordinateur sur place ou à proximité. De plus, on alloue également
de fortes sommes à cette
opération (environ 5 millions de dollars américains).
Ces efforts, le soir même des élections,
ont toujours eu pour objectif d’écourter le plus possible le temps qu’on met
pour informer le pays des résultats détaillés des élections, de sorte que
quatre heures après la fin du vote dans les 50 000 bureaux de vote, le
compte détaillé est informatisé et rendu public, dans sa presque totalité. Les partis
politiques et les médias sont reliés à l’ordinateur central du ministère de
l’Intérieur qui leur donne un accès en temps réel, du début du processus jusqu’au
dépouillement des votes. Depuis 1996, le processus de dépouillement est diffusé
dans le monde entier grâce à Internet. À l’heure actuelle, on examine la
faisabilité du vote électronique, bien qu’il ne soit pas encore évident si l’investissement
dans cette nouvelle technologie – certains essais ont été déjà faits – en vaut la peine, car elle ne
réduirait que d’environ trois heures la vitesse qu’a atteinte l’Espagne grâce
au système actuel de traitement du dépouillement provisoire des votes. Un autre
aspect incertain est celui de la maintenance et de l’inspection des milliers de
dispositifs aux fins du vote électronique qui devront faire l’objet d’une
surveillance avant une nouvelle élection. Le vote au moyen du Web est
également à l’étude.
Activités de contrôle des électeurs et des candidats dans le processus
électoral
En Espagne, lors des premières
élections au moment de la transition, aucun parti politique n’a demandé
officiellement la présence d’observateurs internationaux. Tout d’abord, les
principaux partis politiques reconnus sur le plan juridique possédaient déjà
une infrastructure et une organisation suffisantes pour garantir la tenue de la
campagne grâce à leurs militants et à leurs sympathisants. Ils étaient
également à même d’assurer la bonne conduite du vote par la présence accréditée de leurs témoins légaux dans
presque tous les bureaux de vote des circonscriptions respectives. Deuxièmement, dès le début, le
système électoral espagnol avait mis de l’avant le principe que la souveraineté
du peuple devrait se traduire par un contrôle actif, par les électeurs
eux-mêmes, de l’acte souverain de voter, ceux-ci étant les seuls à présider et
à organiser le processus du vote et du dépouillement. La loi électorale,
ainsi qu’elle a été élaborée par la suite, continue à étoffer ces deux aspects.
En ce qui a trait à la capacité de
contrôler les candidats dans le processus électoral, la législation espagnole n’offre
rien de neuf. Les candidatures sont soumises aux conseils électoraux dans
chaque circonscription électorale, lesquels emploient des critères objectifs pour
déterminer l’évaluation de la validité. Chaque parti politique qui se présente
aux élections doit nommer un représentant au Conseil électoral central dans un
délai maximum de neuf jours après la convocation de l’élection pour agir à titre
de porte-parole des candidats. Cela ne signifie pas pour autant que ces
représentants participent aux délibérations de cette organisation.
Quant au contrôle du vote par l’électorat lui-même, il peut s’avérer
nouveau pour certains qu’il est obligatoire pour les trois membres des bureaux
de vote (un président et deux membres) d’être des électeurs inscrits sur la
liste du bureau de vote. La procédure de leur nomination tente
d’éviter toute manipulation, puisque l’on procède par tirage au sort public au
cours d’une réunion plénière tenue dans chaque hôtel de ville entre 25 et 29
jours après l’annonce des élections. Pendant cette rencontre, on nomme trois
membres titulaires et six membres suppléants qui doivent être tous présents au
bureau de vote le jour de scrutin en cas d’absence des titulaires. Les présidents
sont ceux dont le niveau d’instruction est le plus élevé. Les électeurs choisis
au sort sont tenus légalement d’exécuter ces fonctions, et ils sont informés de
leur nomination par une correspondance officielle du Conseil électoral livrée à
leur résidence. Cet avis est accompagné d’un manuel d’instructions sous la
supervision du Conseil électoral central. Tout comme les autres documents
électoraux, ces manuels sont publiés par le ministère de l’Intérieur en deux
langues, soit une version pour les circonscriptions électorales ayant le
catalan, le basque ou le galicien pour langue officielle, et une autre version,
celle-ci en castillan, qui est la langue officielle de l’ensemble du pays. En Espagne,
la langue espagnole n’existe pas officiellement dans la Constitution, laquelle
ne se réfère qu’à ce qu’on
appelle historiquement la langue castillane. Le castillan est reconnu à
l’étranger comme la langue espagnole du fait qu’à l’article 3 de la Constitution,
les autres langues sont vues comme appartement à la langue espagnole.
La nomination des membres des
bureaux de vote par tirage au sort parmi l’électorat et les garanties qui leur
sont données pour exercer leur mandat de manière souveraine – ce qui se fait généralement
avec un grand sens des responsabilités – ont également été un facteur clé rendant
la fraude réellement très difficile à l’étape du vote, du dépouillement (un
dépouillement public a lieu à l’emplacement même du vote) et de la livraison
subséquente par un président et un autre membre du bureau de vote de l’original
et d’une copie sous enveloppe scellée des résultats au juge le plus proche. Les
représentants des candidats (chacun a droit à une copie de la liste électorale
du bureau de vote et doit signer le procès-verbal des opérations, dont il
reçoit une copie) ont également leur rôle à jouer. Un avis comportant les
résultats est affiché publiquement au bureau de vote, tandis qu’une autre copie
sous enveloppe scellée est
remise par le troisième membre du bureau de vote à l’agent des Postes qui la recueille
dans chaque bureau de vote afin de la transmettre au secteur ou au Conseil électoral
provincial qui effectuera le dépouillement final.
Au regard de la fonction principale
des bureaux de vote, la loi électorale prévoit des dispositions spécifiques
concernant le nombre d’électeurs par bureau de vote et elle a établi des
sections ou secteurs comportant un minimum de 500 électeurs et un maximum de 2 000
électeurs subdivisés en bureaux de vote (en réalité, le nombre maximal d’électeurs
par bureau est fixée à 1 000 électeurs). On impose en outre un critère
territorial de manière à ce qu’il y ait au moins un bureau de vote dans chaque
municipalité, même dans celles ayant moins de 500 électeurs. La liste électorale
de chaque bureau est imprimée en
ordre alphabétique des noms de famille. La loi électorale fixe également à 11 heures la durée du scrutin (temps amplement
suffisant puisque les formalités de vote s’effectuent très rapidement) et les
bureaux de vote doivent être ouverts de 9 h à 20 h, même si tous les électeurs
sur la liste ont voté avant l’heure de fermeture prévue.
Activités de gestion financière du
processus électoral
Voilà un domaine important de gestion tout au long des phases
du processus électoral. Conformément à la loi électorale espagnole, l’État
est tenu de subventionner non seulement les dépenses réelles organisationnelles
et logistiques encourues lors de toute élection, mais également – en conformité
avec la Loi constitutionnelle portant
sur le financement des partis politiques – les dépenses électorales des partis politiques
qui se font la lutte aux niveaux central, local ou du parlement européen. Les
dépenses liées aux élections au niveau des parlements autonomes régionaux sont à
la charge de chaque communauté autonome selon les mêmes principes. Le ministère
de l’Intérieur en charge des élections est responsable de la préparation du
budget et de l’administration des fonds publics électoraux selon des
dispositions précises de la loi électorale. En fait, le ministère de l’Intérieur
agit en tant qu’organe administratif autorisé à passer des marchés pour le
matériel externe et les services nécessaires à l’organisation des élections; il
agit également comme intermédiaire entre le Trésor et les participants actifs à
la joute électorale.
La loi électorale stipule – dans le respect
des limites financières approuvées par le Parlement – que 29 jours après la
publication du décret convoquant une élection, les partis politiques ayant précédemment obtenu
une représentation peuvent bénéficier d’une avance de fonds équivalente à 30
% de toutes les subventions obtenues à la précédente élection. Le total
des subventions qu’ils reçoivent à la fin du nouveau processus électoral reposera
sur le nombre de votes reçus, pour autant qu’ils sont représentés. Les fonds
sont payés par l’État à l’échéance de la période accordée pour soumettre des réclamations
controversées et après soumission (100 jours après le scrutin) des documents
détaillés couvrant tous les revenus et dépenses électoraux sur la comptabilité
ouverte à cette fin par les candidatures et à même de faire l’objet d’une inspection
tout au long du processus électoral par les conseils électoraux et le Bureau national d’audit. La loi électorale
interdit le financement sous forme de dons privés ou de compagnies à la
campagne électorale d’un parti politique ou d’un groupement d’électeurs
autre qu’un petit montant (approximativement de 7 000 dollars américains). S’ils
n’obtiennent pas suffisamment de votes pour siéger ou s’ils obtiennent moins de
votes que ceux utilisés lors du calcul initial, les candidatures doivent
rembourser en totalité ou en partie les subventions qui leur ont été avancées.
Les dépenses subventionnées par l’État
et qui sont liées à l’activité électorale des candidatures sont générales :
les bulletins de vote et enveloppes; les dépenses de marketing et de publicité pour
obtenir des votes; la location de locaux pour les quartiers généraux et les
bureaux de campagne; les indemnités financières versées au personnel non permanent
des partis recrutés pour la campagne; les frais de transport et de voyage des
candidats, des leaders et du personnel de soutien de la campagne; et les dépenses relatives à la correspondance
ou aux envois postaux. En outre, on rembourse les intérêts bancaires sur les
prêts financiers légalement octroyés à l’organisation de campagne jusqu’à la
date où l’État verse l’ensemble des subventions à l’égard de chaque candidature
en proportion de ses résultats électoraux.
Nous devons préciser qu’il y a
présentement une discussion en vue de modifier la législation électorale
concernant les subventions accordées aux partis politiques et lors des
campagnes électorales – modifications possibles en raison de problèmes de
corruption. Comme plusieurs autres pays d’Europe de l’Ouest, l’Espagne a
beaucoup souffert de cette situation ces dernières années. Elle résulte surtout
du financement secret et illégal de certaines campagnes électorales dont les coûts
sont exorbitants et du fait que l’on observe à peine les limites légales des
dépenses maximales fixées pour les fonds publics. Le débat porte sur la possibilité
que les personnes et les entreprises puissent financer davantage les partis en
haussant sensiblement le niveau maximal de telles contributions par rapport à
celui stipulé actuellement dans la loi. Cependant, même si on devait modifier la loi
électorale, les contributions financières privées seraient toujours soumises,
par consensus parlementaire, à une obligation de publication et de contrôle.
Transition de l’État territorial
On ne peut conclure une description
du régime politique espagnol et de son système électoral sans aborder brièvement
un certain aspect tout aussi important, sur le plan historique, de la
transition d’un État autoritaire par excellence à une démocratie exemplaire. Il
s’agit de la transition qui s’est faite en parallèle avec celle que l’on vient
de décrire, soit d’un État fortement centralisé à un État fortement
décentralisé – une transition qui aura sans doute été bien plus difficile et
plus complexe sur le plan politique et sociologique que celle d’une dictature à
la démocratie. Il
s’agit peut-être là du problème le plus difficile que la Constitution de 1978 ait
eu à résoudre.
Dans les faits, pour bon nombre d’Espagnols
que l’on pourrait qualifier d’ultraconservateurs, comme pour de nombreux autres
à l’idéologie politique progressiste,
il était difficile, et cela l’est encore, d’accepter la reconnaissance que l’on
a accordée aux nationalistes, à la diversité linguistique et à la création d’une
autonomie gouvernementale dans les diverses régions d’Espagne auxquelles on a
attribué des pouvoirs toujours plus importants. En outre, l’avènement de
la démocratie aura facilité une explosion de solides revendications nationalistes
qui, depuis, ont été en grande partie intégrées dans le système politique par l’intermédiaire
des mécanismes électoraux à la base du processus de décentralisation. Notamment,
le système permet la présence du HB dont les candidats, associés au groupe
terroriste ETA, peuvent se présenter en toute légalité lors d’une élection
(législative, municipale, du pays
autonome basque et européenne). Tous ont toujours accepté les résultats.
Ajoutons que certaines années, on a enregistré un fort déclin au niveau des
suffrages récoltés par le HB.
Dans le contexte de toutes ces tensions, le modèle espagnol
de décentralisation est d’autant plus original qu’il a pris en compte l’existence
de diverses demandes d’autonomie vis-à-vis du pouvoir central. La majorité de
ces demandes sont venues de la Catalogne et du pays basque. D’autres régions en ont fait quelques-unes
et plusieurs régions en n’ont présenté aucune. On a pu ainsi concevoir une
stratégie à long terme favorisant une harmonisation continue des capacités de
chaque territoire au chapitre de l’autonomie.
En se fondant sur ces principes, l’Espagne a été divisée en 17 communautés
autonomes possédant chacune un Parlement élu au suffrage universel. Ces parlements ont été mis en place les uns à la suite des autres, la
transition d’un modèle d’État ayant débuté avec les élections autonomes du pays
basque et de la Catalogne
au début des années 1980. Pour leur part, les parlements de la Galicie et de l’Andalousie
ont été élus en 1981 et en 1982 respectivement. Ces quatre régions ont été
qualifiées de « nationalités historiques ». Les 13 autres parlements
autonomes ont été établis à l’issue des élections autonomes qui ont eu lieu en
même temps que les élections locales de 1983.
Au cours du processus de
décentralisation de l’État, l’une des caractéristiques de base de l’harmonisation
générale a été l’adoption d’un système électoral semblable dans tout le pays :
l’élection des parlements autonomes (bien que le nombre de députés varie) est régie par les mêmes règles que
le Parlement central (las Cortes) quant à la répartition des sièges et à l’élection
des députés. Chaque communauté autonome a sa propre loi électorale, mais
les procédures de base doivent être conformes à la loi électorale générale.
On a pu observer, en se basant sur
ces assemblées parlementaires autonomes élues au suffrage universel, l’émergence
d’un phénomène de régionalisme modéré dans plusieurs endroits où cette
conscience politique n’existait pas. Cependant, un phénomène d’intégration des
nationalismes se développe également à l’intérieur d’un cadre vigoureux et
organisé qui accorde aux pouvoirs
centraux et autonomes des pouvoirs de négociation fondés sur la légitimité que
les deux obtiennent au moment du scrutin. Ce sont ces négociations qui ont
permis un niveau élevé de décentralisation (une autonomie qui est beaucoup plus
importante que celle
observée dans plusieurs États fonctionnant officiellement en tant que « fédération »).
Cette autonomie est aujourd’hui acceptée par la majorité.