Un certain nombre de questions
importantes surgissent par rapport au processus de préparation, de diffusion et
d’approbation d’une initiative citoyenne. Cependant, l’importance de chacune de
ces questions varie en fonction du contexte constitutionnel et politique.
Amorcer un processus
Afin de pouvoir amorcer une initiative, les partisans de la proposition
doivent recueillir un nombre précis de signatures auprès de gens qui appuient
celle-ci et les remettre au bureau du gouvernement qui s’occupe de ces
questions. De manière générale, les partisans proposent une formulation devant
apparaître sur le bulletin et qui doit être soumise à l’approbation de l’organisme
de gestion électorale ou de la plus haute instance juridique au sein de l’administration
compétente, par exemple le procureur général.
Titre sur le bulletin
Une fois qu’une proposition a été soumise, la première grande question a
trait à la formulation du titre devant apparaître sur le bulletin et qui doit
faire l’objet d’une pétition à faire circuler. En général, le titre consiste en
un très court texte visant à présenter la proposition. Habituellement, celle-ci
aura été rédigée par l’individu ou le groupe la proposant ou par une équipe
juridique qu’il aura embauchée, alors que le titre sur le bulletin sera
normalement rédigé par l’instance responsable de coordonner l’administration du
processus d’initiative. L’accord sur le titre peut s’avérer un long processus :
les administrateurs visent à s’assurer que le titre reflète clairement et
exactement la proposition soumise, alors que les partisans cherchent à proposer
un titre qui maximise les chances d’adoption. Les campagnes d’initiative bien
financées peuvent soumettre diverses versions de la même proposition, puis
procéder à des sondages d’opinion pour évaluer la popularité de chacune, afin que
la proposition qui sera éventuellement soumise soit celle qui a le plus de
chances d’être adoptée.
Cueillette des signatures et vérification
Une fois qu’une initiative a été
soumise et le titre convenu, ses partisans doivent amorcer le processus visant
à recueillir le nombre de signatures requis pour obtenir que l’initiative soit
soumise au vote. Souvent, les signatures et l’information relative à l’identification
de l’électeur, tel son numéro matricule ou son adresse, seront inscrites sur un formulaire officiel, qui
comprend aussi le texte intégral ou un résumé de la proposition, et fourni par
l’organisme de gestion électorale.
Le nombre de signatures requis peut consister en un pourcentage de l’électorat
ou en un nombre fixe de signatures des électeurs inscrits; ces seuils peuvent
varier et aller d’environ 1 % ou 2 % jusqu’à 10 % ou même 20 %
de l’électorat. En outre, une certaine répartition géographique des signatures,
représentant un nombre d’électeurs ou un pourcentage de ceux-ci dans la plupart
ou la totalité des subdivisions géographiques pertinentes, peut être requise
pour établir un soutien que l’on jugera admissible. Le ministère responsable de
l’administration de la démocratie directe voit à la vérification des signatures,
généralement au moyen d’un échantillonnage aléatoire. On donne parfois aux
adversaires l’occasion d’examiner les pétitions et de faire objection à
certaines signatures ou à l’ensemble de la présentation du fait qu’elle ne satisfait
pas aux exigences juridiques. Habituellement, un certain pourcentage des
signatures recueillies peut s’avérer non valable. C’est pourquoi les partisans
cherchent à recueillir un nombre de signatures plus élevé que le seuil requis. S’ils
y parviennent, on soumettra l’initiative au vote (habituellement lors de la
prochaine élection à se tenir au sein de la compétence pertinente).
Faire campagne et la diffusion de l’information
Pendant l’étape où circule la pétition, et particulièrement une fois que l’initiative
devient admissible au vote, ses partisans et ses adversaires se mettront à
faire campagne en faveur de la proposition ou contre celle-ci. Comme pour un référendum,
en certains endroits, des règles encadrent la campagne; une limite peut être
imposée pour les contributions ou les dépenses. Dans d’autres cas cependant, il
peut s’avérer difficile d’appliquer des contrôles en raison de la Constitution. Ainsi, dans plusieurs
États américains, les cours ont statué que le fait de limiter les dépenses
était inconstitutionnel parce que les dépenses pour faire campagne sont
assimilées à la liberté d’expression, laquelle ne peut faire l’objet d’aucune
restriction. Ceci est devenu une question controversée aux Etats-Unis, car le
rôle de l’argent et l’industrie de l’initiative (voir ci-dessous) sont une
source d’inquiétude.
En plus des campagnes menées par les
organisations favorables et opposées à l’initiative, il arrive souvent que l’administration
responsable de surveiller le processus d’initiative publie une brochure d’information
visant à renseigner les électeurs sur la proposition. Généralement, on y
retrouve une déclaration des partisans et des opposants ainsi qu’une analyse indépendante de la proposition
produite par le gouvernement. La brochure peut comprendre aussi des
déclarations d’autres individus et organisations soutenant la proposition ou s’y
opposant.
Nombre d’initiatives sur le bulletin
Puisqu’il n’y a normalement aucune limite
sur le nombre d’initiatives que l’on peut inscrire sur un bulletin, plusieurs
initiatives peuvent s’y retrouver au même moment. Habituellement, le nombre d’initiatives
sur un bulletin est lié au nombre d’initiatives qui ont réussi à se qualifier
pour être soumises au vote au cours d’une période donnée avant l’élection (de
façon expresse, certains partisans des initiatives feront circuler une pétition selon un calendrier donné afin
de s’assurer que l’initiative apparaît sur le bulletin lors d’une élection
plutôt qu’une autre). Dans l’État de l’Oregon, aux États-Unis, 26 initiatives différentes
étaient inscrites sur le bulletin lors des élections présidentielles de 2000.
L’« industrie de l’initiative »
Dans un certain nombre d’États
américains en particulier, des inquiétudes se sont fait entendre au sujet de la
professionnalisation croissante de l’utilisation des initiatives citoyennes et du
fait que cette « industrie de l’initiative », et non pas les citoyens,
détermine les propositions qui feront leur chemin jusqu’au vote. En effet, les
firmes professionnelles peuvent apporter leur soutien pour à peu près tous les
aspects du processus d’initiative dont : la rédaction initiale de l’initiative;
les sondages d’opinion et la recherche au moyen de groupes témoins; les négociations
entourant le titre devant apparaître sur le bulletin; s’assurer d’aller
chercher des appuis dont on pourra se servir lors de la campagne; la diffusion
de la pétition; la capacité de proposer des contre-initiatives; mener une
campagne en faveur de l’initiative une fois que celle-ci devient admissible au
vote. Pour certains analystes, l’une des préoccupations concerne la pratique consistant
à payer des gens afin de faire circuler l’initiative et de recueillir des
signatures dans un effort pour que la proposition puisse être mise aux voix. Cela
découle peut-être du fait que la pratique de recourir à des entreprises à but lucratif pour recueillir
des signatures semble contraire au concept des initiatives émanant des citoyens
et appuyées par des citoyens qui croient en celles-ci. Dans certains
pays, on reconnaît à toutes fins utiles que sans l’appui des professionnels qui
recueillent des signatures, il serait pratiquement illusoire de penser qu’une
initiative puisse être soumise au vote, signifiant que seules les campagnes bien
financées sont en mesure d’y parvenir. Certains États américains ont tenté de
légiférer contre cette situation en interdisant la pratique de payer des gens
pour recueillir des signatures ou en exigeant des firmes professionnelles qu’elles
paient les gens selon un taux horaire plutôt que par signature recueillie. Cependant,
dans certains États, on a jugé que cela était anticonstitutionnel. D’autres
éléments de controverse ont trait au fait de savoir si les gens payés pour
recueillir des signatures doivent être des électeurs inscrits dans la compétence où circulent les pétitions.
Contre-initiatives
Dans certains endroits où l’on
propose fréquemment des initiatives citoyennes, la tendance de ses opposants
est de proposer une contre-initiative comme moyen de s’opposer à l’initiative
originale. Cette tactique peut réussir dans la mesure où l’existence de deux
initiatives liées mais opposées accroît l’incertitude et la confusion de l’électeur,
augmentant du coup la probabilité qu’il s’oppose carrément aux deux. L’utilisation
de cette tactique peut s’avérer efficace pour les adversaires d’initiatives particulières,
mais elle augmente également le nombre d’initiatives en circulation et peut se
retrouver sur le bulletin.
Rôle de l’assemblée législative, des représentants du gouvernement et des cours
Le rôle de l’assemblée législative,
des représentants du gouvernement et des cours par rapport aux initiatives
citoyennes tend à être bien circonscrit et plutôt limité. Comme il a été décrit
précédemment, l’assemblée législative a un rôle à jouer en ce qui concerne les
initiatives indirectes dans la mesure où elle peut avoir la possibilité d’amender des initiatives ou de
proposer les siennes. Cependant, dans les cas où la conception du processus d’initiative
ne prévoit pas la participation de l’assemblée législative, les seules révisions autorisées
par l’État en rapport avec les initiatives ont trait à leur conformité eu égard
aux exigences administratives imposées, par exemple : y a-t-il assez de
partisans? a-t-on recueilli assez de signatures valables? Une autre
tâche administrative porte sur la rédaction et l’obtention d’une entente sur le
résumé et le titre. Dans certains cas, où l’on retrouve des contrôles stricts
sur la portée des initiatives, les administrateurs peuvent également avoir la
responsabilité de vérifier que l’initiative ne traite que d’une question ou de
questions étroitement liées. Dans les systèmes où il faut présenter les
initiatives en plus d’une langue, les administrateurs peuvent avoir la
responsabilité de confirmer si la traduction de l’initiative correspond dans
toutes les langues pertinentes. Mais au-delà de ces tâches administratives
définies sur le plan juridique, il n’y a souvent aucun rôle pour les représentants
gouvernementaux ou les cours pour passer en revue la constitutionnalité des propositions, à savoir
qu’elles sont conformes et n’entrent pas en contradiction avec la Constitution
d’un pays.

