Les formateurs électoraux optent souvent pour les formes de communication les plus évidentes : la radio, la télévision, les journaux et autre matériel imprimé. Mais même dans les pays où l’on peut facilement accéder à ceux-ci, il existe parfois d’autres moyens plus efficaces de communication de masse.
Les formateurs devraient songer aux médias qui rejoignent directement les gens en raison des éléments suivants :
- la formation électorale exige des méthodes rapides, fiables, légitimes et peu coûteuses;
- en matière de formation électorale, les gens doivent pouvoir recevoir les messages dans leur propre langue et avec leur propres expressions;
- les formateurs électoraux n’ont souvent qu’une occasion d’atteindre leur but.
Certains des moyens décrits ici, qui ont été mis à l’essai à l’occasion de diverses campagnes d’information du public, ont toutefois moins retenu l’attention des programmes de formation électorale. D’autres moyens qui sont mentionnés demandent encore à être vérifiés. Mais dans l’ensemble, comme ils sont passablement moins coûteux et offrent une plus grande souplesse, ils pourraient valoir la peine d’être utilisés comme complément à des campagnes plus formelles d’information du public.
Cette section aborde les moyens de communication suivants :
- les espaces publicitaires extérieurs;
- les graffitis;
- les enregistrements;
- les tableaux noirs.
Les espaces publicitaires extérieurs
Il existe une variété d’espaces publicitaires extérieurs pour publiciser et communiquer des messages courts et mémorables. Les grands panneaux d’affichage adjacents aux autoroutes nationales ou aux voies ferrées, qui sont utilisés en publicité commerciale, se remplissent généralement d’annonces des partis politiques lors des campagnes électorales. On pourrait probablement songer aux espaces publicitaires le long des rues commerçantes et piétonnes ainsi qu’aux arrêts de bus, de tramway et de stations de métro; certain de ces espaces pourraient être dans des caissons de verre et être éclairés la nuit.
Mais on pourrait penser également à d’autres endroits, plus petits et plus variés – et à cet égard, l’imagination d’une personne sera la seule limite. En Inde, les routes nationales sont bordées par des fermes où les murs des granges et des maisons sont tapissés de publicités commerciales. Il y a d’autres exemples : les stades sportifs, le côté des bus et des trains, et presque tout autre endroit où les gens se rassemblent ou qui pourrait attirer une caméra de télévision.
Mais une des façons les plus populaires d’utiliser l’espace extérieur réside dans la production d’autocollants que l’on appose sur les véhicules et les murs. On trouvera plus de détails dans Les autocollants. Si l’on cible ces endroits à des fins commerciales, la meilleure façon d’y avoir accès sera probablement en ayant recours aux services d’une agence de publicité; quant au coût, il sera tributaire de l’espace et de son importance.
Les graffitis
Lors des campagnes électorales, les partis politiques ont recours aux panneaux d’affichage et aux enseignes peintes. Compte tenu de la popularité des graffitis parmi les jeunes, on pourrait s’inspirer des conceptions des graffiteurs et de leurs tactiques de guérilla pour diffuser des messages de motivation à grande échelle et à faible coût. Dans plusieurs villes sud-africaines, les instances locales on érigé des murs de graffiti et encouragent activement les gens à y peindre des messages à caractère social. L'utilisation courante des graffitis pendant les révolutions politiques aux pays de l'Afrique du Nord (notamment en Egypte, où les murs et les ponts autour de la place Tahrir portent des messages politiques et les images des martyrs de la révolution), a mis au premier plan l'importance de cette méthode de communication alternative.
Quelles sont quelques-unes des caractéristiques des graffitis?
Les messages apparaissent sur les murs le long des routes qu’empruntent quotidiennement les usagers du transport.
On retrouve souvent les graffitis dans des lieux relativement inaccessibles où, néanmoins, les gens peuvent les voir. Toute personne cherchant des sites devrait parcourir les routes qu’empruntent les usagers du transport, surtout les jeunes et les pauvres. De plus, en choisissant leurs sites, les graffiteurs cherchent à créer un élément de surprise ou démontrer une attitude de bravade, et ce, afin de renforcer le message. Ainsi, les gens se demanderont : « comment ont-ils pu écrire cela ici? ».
Les messages sont éphémères.
Si les graffiteurs s’attendent à ce que leur travail disparaisse rapidement ou ne reste pas intact très longtemps, les citadins savent que plusieurs de ces créations peuvent demeurer un bon moment. Par ailleurs, les graffitis sont attrayants car, au fil du temps, on peut faire des ajouts au message original.
Les mêmes règles s’appliquent à toute campagne extérieure : si on n’y touche jamais, le matériel finira par faire partie du décor et son impact sera diminué.
Le graffiteur adopte un style urbain.
Les messages sont crus, les couleurs hardies, la langue est celle de ses pairs et les symboles sont significatifs pour les membres du groupe.
Les graffitis peuvent être utilisés de deux façons : comme un simple truc qui décore un mur et qui intéresse seulement ceux qui l’ont mis là, ou comme un vrai message destiné à un public cible. Dans ce dernier cas, pour y parvenir, les formateurs électoraux auront intérêt à contacter des graffiteurs et même songer à les utiliser pour la production. Cela pourrait même comporter un autre bénéfice : créer un autre groupe de personnes disposant de renseignements sur la formation électorale.
Le problème, qui s’applique à toutes les méthodes alternatives, est que le formateur électoral devra négocier une façon de s’assurer que les messages se concrétisent dans le respect des cadres réglementaires et légaux. Par exemple, il pourrait y avoir des restrictions sur la « dégradation » de la propriété publique, et si une infraction était commise, cela pourrait entraîner des amendes importantes. Dans certaines sociétés, cet aspect pourra s’avérer particulièrement difficile à surmonter.
Les enregistrements
À une époque, la liberté de la presse voulait dire que tout le monde pouvait posséder une presse à imprimer. Mais pour de nombreux pays aux prises avec des luttes de libération, d’autres outils sont plus importants. Parmi ceux-ci, on compte les magnétoscopes, les magnétophones et les télécopieurs.
Les cassettes vidéo et audio peuvent être produites à un coût relativement peu élevé. Dans le cas des cassettes audio, même une production studio de qualité n’est pas onéreuse; et le coût de la reproduction est limité au coût de la cassette elle-même. Dans le cas d’une vidéo, la production professionnelle est coûteuse, mais la reproduction ne l’est pas.
Une fois la production copiée, une cassette peut servir dans divers contextes. Par exemple, on pourrait la mettre à la disposition de gens de la classe moyenne qui utilisent quotidiennement le transport, de personnes qui empruntent des taxis communaux ou encore celles qui se rassemblent à l’extérieur des cliniques – de fait, on peut penser à tous ces gens qui attendent, assis, et qui sont disposés à être divertis pendant 10 à 20 minutes.
De même, la cassette audio peut servir comme outil de formation auprès des formateurs non formés. En utilisant une enregistreuse à manivelles, on peut ainsi transmettre le message dans des milieux qui n’ont pas accès à l’électricité.
La vidéo peut aussi être utilisée comme un outil d’enseignement, mais ses exigences techniques sont plus grandes. Il est arrivé que des équipes itinérantes puissent apporter l’équipement nécessaire et s’installer dans des localités rurales et des établissements informels afin de faire une présentation aux électeurs locaux. Mais ceci est très coûteux et exige énormément de soutien logistique.
Un réseau de distribution plus rapide et moins coûteux pourrait comprendre les écoles, les salles communautaires, les entreprises ayant des salles de formation, et même les églises et les maisons privées. La projection d’une vidéo pourrait requérir également la présence d’un narrateur pour expliquer les concepts visuels présentés à l’écran – une présence qui pourrait s’avérer aussi un excellent élément de renforcement en vue de favoriser un changement d’attitude.
Certaines expériences ont été tentées avec la vidéo face-à-face, à la manière dont l’audio est utilisé dans les bus qui transportent les gens soir et matin. Mais il faut alors s’interroger sur ce que l’on veut dire et ce que l’on veut montrer. Jusqu’ici – et les données disponibles sont limitées – ce qui semble fonctionner le mieux est la création d’une émission normale de télévision ou de radio, semblable au divertissement en vol offert par les compagnies aériennes internationales. Des nouvelles, de la musique et du divertissement, quelques chroniques locales, le tout entremêlé de messages sur la formation électorale – voilà ce qui pourrait fonctionner. Ceci dit, il ne faut pas oublier que les gens dans un bus ne peuvent pas se concentrer très longtemps et ils sont dérangés souvent, à la différence d’un milieu plus contrôlé comme un théâtre ou un atelier.
La vidéo et l’audio sont les méthodes les plus fréquemment utilisées, mais il y a des indices que les enregistrements ou les disques compacts pourraient jouer un rôle. Les deux favorisent une reproduction à coût peu élevé si l’on a accès à la production – qui elle est coûteuse – et si, une fois de plus, les électeurs et les autres institutions disposent des équipements nécessaires à la diffusion des messages. Pour plus de détails, voir Le matériel numérique et enregistré.
Les tableaux noirs et les tableaux d’affichages
Dans les années 1980, à l’extérieur des quartiers au Mozambique, on retrouvait des tableaux noirs couverts de peinture. La peinture est moins chère et peut aller sur tout mur qui est lisse. De même, des nouvelles et des annonces locales étaient écrites sur ces tableaux, cette fois avec de la craie, qui elle aussi, n’est pas dispendieuse.
Aux Philippines, l’église a utilisé un mécanisme de communication semblable. Ici, on a eu recours aux vendeurs de journaux – des enfants qui pouvaient lire les messages sur les tableaux et les communiquer directement aux gens dans les quartiers.
Au moment d’une élection, plusieurs institutions peuvent fournir des tableaux d’affichage pour communiquer des nouvelles. Tout ce qu’il faut est un système régulier destiné à assurer la conception et l’affichage des messages.
L’imagination appliquée à la distribution
L’hypothèse qui sous-tend toutes ces méthodes alternatives est que les formateurs électoraux doivent être créatifs dans la production et la distribution des messages ainsi que dans la façon de les présenter. Lorsque ceux-ci deviennent populaires et qu’ils s’étendent à la grandeur du territoire, d’autres éléments pourront entrer en jeu. Soudainement, un chauffeur de taxi pourrait se passionner pour une cassette et inciter ses collègues à l’écouter. Une famille reconnue pour son hospitalité disposerait de documents pouvant aller dans le magnétoscope et qu’elle pourrait montrer à ses invités. Une église locale pourrait devenir un agent de formation électorale. L’école locale pourrait installer un tableau à l’extérieur et le placer à un endroit où les parents pourraient le voir, et voudraient le voir, car il comporterait de l’information sur l’évolution scolaire de leurs enfants. Un groupe de jeunes pourrait découvrir qu’eux aussi peuvent voter.
Ceci dit, il faut souligner certains inconvénients. Pour avoir du succès avec ces méthodes, les formateurs électoraux devront avoir des liens avec les réseaux communautaires; aussi, ils devront faire des plans avec des personnes qui ne seront peut-être pas habitués à faire ce genre de chose, du moins pas autant que pourrait l’être une agence de publicité ou la direction d’une station de radio. Mais si cela fonctionne, les retombées pourraient être énormes, et l’utilisation de ces autres médias contribuera à accroître le sentiment de responsabilité envers l’élection et la formation électorale.