Les discussions sur le droit d’auteur sont importantes pour s’assurer qu’on reconnaît le travail des gens et que la propriété soit clairement établie, en partie pour la reconnaissance et en partie pour assurer la responsabilité. Dans cette section, l’information s’avère passablement technique, mais il vaut la peine de se rappeler les valeurs qui sous-tendent la formation électorale et leur incidence pour le droit d’auteur. Si l’une des objectifs principaux de l’éducation à la citoyenneté et de la formation électorale est de travailler à l’édification de la démocratie au moyen de valeurs citoyennes et de la responsabilité des citoyens, il est raisonnable de s’attendre, lorsqu’il s’agit du matériel des uns et des autres, à ce que les organisations et les organismes gouvernementaux qui œuvrent dans le domaine fassent la promotion d’échanges ouverts et honnêtes et qu’ils respectent le droit d’auteur.
Dans cette section, on aborde les éléments qui suivent :
- qu’est-ce que le droit d’auteur?
- comment les questions de droit d’auteur affectent-elles la formation électorale?
- quels sont les cadres légaux entourant le droit d’auteur?
- comment obtient-on la permission d’utiliser des documents protégés par le droit d’auteur?
Qu’est-ce que le droit d’auteur?
La liberté d’expression est l’une des pierres angulaires de la démocratie. En général, ce droit de la personne qui est fondamental sous-entend accorder la liberté de parole aux citoyens et, en particulier, aux médias. De même, on doit se rappeler qu’il signifie la liberté de création des écrivains, des musiciens, des peintres et autres – des gens qui visent à exprimer des idées originales par le biais de la recherche ou de l’art.
Un autre droit de la personne qui est fondamental est celui de posséder une propriété, le sens de propriété ici ne se limitant pas à la propriété physique. Une personne n’a pas le droit de voler quelque chose qui appartient à une autre personne, un concept qui peut s’appliquer autant à l’expression originale des idées qu’à la propriété physique. Lorsque l’on parle du produit des efforts intellectuels d’une personne, on fait ainsi référence à la propriété intellectuelle : ce produit des idées appartient à cette personne tout autant qu’un bien physique.
Le droit d’auteur, que l’on ne considère pas habituellement comme un des droits fondamentaux de la personne, peut être vu comme un prolongement des deux droits fondamentaux mentionnés précédemment. En vertu des lois sur le droit d’auteur, une personne ne peut copier ou s’approprier la propriété intellectuelle d’une autre personne. Les lois sur le droit d’auteur protègent la personne qui fait un travail de création, à condition de satisfaire à deux exigences fondamentales. D’abord, ce travail doit prendre une forme concrète : par exemple, des écrits, un enregistrement sonore, une peinture ou une sculpture. Le droit d’auteur ne s’applique pas aux idées, mais à leur expression concrète. Deuxièmement, l’auteur d’un travail pourra revendiquer un droit d’auteur seulement s’il est original. Ceci ne signifie pas qu’il doive être très innovateur ou présenter des idées qui n’ont jamais été mentionnées antérieurement; cela veut dire simplement que le travail n’a pas été copié et qu’il s’agit du produit des efforts de son auteur.
Comment les questions de droit d’auteur affectent-elles la formation électorale?
Les documents de formation électorale sont produits dans un but très précis et, souvent, dans des conditions où la pression est grande. De manière générale, deux types d’organismes participent à leur production :
- les organisations non gouvernementales (ONG) qui sont engagées dans la promotion de la démocratie et de la formation politique des citoyens;
- les organismes électoraux du secteur public, lesquels produisent ces documents si leur mandat prévoit bel et bien la mise en œuvre de campagnes sur la formation électorale.
Dans les deux cas, la mise au point de documents de formation électorale découle d’un désir d’assurer la réussite du processus électoral. Énormément de gens ont besoin de s’informer et de comprendre les processus électoraux au moment d’une élection; en conséquence, les organismes œuvrant à la formation électorale cherchent constamment à ce que les documents soient distribués auprès du plus grand nombre. Compte tenu du fait qu’il faut combiner ces impératifs avec le fait que la formation électorale doit se dérouler sous d’énormes contraintes de temps et d’argent, la tentation sera alors grande d’utiliser les ressources existantes plutôt que de toujours concevoir de nouveaux documents.
De façon remarquable, les ONG, surtout celles qui se définissent comme des organisations d’intérêt public, n’ont pas tendance à être possessives des documents qu’elles produisent. Leur souci principal est que le matériel soit utilisé; si cela veut dire que les utilisateurs finissent par le photocopier en grande quantité, plus souvent qu’autrement elles s’en réjouiront plutôt que de s’en désoler. Dans certains cas même, on encourage vivement les gens à faire des copies, comme en témoigne cet avis sur la page couverture d’un manuel du formateur en éducation à la citoyenneté : « Les formateurs peuvent reproduire ce matériel gratuitement, aux fins d’utilisation dans les ateliers, avec mention de la source. »
Certes, il est facile de comprendre les bonnes intentions qui sous-tendent ce type d’avis. Mais cette façon d’utiliser le matériel original comporte des désavantages.
De même, les ONG ne sont pas seulement disposées à permettre que leurs documents soient photocopiés librement aux fins d’une diffusion de l’information à grande échelle, elles ont tendance à faire preuve d’insouciance quand vient le temps d’indiquer qu’il s’agit des leurs. Plusieurs éléments des outils de formation électorale ont un caractère éphémère : les pamphlets, les affiches, les publications grand format et les bandes dessinées. Ces outils sont produits rapidement et plusieurs personnes contribuent à la production; en conséquence, souvent ils sont distribués sans les coordonnées des personnes-ressources de l’organisation qui l’a réalisé, et encore moins le nom des auteurs et des illustrateurs y ayant contribué.
Il est important de se rappeler que tout travail original, même dans le domaine de la formation électorale, est protégé par les lois sur le droit d’auteur. Et, après tout, ce n’est pas une mauvaise chose. Imaginons un scénario où une ONG dans un pays qui se prépare pour des élections produise une brochure d’information pour les électeurs. Elle reproduit elle-même la brochure en très grande quantité (tout simplement en photocopiant le contenu et en reliant le tout au moyen d’une agrafe) qu’elle distribue ensuite dans la région du pays où elle est établie. À l’approche des élections, la commission électorale de ce pays, ayant vu un exemplaire de cette brochure, décide de la reproduire et de la distribuer à l’échelle nationale. Le nom de l’ONG qui avait produit cette brochure ne figurant nulle part, la commission électorale suppose que l’organisation tient à la réussite du processus électoral et soutiendrait la distribution de la brochure à grande échelle. Des fonds pourraient alors être accordés pour financer ce projet et la brochure serait imprimée et distribuée avec, en page couverture, le logo de la commission électorale et les coordonnées d’une personne-ressource.
Les gens qui respectent le droit d’auteur vont réagir à ce scénario et sonner l’alarme. Ce n’est qu’un exemple de la façon dont un organisme peut s’approprier les documents de formation électorale produits par un autre organisme. Cette situation se produit aussi lorsque les médias de masse, en particulier les journaux, publient des documents d’information électorale dont ils supposent qu’il appartient au domaine public. Et on pourrait donner aussi des exemples d’ONG ayant copié les travaux d’autres ONG, sans mentionner la source comme il se doit.
Ce problème ne se limite pas à l’intérieur du pays où doivent se tenir des élections. Les organismes œuvrant à la formation électorale ont de plus en plus de facilité à accéder aux documents qui se trouvent à l’extérieur de leurs frontières car plusieurs organismes internationaux cherchent à favoriser cette formation un peu partout dans le monde. Mais quand on copie du matériel d’une source étrangère, les mêmes règles devraient s’appliquer au chapitre du droit d’auteur.
Au bout du compte, il ne vaut tout simplement pas la peine de faire l’innocent au sujet de cette question. Ça ne coûte rien de reconnaître le travail original des rédacteurs et des illustrateurs qui créent des documents de formation électorale, et de respecter les procédures découlant des lois sur le droit d’auteur. On ne doit pas oublier que la création de documents demande passablement d’argent. Dans le cas des ONG, cet argent provient souvent des donateurs. Si d’autres reproduisent leur matériel sans la moindre reconnaissance du temps, des compétences et de l’argent investis dans le processus de création, ceci constitue une injustice pour toutes les parties en cause.
Lorsque cela est possible, on devrait chercher à s’entendre sur un montant d’argent à verser afin de pouvoir reproduire les documents. Aux États-Unis, le droit à une compensation financière pour utiliser le produit des efforts intellectuels d’une personne est à la base même de la loi sur le droit d’auteur. Or, partout dans le monde, le secteur des ONG fait face à des problèmes financiers. Si l’on paie pour le droit de reproduire les outils de formation électorale, cela pourra contribuer, ne serait-ce que minimalement, à la viabilité des ONG qui les auront créés.
Lorsqu’il n’est pas possible de payer pour la reproduction de ces outils, ou si les organismes de formation électorale décident de renoncer à ces frais, il sera important à tout le moins d’utiliser les canaux appropriés afin de demander la permission d’utiliser le matériel et d’en reconnaître formellement la source. Les aptitudes créatives des gens œuvrant dans les ONG ne sont pas suffisamment appréciées, et ces derniers peuvent avoir tendance à vouloir s’effacer – tout autant que leurs organisations – en raison de leur engagement à voir aux intérêts de la société. De même, il est bien connu que les ONG ont la capacité d’être sensibles aux besoins de la collectivité, de faire l’essai de méthodes novatrices et d’avoir un pas d’avance sur les établissements d’enseignement qui sont plus grands, moins flexibles, particulièrement ceux du secteur public, et dont la nature même les empêchent d’évoluer aussi rapidement.
Les ONG et leur personnel méritent une meilleure reconnaissance pour le travail qu’ils réalisent dans le domaine de la formation électorale, et respecter leurs droits d’auteur est un bon point de départ.
Quels sont les cadres légaux entourant le droit d’auteur?
Il existe deux conventions internationales sur le droit d’auteur, et la plupart des pays ont signé au moins une des deux conventions. La Convention de Berne stipule qu’un travail n’a pas besoin d’un enregistrement officiel pour bénéficier de la protection du droit d’auteur. On présume que le droit d’auteur est inhérent et s’applique automatiquement, que le travail comporte ou non une mention officielle sur le droit d’auteur. Cette convention établit le principe voulant que le droit d’auteur sur un travail particulier doive être respecté tout au long de la vie de l’auteur et durant un certain nombre d’années après sa mort (dans la plupart des pays, il s’agit de 50 ans). Lorsque le droit d’auteur sur un travail vient à échéance, il appartient dès lors au domaine public.
La Convention universelle sur le droit d'auteur ne précise pas la durée du droit d’auteur. Sa disposition la plus importante est la suivante : dans les pays où les auteurs doivent enregistrer leurs travaux aux fins du droit d’auteur (à noter que cela ne constitue pas une exigence de la Convention universelle), on peut se conformer à ces formalités en plaçant tout simplement un avis de droit d’auteur dans le travail, avec le nom du détenteur du droit d’auteur et la date de la première publication. La procédure d’enregistrement est aussi simple que ça : il ne s’agit pas de soumettre une demande en bonne et due forme aux organismes officiels, de remplir de longs formulaires ou d’attendre dans des files interminables. Ceci dit, il se pourrait que les auteurs de travaux publiés (par opposition aux travaux d’art uniques) aient à déposer un exemplaire (ou des exemplaires) de leurs travaux auprès d’un organisme officiel, tel que la bibliothèque nationale de leur pays.
Ces conventions internationales n’éliminent pas le besoin des pays signataires de disposer de leurs propres lois sur le droit d’auteur. À cet effet, les conventions donnent des orientations pour la rédaction et l’application de ces lois. De manière importante, en vertu de leur adhésion aux conventions internationales, les pays verront à protéger le droit d’auteur des écrivains et des artistes étrangers tout autant que celui de leurs propres citoyens.
Comme toutes les lois, celles sur le droit d’auteur peuvent être fort complexes, et il serait impossible ici de couvrir chaque aspect de la question. De même, il est difficile de faire des extrapolations qui s’appliquent à tous les pays. Cependant, de manière générale, le droit d’auteur appartient à l’auteur d’un travail, soit le créateur de l’expression concrète d’une idée. Cette personne peut être ou ne pas être celle qui était à l’origine de l’idée. Si l’auteur travaille pour une organisation (par exemple une ONG) et qu’il crée quelque chose dans le cadre de son emploi, alors le droit d’auteur appartient à l’employeur. Il en est de même pour un produit créé dans le cadre d’un emploi gouvernemental.
Dans le cas d’un travail ayant fait l’objet d’une commande, le droit d’auteur appartient à son auteur, à moins que celui-ci ne consente formellement à y renoncer. Par exemple, si une organisation crée un manuel de formation électorale et commande des illustrations, alors le droit d’auteur sur les illustrations appartient à l’artiste, à moins qu’il ait consenti formellement à céder ce droit à l’organisation. Tout cela repose sur le type de contrat qui aura été conclu pour la commande. Ainsi, un contrat avec un illustrateur pourrait préciser que l’organisation commandant le travail a le droit de réutiliser les illustrations un certain nombre de fois ou pour certaines raisons.
Les questions sur la propriété du droit d’auteur deviennent plus complexes dans le cas de travaux collectifs. Souvent dans les ONG, les documents de formation électorale sont le fruit du travail de plusieurs auteurs; si on peut distinguer la contribution d’un auteur par rapport à un autre, alors tous les auteurs seront conjointement titulaires du droit d’auteur. Si les auteurs sont à l’emploi d’une organisation, alors la plupart du temps celle-ci détiendra le droit d’auteur. Si le travail se compose de contributions distinctes où l’on peut identifier chaque auteur (par exemple les différents chapitres d’un livre), alors les auteurs détiennent les droits pour leur contribution personnelle et l’éditeur détient les droits sur l’ensemble du travail (connu sous l’appellation des droits de compilation).
Enfin, comme pour un bien physique, le droit d’auteur peut changer de propriétaire. Toutefois, il ne peut pas simplement être cédé. Pour qu’il change de mains, il faut que le droit d’auteur soit attribué en bonne et due forme. Dans de tels cas, les auteurs ou les illustrateurs parviennent à un accord avec les éditeurs, les organismes qui passent des commandes ou toute autre partie afin de leur céder tous les droits d’auteur sur un travail particulier. Qui plus est, l’attribution du droit d’auteur pour un travail donné vise à garantir que ce droit ne soit pas accordé à une autre partie.
Comment obtient-on la permission d’utiliser des documents protégés par le droit d’auteur?
À l’évidence, le droit d’auteur vise à protéger les intérêts des gens produisant un travail original; mais les lois en la matière sont sensibles aussi aux intérêts de l’ensemble de la société. Par exemple, en général les lois sur le droit d’auteur permettent aux écrivains de citer d’autres travaux, pourvu qu’il y ait mention de la source et que la citation ne soit pas trop longue. Dans les établissements d’enseignement, on peut faire des photocopies pour les besoins des élèves, tout en respectant certaines limites. À noter que si l’on permet seulement un certain nombre de copies, les limites exactes peuvent être difficiles à définir.
En vertu des lois sur le droit d’auteur, les gens doivent appliquer le principe de l’« usage honnête » ou du « traitement honnête » pour déterminer si quelque chose peut être copié sans devoir obtenir, en bonne et due forme, la permission de l’auteur. Il est à peu près impossible de définir ceci sur un plan quantitatif ou qualitatif. Dans le cas des documents vendus dans les commerces, les copies ne devraient pas mettre en danger les ventes, un élément dont il faudra évidemment tenir compte.
Par égard pour les auteurs d’un travail original, et sachant qu’on ne respecte pas suffisamment le travail des ONG, on recommande qu’une permission en bonne et due forme soit obtenue pour copier un travail si la copie ne vise pas exclusivement un usage personnel. On devrait en faire la demande par écrit et préciser l’usage que l’on compte faire des documents à être copiés.
Avec les travaux publiés par des maisons d’édition reconnues, il arrive souvent que les auteurs détiennent les droits d’auteur alors que les éditeurs ont les droits de citation. Une fois de plus, le type de contrat qui lie l’éditeur et l’auteur est de première importance. Les contrats peuvent préciser des choses telles que les droits territoriaux (la portée territoriale du droit d’auteur), les droits de traduction et d’autres restrictions. En général, ceci découle des intérêts financiers de l’auteur et de l’éditeur. En conséquence, la permission de copier est souvent accordée moyennant un coût.
Dans le domaine de la formation électorale, il est rare que les gens soient motivés par le désire de faire des profits, ce qui ne veut pas dire que les organisations participantes ne doivent pas couvrir leurs frais, au contraire. Si une organisation demande à une autre la permission de copier des documents de formation électorale et explique clairement le contexte dans lequel ceux-ci seront utilisés, il est raisonnable de croire qu’une telle permission lui sera accordée gratuitement ou à un coût très peu élevé. Une fois qu’on aura obtenu la permission de reproduire le matériel, il sera important d’être minutieux et de mentionner la source. En guise de courtoisie, il est recommandé aussi qu’un exemplaire des nouveaux documents soit transmis à l’organisation ayant accepté que son travail soit reproduit.
Si on fait une approche auprès d’une organisation pour qu’elle accorde la permission de reproduire les documents de formation électorale qu’elle a produit, cette dernière devra chercher à obtenir autant de renseignements que possible sur l’utilisation que l’on entend faire dut matériel : l’auditoire cible, le nombre d’exemplaires prévu, la zone de distribution et le prix anticipé (si les documents doivent être mis en vente). Ces détails faciliteront la décision quant à savoir s’il est nécessaire ou équitable d’imposer des frais. En ce qui concerne ceux-ci, il n’existe pas de règle absolue et en général, on évaluera les demandes au cas par cas. Lorsqu’on accorde la permission, une lettre devrait être écrite stipulant les modalités particulières pouvant s’appliquer. De même, on pourrait exiger de recevoir un exemplaire des nouveaux documents.
Enfin, la question se pose à propos de ce qui devrait être fait s’il y a violation du droit d’auteur. Évidemment, et c’est compréhensible, la partie lésée se sentira outrée par une telle situation; ceci dit, malheureusement il y a peu à gagner à faire traduire l’affaire en cours. De fait, il est rare que ces cas se rendent jusque là, à moins qu’il y ait d’importantes sommes d’argent en cause. Si une organisation découvre que ses documents de formation électorale ont été reproduits sans permission, elle pourrait demander des excuses officielles et, si nécessaire, imposer des frais de manière rétroactive.