Il existe diverses façons de créer un programme national d’éducation civique. Ils sont conçus dans le respect de la philosophie de l’éducation et de la terminologie qui prévaut dans les différents systèmes d’éducation – ils fixent des normes, des résultats précis, élaborent des programmes et des manuels, et, dans certains cas plus limités, des normes pour les examens.
Certains choisissent d’institutionnaliser l’éducation civique en confiant aux responsables de l’éducation le soin de déterminer le contenu du programme. Ces gens doivent examiner les questions relatives à la présentation du programme : les résultats escomptés, la matière à enseigner, les enseignants, les lieux où il doit être enseigné, le matériel d’appui et le soutien du professeur et du participant, et l’évaluation.
Ils doivent déterminer si ce programme sera intégré à d’autres sujets existants ou s’il sera un programme autonome. Si cette dernière hypothèse est retenue, il faudra examiner ses liens aux divers sujets existants afin d’éviter qu’il y ait des chevauchements.
Les principaux obstacles à l’élaboration d’un programme national ne sont pas liés au sujet, même s’il existe différents défis à cet égard qui sont abordés dans d’autres sections. Ils portent plutôt sur le fait de trouver du temps et de l’espace ou encore ont trait à la formation, à l’appui à donner aux formateurs et à l’évaluation des participants.
L’éducation formelle
Il y a un lien direct entre l’élargissement de l’éducation de base universelle et la démocratisation. Certains ont affirmé que les gens qui savent compter, lire et écrire et qui sont généralement instruits sont les moteurs d’une plus grande démocratie. D’autres, qui se sont penchés sur le caractère durable de la démocratie, ont insisté sur le fait que les personnes ayant obtenu le droit de vote par l’entremise du suffrage universel doivent recevoir aussi une éducation de base normalisée.
Historiquement, à l’exception d’une variété de sujets facultatifs conçus pour intégrer les élèves aux structures sociales et politiques existantes, on a tenu pour acquis que l’acte même d’éduquer constituait par définition de l’éducation civique. Dans certaines écoles expérimentales très publicisées, des microsociétés ont été créées pour s’assurer que les gens puissent apprendre à la fois à partir de la salle de classe et de l’institution autonome elle-même.
Mais en général, lorsque le statut des écoles prend un caractère plus institutionnel, que le programme devient plus complet et plus spécialisé et que la société est perçue comme étant plus complexe, l’éducation civique ou une variation de ce terme devient un sujet en demande en milieu scolaire.
La plupart de ces sujets ont été discrédités, non pas tant à cause de leur contenu – bien qu’on ne puisse nier l’incidence d’une relation de plus en plus en porte-à-faux entre ce contenu et l’expérience de vie des étudiants –mais plutôt parce que ces sujets sont perçus par les professeurs et par les étudiants comme étant moins importants que les sujets principaux figurant au cœur du programme – les langues, les mathématiques et la science, et d’autres sujets de base.
Pour répondre à ceci, l’éducation civique a été intégrée à la vie courante de la vie scolaire par l’entremise des activités parascolaires, telles les élections étudiantes, la gestion autonome des sociétés en dehors de l’école, et les conseils mixtes composées de parents, de professeurs et d’étudiants. On a incité les spécialistes de la question à intégrer les concepts d’éducation civique dans leurs sujets, en les définissant et en les présentant au moyen de l’histoire, des langues, des arts et du théâtre, de la sociologie et de l’économie, de la gestion des affaires et de l’apprentissage de l’autonomie fonctionnelle.
Une certaine controverse existe au sujet du rôle de l’école par rapport à l’éducation civique. Parfois, on croit qu’elle est trop politique et que ceci mènera probablement à des conflits et à la partisannerie. Par ailleurs, il se peut que des collectivités ne veuillent pas que les écoles d’État s’ingèrent dans la formation politique de leurs enfants, craignant que cela ne prenne la forme d’une propagande ou d’une socialisation qui va à l’encontre des valeurs et des engagements de cette collectivité.
À cet égard, on peut établir des parallèles entre l’éducation civique et les débats continuels au sujet du rôle de la religion ou de l’éducation religieuse dans les écoles. Toutefois, dans les sociétés démocratiques où les citoyens ont mis sur pied un système scolaire national qu’ils financent au moyen de leurs impôts, on s’attend à ce que les écoles forment des citoyens responsables et sensibles, conformément aux attentes initiales que l’on avait lorsqu’on faisait la promotion de l’éducation universelle.
Il y a peu, un travail important a été fait aux États-Unis en vue de concevoir un programme normalisé et de chercher à ce qu’il soit enseigné – parfois comme un module alternatif à la science politique plus générale. En résumé, on a mis l’accent sur trois éléments et un impératif méthodologique :
- des connaissances de base en matière de citoyenneté, y compris la mise au point d’une démocratie constitutionnelle et de ses principes;
- les aptitudes de base en matière de citoyenneté, y compris les capacités intellectuelles et participatives et leur pratique;
- les vertus essentielles en matière de citoyenneté, telles que les aspects ayant trait à la responsabilité et au respect des autres.
Pour ceci, il faut à tout prix un professeur qui soit un démocrate, imprégné d’un engagement à créer un environnement en salle de classe compatible avec la théorie et la pratique de la démocratie et de la liberté.
En Afrique du Sud, un vaste programme sur les valeurs et l’éducation a été mis sur pied et institutionnalisé au sein du ministère national de l’Éducation afin de voir au maintien, à la promotion et à l’élargissement de la démocratie constitutionnelle établie en 1994.
Lorsque les États de l’Europe de l’Est ont effectué la transition vers l’indépendance, la démocratie et, dans plusieurs cas, l’adhésion à l’Union européenne, la communauté internationale a donné ses premiers appuis à la démocratie sous la forme de l’éducation civique, par l’entremise du système scolaire existant ou de processus et d’institutions parallèles non formels.
L’éducation non formelle
Plusieurs pays ont mis en place des programmes nationaux d’éducation civique qui sont exécutés à l’échelle nationale au moyen de méthodes pédagogiques non formelles. Grâce à un processus de consultation ou à la direction exercée par le conseil de gestion des élections ou une institution similaire, un large éventail d’organisations et d’institutions existantes ont convenu d’exécuter un programme commun.
En particulier, le Kenya est un bon exemple. Le programme que le pays a publié a été préparé et mis au point pendant la période précédant les élections nationales de 2002.
Le programme a été préparé après une étude de référence des attitudes des citoyens et des besoins en matière d’éducation. Sa concrétisation a été le fruit d’une coalition de quelque 70 organisations non gouvernementales, sous la coordination d’un petit bureau de gestion de projet, et financé sous forme de financement conjoint par des fonds au titre du développement international. Les évaluations du programme ont incité les bailleurs des fonds et les participants à planifier une seconde étape. Mais des retards en vue d’achever la réforme constitutionnelle, dont l’ébauche avait donné un élan à la première étape, se sont fait ressentir – un bon exemple de la façon dont les programmes nationaux d’éducation civique peuvent faire les frais de situations hors de leur contrôle.
Le Malawi a aussi mis en place un programme national sous l’égide de l’Institut national d’éducation civique dont l’acronyme en anglais est NICE. Ce programme compte sur des formateurs communautaires et des librairies communautaires organisées par NICE, plutôt que par une coalition comme c’est le cas au Kenya.
Dans les deux pays, le programme a reçu un soutien national et légal, bien que son origine ait été le fruit d’un effort combiné de la communauté des donateurs internationaux et de la communauté non gouvernementale. Si seul le système d’éducation national avait eu accès aux fonds disponibles, il est difficile de savoir si un programme différent aurait vu le jour ou si même on aurait tenté l’initiative.
Les personnes responsables de mettre au point un tel programme non formel devant être exécuté à l’échelle nationale font face à de nombreux problèmes au chapitre de la mise sur pied du programme et de l’appropriation que l’on en fait.
Au Kenya, on a surmonté ces problèmes avec l’étude de référence et la conception de documents formels qui ont été imprimés et distribués avant que l’on amorce le programme. De plus, au lieu que celui-ci soit mis au point en tant qu’un programme normalisé qui serait valable pendant un certain temps, il a été exécuté dans un contexte de campagne électorale à durée limitée dans un climat politique particulièrement propice pour la chose.
En Ouganda, le conseil de gestion électorale a créé un tel programme au début des années 1990. Il a alors été convenu que toute personne voulant faire de l’éducation civique suivrait ce programme.
Certains pays accréditent des organismes, rendant ainsi leur matériel accessible. D’autres accréditent des organismes qui peuvent ensuite concevoir leur propre matériel; il leur suffit simplement alors de suivre certaines lignes de conduite.
En Allemagne, la mise au point du matériel théorique et du matériel de soutien à la formation, bien qu’il ne soit pas obligatoire, agit comme un mécanisme de contrôle informel. Il encourage les autres à utiliser ce qui existe déjà au lieu de faire leur propre conception coûteuse.
Par sa nature, l’éducation non formelle est menée en plusieurs endroits différents, ce qui entraîne des problèmes au chapitre de la langue, de l’adaptation du matériel et des supports audiovisuels, sans compter le caractère opportun, les niveaux d’entrée et d’intérêt des participants. Divers formateurs et facilitateurs s’occupent de son exécution et malgré la possibilité d’une formation à court terme en cascade, il est inévitable qu’ils aborderont le programme avec un style et des aptitudes d’enseignement qui leur sont propres. Enfin, l’éducation non formelle est souvent menée avec peu de préavis, réduisant la possibilité que le matériel déjà préparé soit à portée de mains.
Qu’ils les programmes soient de nature limitée comme certains pays ont cherché à le faire ou qu’ils soient de nature globale comme au Kenya, les coûts des programmes produits à l’échelle nationale sont élevés et le gaspillage peut être important. Le risque que le matériel perde rapidement de sa pertinence et cède sa place à des cours produits localement s’ajoute au gaspillage possible.
Baseline Study on Civic Education in Kenya
Thanks,
Joel Mabonga
Nairobi, Kenya