Si les activités des médias durant des élections doivent être assujetties à une réglementation, les campagnes doivent logiquement avoir une durée spécifique. Ces restrictions réglementaires ne doivent s’appliquer que pendant la durée officielle de la campagne, les pratiques habituelles prévalant le reste du temps. Dans de nombreux pays, la durée des périodes de campagne électorale est clairement définie ; dans d’autres, elle varie en fonction du type d’élections, de la date de dissolution du parlement et d’autres facteurs. Le cas des États-Unis est particulier, car ce pays ne dispose pas de période de campagne électorale définie.
Voici quelques exemples de durée de campagne électorale[i] :
- Au Canada, la durée minimale d’une campagne est de 36 jours, la plus longue campagne connue ayant duré 74 jours (en 1926).
- En Australie, la campagne doit durer au minimum 33 jours (la plus longue campagne qu’ait connue le pays a eu lieu en 1910 et s’est étendue sur 11 semaines).
- En France, la campagne électorale officielle ne dure généralement pas plus de 2 semaines.
- Au Japon, la loi autorise une campagne de 12 jours.
- À Singapour, une campagne électorale doit durer au minimum 9 jours.
- En Israël, la loi électorale relative à la couverture médiatique applique une période de 150 jours avant les élections. Aucune campagne n’est autorisée dans les salles de cinéma ou à la télévision durant les 30 jours précédant immédiatement les élections[ii].
Une période de campagne clairement définie est peut-être logique, mais elle peut poser problème. Par exemple, les électeurs peuvent être tout aussi influencés par ce qu’ils apprennent des candidats, partis et programmes dans les médias avant les campagnes électorales que par ce qu’ils entendent au cours de la période de campagne électorale officielle. C’est (entre autres) pour cette raison que les équipes de monitorage des médias entament généralement leur travail bien avant le début de la campagne officielle.
En effet aux États-Unis, selon le bon sens politique (et l’expérience jusqu’aux élections de 2000), le candidat en tête au moment de la fête du Travail (en septembre) est assuré de remporter les élections présidentielles (en novembre). Ainsi, les deux derniers mois de la campagne (plus longue que la campagne officielle de la majorité des pays) ont peu d’influence sur le résultat. L’approche américaine consiste à ne pas définir de période spécifique de campagne électorale et, de fait, elle s’étend sur environ deux des quatre années du mandat. Cependant, cette situation ne conviendrait pas à la plupart des pays.
D’autre part, peu de pays ont une période électorale aussi précise que l’Estonie, où la loi dictant les obligations des radiodiffuseurs pendant les élections fait une distinction très marquée entre la période préélectorale et la période électorale. Cette dernière se subdivise elle-même en quatre autres périodes, pour lesquelles différentes règles de radiodiffusion s’appliquent : la période d’enregistrement des candidatures, la campagne électorale, la période de scrutin et finalement la phase de dépouillement des votes et de publication des résultats.
Or, l’application d’une réglementation aussi stricte implique que les élections se tiennent à date fixe. Dans de nombreux pays, en particulier ceux dont le système électoral est basé sur le système britannique, la date du scrutin est fixée par le chef de gouvernement sortant. Par ailleurs, dans la plupart des systèmes, un événement tel qu’une motion de censure du parlement peut précipiter la tenue d’élections. Dans de tels cas, une réglementation médiatique peut s’appliquer uniquement à une période de campagne plutôt restreinte et ne peut s’étendre à une période plus large.
La solution idéale est peut-être de s’assurer que les dispositions législatives qui réglementent les médias en période électorale cadrent bien avec le système général de réglementation des médias, de façon à ce que les médias soient pluralistes, dynamiques, professionnels et libres de toute censure à tout moment, et pas seulement en période électorale.
[i] Ces durées de campagne sont celles en vigueur en août 2012.
[ii] Akiba A. Cohen et Gadi Wolfsfeld, « Overcoming Adversity and Diversity: The Utility of Television Political Advertising in Israel », dans Political Advertising in Western Democracies, dir. Lynda Lee Kaid et Christina Holtz-Bacha, (Londres/Thousands Oaks : Sage Publications, 1995)