Les groupes d’observateurs nationaux et les organisations de la société civile surveillent la couverture médiatique des élections pour des raisons extrêmement différentes. Leur objectif principal peut être similaire à celui des organismes de gestion électorale ou des missions internationales d’observation : s’assurer que la couverture de l’actualité est équitable et professionnelle et que les différents partis et candidats ont accès aux médias.
Au-delà de cet objectif, ils peuvent par exemple s’intéresser, comme les observateurs internationaux, au contenu de la couverture médiatique. Quels sont les sujets couverts par les médias ? À quel point ces sujets reflètent-ils les programmes des partis ou des candidats ? Le débat électoral est-il présenté de manière professionnelle et neutre ou les médias exacerbent-ils les sentiments partisans à travers la langue ou le style employés dans leur couverture ?
Les médias répondent-ils réellement aux besoins en matière d’information des électeurs (une question évidente mais trop peu fréquemment posée) ? Les positions des partis et des candidats sont-elles évaluées du point de vue des électeurs (consultez la section Couverture axée sur l’électeur) ou les médias présentent-ils les politiques des candidats de façon complaisante ? Les médias jouent-ils un véritable rôle éducatif ? Fournissent-ils aux électeurs les informations nécessaires pour voter (lieux, modalités et raisons) ?
Dans quelle mesure les intérêts et la voix des minorités ou des groupes marginalisés sont-ils rapportés dans les médias ? La voix des femmes est-elle relayée de manière adéquate dans les médias pendant la campagne électorale ? Dans le cas contraire, quelles en sont les raisons ? Les médias se font-ils le relais des préjugés sexistes dans la société sans faire preuve d’esprit critique ou font-ils des efforts pour les remettre en cause ?
Les groupes d’observateurs nationaux et les observateurs des médias de la société civile s’intéressent à une grande variété de problèmes. Toutefois, il est rare qu’une seule opération de monitorage des médias permette de traiter l’ensemble de ces problèmes. Ces observateurs peuvent néanmoins mettre à profit leur expertise pour intervenir sur certains aspects de la couverture médiatique. Ce domaine d’expertise relève parfois du domaine des médias lui-même. Les ONG qui s’intéressent à la liberté des médias et aux normes professionnelles mènent souvent des activités de monitorage. Elles peuvent avoir pour ambition à la fois de défendre les médias face à l’ingérence politique des pouvoirs publics ou des propriétaires privés et de promouvoir le professionnalisme de la couverture journalistique.
Dans d’autres cas, les relations entre les organes de monitorage de la société civile et les médias sont plus difficiles. Les marques d’hostilité entre les médias publics et ces organes ne sont pas rares. Ces derniers sont accusés de promouvoir un programme de nature quasi politique. De temps à autre, des entreprises médiatiques privées réagissent de manière similaire. Par exemple, en Moldavie en 2005, celles-ci ont mis en doute les qualifications et la bonne foi d’un groupe de monitorage qui avait publié des conclusions sévères à leur égard.
Les groupes de monitorage traitent parfois d’autres problèmes. Le monitorage des médias pendant l’élection présidentielle ukrainienne en 2004 permet d’illustrer cette approche plus large. L’ONG Equal Access a mené une opération de monitorage approfondie des médias qui portait exclusivement sur l’accès aux médias accordé aux candidats. Parallèlement, deux autres organisations, l’Institute of Mass Communication et le Kharkiv Human Rights Protection Group, ont conduit un programme de monitorage axé sur d’autres problèmes, en dehors de l’allocation de temps et d’espace aux candidats. Elles ont analysé la couverture de problèmes touchant particulièrement les groupes ethniques minoritaires, y compris les Tatars de Crimée, ainsi que la représentation des femmes dans la couverture électorale. Leurs résultats n’ont guère été surprenants – une place inférieure accordée à la couverture des problèmes des minorités ainsi qu’une faible représentation de voix féminines dans les sources d’information – mais ils fournissent un point de repère important pour le traitement éventuel de ces problèmes.
Les organismes nationaux de monitorage des médias peuvent mener des opérations pendant une période plus longue que celle des opérations des agences internationales ou des OGE. Ils possèdent également de meilleurs moyens pour observer les élections infranationales qui peuvent être moins intéressantes pour les autres observateurs. Par exemple, l’ONG Committee for Free and Fair Elections in Cambodia a observé la couverture médiatique des élections des conseils communaux en 2007 pendant trois mois, notamment pendant les périodes de campagne et de dépouillement des votes. Cette initiative a permis de mettre en lumière le flagrant parti pris de la couverture de ces élections[1].
[1] « Final Report of the Media Monitoring: Commune Council Elections 1 April 2007 », rapport d’observation du Committee for Free and Fair Elections in Cambodia, 2007