L’éducation aux médias est vitale pour garantir que la couverture médiatique des élections permet réellement d’informer l’électorat et que les médias sont eux-mêmes tenus de rendre des comptes. Le Center for Media Literacy définit le terme comme suit :
L’éducation aux médias est une approche de l’éducation qui date du XXIe siècle. Elle offre le cadre nécessaire pour accéder, analyser, évaluer, créer et participer avec des messages de formes variées, depuis la presse écrite en passant par la vidéo et Internet. L’éducation aux médias favorise la compréhension du rôle des médias dans la société et renforce les compétences d’interrogation et de libre expression nécessaires aux citoyens d’une démocratie[i].
Le développement de l’éducation aux médias va cependant au-delà de la simple amélioration des connaissances et des compétences des consommateurs de médias. Il inclut également le fait de cibler les détenteurs de l’information, tels que les responsables gouvernementaux et, plus spécifiquement dans le domaine électoral, les fonctionnaires des OGE, les candidats et les partis politiques, afin d’améliorer leur compréhension des médias et leur relation avec ces derniers. En raison de leur méfiance à l’égard des intentions des médias ou par crainte de répercussions négatives, ces organismes et individus ont souvent tendance à dissimuler des informations. Toutefois, cette crainte ou suspicion est généralement causée par une formation et une expérience insuffisante dans les relations avec les médias. Il est essentiel de comprendre que l’« éducation aux médias est une alternative à la censure, au boycott ou fait de blâmer » les médias[ii] pour favoriser les processus et pratiques démocratiques. Le chapitre Relations de l’OGE avec les médias de ce thème examine plus en profondeur la façon dont les organismes de gestion électorale peuvent apprécier plus pleinement les valeurs et les ressources d’un environnement libre et favorable aux médias. Il propose également des outils sur les modalités d’utilisation de ces ressources.
Pour que les médias libres et indépendants soient pérennes, le public et les fournisseurs d’informations doivent être éduqués aux médias. L’éducation aux médias inclut le fait de comprendre comment utiliser un paysage médiatique qui évolue rapidement. Cela est particulièrement vrai dans cette ère des médias sociaux et des technologies en constante mutation. Cette éducation aux médias implique par ailleurs de reconnaître l’utilisation de messages sous-jacents et leur importante influence. Un message sous-jacent est le contexte ou l’arrière-plan du message principal, qui peut comporter des images, un fond sonore et une formulation, chacun de ces éléments transmettant des messages spécifiques, des associations et des insinuations. En bref, l’éducation aux médias consiste à développer des capacités de réflexion critique et une sensibilisation générale. Cela favorise ensuite le pluralisme des médias et les incite à faire preuve de plus de professionnalisme. Cette éducation aux médias permet ainsi à la population de comprendre le paysage médiatique dans son ensemble, y compris les impacts des cadres législatifs et l’importance de la sécurité des professionnels des médias.
La liste suivante précise quelques-unes des compétences inhérentes à l’éducation aux médias[iii] :
- identifier les médias disponibles et savoir comment y accéder ;
- comprendre comment utiliser les médias et transmettre des informations ;
- être capable d’identifier le créateur et les intentions des messages médiatiques ;
- déceler les intérêts commerciaux qui se cachent derrière les messages ;
- cerner l’impact des monopoles médiatiques sur l’impartialité des médias ;
- comprendre l’influence incontournable des valeurs et points de vue des créateurs de médias ;
- comprendre les « outils de persuasion » ;
- saisir le rôle de la culture dans l’élaboration des messages médiatiques ;
- assimiler l’impact des messages médiatiques sur la culture ;
- apprécier la différence entre le texte et le message sous-jacent ;
- savoir comment les médias influencent nos pensées et nos comportements ;
- comprendre que l’histoire ou l’image présentée implique toujours une vision partielle de la réalité ;
- reconnaître la partialité, la désinformation ou les inexactitudes ;
- prendre conscience des « filtres » que nous utilisons pour interpréter les messages médiatiques, nos propres expériences ou notre éducation par exemple ;
- développer des compétences pour créer ses propres messages ;
- comprendre le pouvoir et le rôle que le journalisme citoyen joue aujourd’hui dans le paysage médiatique en tant catégorie supplémentaire de fournisseurs d’informations. Ce rôle existe en particulier dans les contextes de liberté limitée (ou totalement absente) des médias traditionnels ;
- apprécier les impacts différents des médias temporels (tels que les films) par rapport aux médias statiques (tels que des photos) ;
- comprendre le fonctionnement de la mémoire du public - ce dont il se souvient immédiatement après avoir « consommé » un message et ce dont il se souvient après plusieurs mois ;
- comprendre le rôle de l’émotion dans l’interprétation du message et la mémoire ;
- savoir comment les messages peuvent être manipulés de manière à amplifier les réponses émotionnelles (y compris l’utilisation de formulations, d’angles et d’éclairages particuliers) ;
- comprendre l’impact des cadres législatifs sur les messages médiatiques ;
- connaître les obligations des professionnels des médias, telles que des reportages équilibrés, le droit de réponse et la protection de l’identité des sources ;
- comprendre l’impact de l’autocensure (le pouvoir de la peur) sur les messages médiatiques ;
- savoir comment plaider pour un changement positif dans le système des médias.
Il est évident qu’une part importante de la réflexion critique ci-dessus est essentielle pour que les électeurs puissent avoir des opinions éclairées. En outre, l’éducation aux médias est primordiale dans les situations de conflit et post-conflit, car elle constitue un mécanisme de protection contre les discours de haine dans des circonstances instables. Un public sensibilisé aux obligations des professionnels des médias est plus susceptible d’exiger un contenu médiatique de haute qualité. L’éducation aux médias est également importante pour les nouvelles démocraties ou les pays engagés sur la voie de la démocratie. Dans ces contextes, les cadres législatifs sont généralement en cours d’élaboration et auront un impact considérable sur la condition future des médias indépendants et libres. Par ailleurs, les citoyens peuvent faire face à une explosion soudaine des sources d’information et formats médiatiques après des décennies, voire plus, de médias contrôlés ou peu nombreux. Plus le public sera éduqué aux médias, plus il (et les fournisseurs d’informations) sera apte à décrypter les messages et en reconnaître la valeur et la crédibilité.
Toutefois, malgré des efforts de développement concerté à travers le monde pour renforcer le professionnalisme des médias et encourager leur indépendance, il n’en va pas nécessairement de même concernant les efforts déployés pour améliorer l’éducation aux médias.
[i] Ibid
[ii] Ibid (http://www.medialit.org/about-cml#history)
[iii] Cette liste provient en grande partie du Media Literacy Project, une ressource librement accessible, consultée le 15 août 2012, http://medialiteracyproject.org/resources/introduction-media-literacy