L’analyse quantitative à elle seule n’explique pas de façon adéquate les forces et les faiblesses de la couverture médiatique. Il ne suffit pas de prétendre que le parti au pouvoir bénéficie d’une couverture médiatique plus étendue que l’opposition – il peut en effet y avoir de bonnes raisons à cela, notamment un soutien plus large de la population et par conséquent un plus grand intérêt à son sujet. De même, un simple décompte des éléments diffusés ou publiés peut masquer le fait que le « quota » de couverture de certains partis comprend des éléments qui ternissent leur image.
Certains aspects extrêmement importants de la couverture électorale ne se prêtent pas aisément au monitorage quantitatif. Par exemple, la couverture de propos provocants exige une analyse minutieuse du discours des médias.
Les observateurs analysent également le contenu du matériel destiné à l’éducation des électeurs afin de s’assurer qu’il ne véhicule aucun message politique de partis. Dans bien des cas, ils s’efforcent de comparer le traitement d’informations identiques dans différentes langues. Souvent, dans les contextes post-coloniaux, le contenu des émissions diffusées en langues coloniales et en langues indigènes sont très différents. Les émissions en langues coloniales sont destinées, dans une certaine mesure, à un usage externe. Les diffuseurs et les responsables politiques peuvent présumer que les observateurs internationaux ne s’intéressent pas aux messages véhiculés dans les langues locales.
Le degré d’exactitude de la couverture médiatique est un aspect très important en matière de monitorage. Les observateurs évaluent la partialité des médias en comparant les informations qu’ils diffusent à leur propre lecture des événements, tout en tenant compte de différentes sources. L’observation des sources consiste à assister à un événement digne d’une couverture médiatique, tel qu’un rassemblement politique ou une conférence de presse, afin de la comparer au regard de sa propre perception de l’événement. Grâce à Internet, les observateurs peuvent comparer plus facilement la couverture nationale et la couverture internationale des élections, les différences étant parfois remarquables.
L’évaluation des messages implicites véhiculés par les médias d’information est une procédure à la fois importante, difficile et hautement controversée. Les subtilités de la langue et des images relaient toute une variété de messages dont le sens peut être assimilé de façon inconsciente par le public. Par exemple, des médias en faveur d’un gouvernement peuvent dire du président qu’il « déclare » quelque chose alors que ses adversaires ne font que « soutenir » ou « alléguer » quelque chose. Par ailleurs, un reportage qui oriente la perception du public de façon partisane n’est pas forcément inexact. Par exemple, avant l’élection de 1994 en Afrique du Sud, des observateurs ont remarqué que les reportages sur les manifestations de l’ANC mentionnaient systématiquement la quantité de détritus laissés par les manifestants. L’image ainsi véhiculée était celle d’un parti déstabilisateur et irresponsable. Les reportages étrangers peuvent aussi être utilisés pour appuyer une interprétation particulière des nouvelles à l’intérieur du pays. Au Malawi, en 1994, les reportages sur les partis d’opposition du radiodiffuseur national étaient diffusés avec les informations sur le génocide rwandais. Le message subliminal ainsi véhiculé était que la fin éventuelle d’un régime « stable » fondé sur un parti unique conduirait à un bain de sang.
La télévision possède un vocabulaire visuel complexe. Les représentants du pouvoir, tels que les responsables politiques en poste, peuvent être filmés en contre-plongée alors que les autres protagonistes seront filmés à la même hauteur ou en plongée. Les représentants du pouvoir s’adressent le plus souvent directement à la caméra, tandis que les autres sont interrogés par des intervieweurs hors champ et ne s’adressent pas directement aux téléspectateurs. Les personnes ordinaires – les membres de l’opposition, les syndicalistes ou le grand public – sont habituellement interrogées en plein air. Les membres du gouvernement sont montrés dans leurs bureaux, maniant souvent des documents et semblant exercer des activités importantes dans l’urgence. Les images d’un bureau en arrière-plan ont tendance à souligner l’autorité et l’expertise de la personne interrogée. D’autres artifices produisent ainsi le même effet.
Même le graphisme et les logos qui accompagnent une émission peuvent transmettre un message. Lors de l’élection zimbabwéenne de 2000, une émission spéciale d’actualité diffusée durant la période de campagne avait comme logo la tour aux Grandes ruines du Zimbabwe, exactement le même symbole que celui du parti au pouvoir.