Les normes internationales sur la question des propos haineux sont établies par les articles 19 et 20 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
L’article 19 garantit la liberté d’expression, qui comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de transmettre de l’information et des idées de tous genres, sans égard aux frontières.
Cet article impose cependant certaines limites à ce droit, notamment pour assurer le respect des droits ou de la réputation des autres.
De son côté, l’article 20 interdit :
- toute propagande en faveur de la guerre;
- toute promotion de la haine de nature nationale, raciale ou religieuse susceptible d’inciter à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence.
La Convention américaine sur les droits de la personne exige que les États considèrent comme un acte criminel l’incitation à la haine sur la base de la nationalité, de la race ou de la religion. La Convention européenne des droits de l’homme et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples ne stipulent pas que les propos haineux doivent être interdits par la loi, mais permettent qu’ils soient interdits.
La Convention sur l’élimination de toute forme de discrimination raciale impose une interdiction de portée encore plus étendue. Son article 4 enjoint à tous les États signataires de traiter comme un acte criminel la propagation d’idées basées sur la suprématie ou la haine d’une race, l’incitation à la discrimination raciale, toute contribution à des activités de caractère racial, la participation à des organisations et à des activités organisées ou non qui encouragent la discrimination raciale.
Dans un cas concernant la participation à une élection (non reliée aux médias), la Commission européenne a jugé inadmissible une requête d’un dirigeant politique hollandais de la droite qui avait déjà purgé une peine d’emprisonnement de deux semaines, et qui avait été radié de la liste des électeurs pour avoir recommandé le rapatriement des travailleurs étrangers autres que de race blanche[1]. Dans un autre cas (celui-ci relié au rôle des médias), la Commission a accepté la requête d’un journaliste danois qui avait été reconnu coupable d’avoir présenté une interview télévisée de membres d’un groupe de jeunes suprématistes blancs. À la suite de ce cas, le Danemark a modifié sa loi de façon à libérer les journalistes de responsabilité dans de tels cas, sauf s’il est prouvé qu’en faisant le reportage de points de vue racistes, ils visaient eux-mêmes à menacer, injurier ou dénigrer[2].
Il importe de faire la distinction entre les deux cas. L’approche de la législation et des organismes de réglementation des médias diffère selon que les médias eux-mêmes prônent la haine ou la violence ou qu’ils ne font que transmettre les propos de politiciens ou d’autres personnes qui prônent la haine ou la violence. Cette distinction est fondamentale même si elle n’élimine pas toute possibilité de zones grises.
Décisions de tribunaux internationaux
Le principe selon lequel l’incitation aux crimes contre l’humanité est elle-même un crime contre l’humanité date des décisions issues des procès de Nuremberg sur les leaders du nazisme durant les années 1940. Plus récemment, le Tribunal pénal international pour le Rwanda a jugé quatre journalistes ou responsables de la rédaction, ainsi que l’ancien ministre de l’Information, coupables d’incitation au génocide par le truchement de la presse écrite ou électronique.
Décisions de tribunaux nationaux
La Cour suprême d’Israël a déclaré que la liberté d’expression ne pouvait être limitée que lorsque des propos représentaient un danger imminent probable à l’ordre public. Elle a donc décrété que l’autorité en matière de radiodiffusion avait porté atteinte aux droits du chef d’un parti politique extrémiste anti-arabe en passant en revue ses déclarations avant de les diffuser[3].
En Suède, la Loi sur la liberté de la presse interdit l’expression de menaces ou de mépris envers des groupes sur la base de la race, de l’origine ethnique ou de la religion. Cette disposition est rarement mise en pratique mais, en 1991, un responsable de la rédaction d’un quotidien a été poursuivi pour avoir publié une lettre d’un lecteur qui exprimait des opinions racistes. Le responsable en cause a fait valoir qu’il fallait laisser s’exprimer de telles opinions pour permettre qu’elles soient débattues. Les jurés l’ont acquitté[4].
La Cour constitutionnelle de la Hongrie a qualifié d’inconstitutionnelle une disposition de la loi sur l’incitation à la haine. Cette disposition interdisait d’injurier ou d’humilier la nation hongroise ou une partie de la population sur la base de la religion, de la race ou d’autres caractéristiques semblables. La cour a émis l’avis que la liberté d’expression d’idées et d’opinions, y compris des idées non populaires ou non conventionnelles, était la condition essentielle pour assurer l’existence d’une société vraiment dynamique et capable de s’améliorer.
La liberté d’expression permet d’émettre des opinions, peu importe leur valeur ou leur véracité implicite[5].
[1] Glimmerveen et autres contre Les Pays-Bas, App. Nos D 8348/78 et 8406/78, 4 EHRR 260 (1982).
[2] Jersild contre Denmark, App. no 15890?89, décision du 8 septembre 1992.
[3] Meir Kahane et autres contre Conseil d’administration de l’Autorité de radiodiffusion, Cour suprême d’Israël, 41(3) PD 255 (1987).
[4] H-G Axberger, « Freedom of the Press in Sweden », dans ARTICLE 19, Press Law and Practice, 1993.
[5] La Cour constitutionnelle, AB Hatarozat, no 30/1992 (26 mai)