Un nombre croissant de décisions rendues par des tribunaux nationaux reconnaissent aux partis d’opposition le droit d’accès aux médias d’État. Il y a une tendance claire à reconnaître que les gouvernements ont l’obligation d’assurer cet accès. C’est l’approche qui avait été prise par le Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression des Nations Unies dans son rapport de 1999.
En 2000, par exemple, la Cour suprême du Zimbabwe a rendu deux décisions sur cette question. En janvier, la cour a ordonné à la Société de radiodiffusion du Zimbabwe de diffuser des annonces publicitaires et des messages de campagne préparés par les partisans du « Non » durant le référendum proposant une nouvelle constitution. La campagne du « Oui », option préférée par le gouvernement, avait vu ses messages largement diffusés[1].
Le 13 juin, quelques jours avant les élections parlementaires, la Cour suprême, statuant sur une requête du Mouvement pour le changement démocratique, un groupe d’opposition, a ordonné à la Société de radiodiffusion du Zimbabwe de cesser de faire preuve de parti pris politique et de remplir sa mission aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, en diffusant des émissions de radio et de télévision de façon impartiale, sans discrimination politique et en se gardant de léser les individus dans leur droit de diffuser et de recevoir des idées et de l’information[2].
Quelques années auparavant, la Haute Cour de la Zambie, pays situé au nord du Zimbabwe, a été appelée à trancher une question similaire. Le point en litige était une directive émise par le président Kenneth Kaunda dans les semaines qui ont précédé la première élection multipartite du pays, en 1991. Cette directive ordonnait aux trois journaux sous contrôle gouvernemental de ne pas diffuser les déclarations ou publicités des dirigeants du principal parti d’opposition. La Cour a conclu que cette directive violait la garantie constitutionnelle de liberté d’expression :
« Étant donné que les pétitionnaires n’étaient pas autorisés à publier leurs opinions sur les questions politiques par l’intermédiaire des journaux de l’État ni même par la radio ou la télévision, leur droit à la liberté d’expression a été lésé[3]... »
La cour a ensuite formulé un commentaire plus général sur le rôle des médias à propriété gouvernementale :
« Les journaux sont censés fonctionner selon les principes et l’éthique du journalisme sans aucune ingérence externe. Ces principes dictent la couverture de tous les événements dignes de faire la nouvelle, sans égard à la source des nouvelles. On ne peut accepter moins des médias qui sont la propriété de l’État, qu’il s’agisse de la presse écrite ou autre, et le public peut facilement évaluer si un journal en particulier fonctionne selon des principes de journalisme et d’éthique sains. » (ibid.)
La Haute Cour de Trinité-et-Tobago avait précédemment abouti à la même conclusion à l’égard de la télévision. La station de la télévision d’État avait refusé de diffuser un discours préenregistré d’un parlementaire de l’opposition. La cour a jugé que cela violait le droit à la liberté d’expression :
« La télévision étant le plus puissant des médias modernes, il est à mon avis inutile de postuler que la liberté d’exprimer des opinions politiques a le sens que lui donne la Constitution, mais sans le droit d’exprimer ces opinions à la télévision. Les jours des discours en plein air improvisés sont terminés, comme c’est le cas pour les guerres de pamphlets politiques[4]... »
Des missions internationales d’observation, de supervision et de consultation ont adopté une approche similaire dans un passé récent. La mission d’observation de l’ONU aux élections du Nicaragua en 1989, par exemple, avançait qu’il était nécessaire que « tous les partis politiques aient un égal équitable à la télévision et à la radio de l’État, tant en ce qui concerne le moment de la diffusion que sa durée[5]. »
L’Équipe technique des Nations Unies au référendum du Malawi en 1993 a fait une recommandation semblable :
« Dans le cas des médias appartenant au gouvernement, il est coutumier que les partis en compétition puissent faire valoir leurs arguments en recevant un accès égal, tant pour le moment que pour la durée de la diffusion[6]. »
(À noter que cette recommandation propose un accès « égal » plutôt que « équitable » parce que le référendum portait sur le choix entre deux propositions plutôt que sur plusieurs partis politiques.)
De même, durant les élections supervisées par l’ONU au Cambodge en 1993, l’Autorité de transition de l’ONU au Cambodge veillait à assurer l’accès égal aux médias, comme prévu dans ses directives pour les élections :
Dans l’exercice de ses responsabilités selon l’accord, l’Autorité de transition de l’ONU au Cambodge va assurer « un égal accès aux médias, soit la presse, la télévision et la radio, pour tous les partis contestant les élections[7] ».
[1] Le projet de contrôle des médias au Zimbabwe, Une question d’équilibre : Les médias zimbabwéens et le référendum constitutionnel, Harare, 2000.
[2] Le projet de contrôle des médias au Zimbabwe, Élection 2000 : La guerre des médias, Harare, 2000, p. 11.
[3] Arthur Wina et autres contre l’avocat général (1990) HP/1878 (Haute Cour : Lusaka).
[4] Rambachan contre Trinidad and Tobago Television Co. Ltd et Avocat général de Trinité-et-Tobago, décision du 17 juillet 1985 (sans compte rendu).
[5] Établissement et mandat de la Mission d’observation de l’ONU pour vérifier le processus électoral au Nicaragua, La situation en Amérique centrale, GAOR de l’ONU, 44e session, « Menace à la paix et la sécurité, et menace aux initiatives de paix. » Document de l’ONU A/44/375 (1989), Annexe 1, au 3.
[6] Rapport de l’Équipe technique des Nations Unies pour la conduite d’un référendum libre et juste sur la question d’un système à parti unique ou multipartite au Malawi. (15-21 novembre 1992), paragr. 27.
[7] Autorité de transition de l’ONU au Cambodge, Directives pour les médias au Cambodge, (1992), pr. paragr. 4.