Il est important de noter que les dispositions prévues dans la loi sont, dans la pratique, souvent violées, contredites ou ignorées, et ce dans tous les secteurs. Parfois, les gouvernements ne créent pas les règlements d’application nécessaires pour qu’une loi entre en vigueur. Dans d’autres cas, ils peuvent adopter des lois ou des réglementations contradictoires, ou interpréter la législation d’une manière qui n’était pas initialement prévue ou allant à l’encontre des principes de la liberté d’expression. Dans d’autres cas encore, il est possible que les lois aient été adoptées, mais qu’elles soient purement et simplement ignorées.
Ainsi, les constitutions de nombreux pays offrent de solides garanties de liberté d’expression, mais une faible mise en œuvre de ces dernières. Par exemple, la constitution de l’Ukraine reconnaît la liberté d’expression ; toutefois, le gouvernement a parfois exercé une censure et une intimidation importantes de la presse, par exemple ce que les organisations militant pour la liberté d’expression ont en 2012 qualifié de harcèlement de la seule chaîne de télévision indépendante du pays, la TVI[i]. En Thaïlande, la constitution garantit la liberté d’expression, mais permet également de vastes restrictions à cette liberté lorsqu’il agit de préserver la sécurité nationale, de maintenir l’ordre public, de préserver les droits d’autrui, de protéger la moralité publique et d’empêcher d’insulter le bouddhisme. En outre, selon une loi controversée et fréquemment utilisée, critiquer, insulter ou menacer un membre de la famille royale est un crime de lèse-majesté passible de 15 ans d’emprisonnement[ii]. La diffamation est une infraction pénale, en dépit d’un consensus international grandissant sur le fait que pénaliser la diffamation est une violation des droits de l’homme[iii].
La cohérence juridique est également un problème. Au Liban en 2010, un journaliste a relevé que
[]les cadres réglementaires [étaient], selon les termes du ministre de l’Information Tariq Mitri… « éparpillés et incohérents », « contradictoires » et « anciens et dépassés ». En effet, des lois régissant les médias au Liban figurent dans le Code pénal, la loi électorale, la loi relative aux publications, le code de justice militaire et la loi sur les médias audiovisuels, créant de ce fait un cauchemar logistique lié au chevauchement d’instances compétentes[iv].
Inversement, il existe également des textes officiels qui contreviennent au droit à la liberté d’expression, mais ne sont pas respectés dans la pratique. Par exemple, la Norvège, qui occupait en 2012 la 2e place au classement mondial de la liberté de la presse[v], possède toujours une loi contre le blasphème, une restriction dépassée de la liberté d’expression. Aucune action en justice n’a cependant été intentée relativement à cette loi depuis 1933.
[i] « Ukraine: The authorities should stop harassing independent television channel TVi » (déclaration), page Internet de Freedom House, non daté, consulté le 24 août 2012,http://www.freedomhouse.org/article/ukraine-authorities-should-stop-harassing-independent-television-channel-tvi,
[ii]« Country Reports for Human Rights Practices, Thailand 2011 », page Internet du Department of State (États-Unis), consultée le 24 août 2012, http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/humanrightsreport/index.htm?dlid=186310#wrapper,
[iii] « Libel law violates freedom of expression – UN rights panel », The Manila Times, 30 janvier 2012, http://www.manilatimes.net/index.php/news/top-stories/16100-libel-law-violates-freedom-of-expression--un-rights-panel,
et
« Critics Are Not Criminals
Campaign Against the Criminalization of Speech, page Internet du Comité pour la protection des journalistes, consultée le 24 août 2012, http://cpj.org/campaigns/defamation/cat.php
[iv] Marwan M. Kraidy « Media Reform in Lebanon: New Media, New Politics? » Blog Sada, 26 janvier 2011http://www.carnegieendowment.org/2011/01/26/media-reform-in-lebanon-new-media-new-politics/6bhn
[v] « Classement de la liberté de la presse 2011/2012 », page Internet de Reporters sans frontières, consulté le 28 août 2012, http://fr.rsf.org/press-freedom-index-2011-2012,1043.html