Une très large proportion des médias dans le monde – particulièrement la radio et la télévision – appartient à des gouvernements ou à des états. Le terme « médias publics » est souvent utilisé pour faire référence à ces formes de propriété des médias. Il existe toutefois d’importantes distinctions entre celles-ci.
- La radiotélévision de service public utilise des fonds publics pour diffuser des émissions dans l’intérêt de l’ensemble du public. Elle est souvent établie par la loi, mais elle est impartiale et ne soutient aucun parti en particulier, y compris le parti au pouvoir. La radiotélévision de service public est à but non lucratif.
- Les médias d’État et gouvernementaux sont la propriété de l’État ou du gouvernement au pouvoir (et financés avec l’argent public) et sont sous le contrôle direct de l’État ou du gouvernement. Ils peuvent assumer une fonction de service public ou être un instrument de propagande de l’État ou de gouvernement. Généralement, les médias d’État et gouvernementaux sont également à but non lucratif.
Ces médias peuvent être financés au moyen de l’une ou de l’ensemble de ces sources :
- une redevance payée par les téléspectateurs ;
- le budget du gouvernement ;
- une redevance de programmation versée par les stations partenaires ;
- des souscriptions et subventions publiques ;
- la publicité commerciale.
Ces différentes sources de revenus peuvent avoir une incidence sur l’indépendance quotidienne du radiodiffuseur. Les recettes liées à la redevance, à la publicité et autres recettes qui ne transitent pas par le budget de l’État peuvent permettre au radiodiffuseur de conserver une certaine distance avec le gouvernement (bien que de nombreux diffuseurs soient toujours tributaires des mécanismes gouvernementaux pour collecter des redevances).
L’UNESCO définit la radiotélévision de service public comme étant « conçue, financée et contrôlée par le public, pour le public. Elle n’est ni commerciale ni étatique, libre de toute ingérence politique et de toute pression de la part de forces commerciales. Grâce à la radiotélévision de service public, les citoyens sont informés, éduqués et divertis. Quand elle est garantie par le pluralisme, la diversité des programmes, l’indépendance éditoriale, un financement approprié, l’honnêteté des comptes rendus et la transparence, la radiotélévision de service public peut servir de clé de voûte de la démocratie. »[i]
Les principes largement acceptés pour la radiotélévision de service public incluent :
- l’universalité de l’accès (géographique) ;
- l’universalité de l’intérêt (goûts et intérêts généraux) ;
- des dispositions spéciales pour les minorités ;
- la contribution au sentiment d’identité nationale et de la communauté
- l’indépendance vis-à-vis des intérêts personnels ;
- le financement direct et l’universalité du paiement ;
- la concurrence en termes de qualité plutôt que de quantité ;
- des directives qui offrent une plus grande liberté aux producteurs audiovisuels, au lieu de la restreindre.
La radiotélévision de service public peut être principalement financée par une redevance audiovisuelle, comme pour la British Broadcasting Commission (BBC) ; directement par le gouvernement, par exemple l’Australian Broadcasting Commission ; par des abonnés individuels, des subventions et une redevance de programmation, comme c’est le cas pour la National Public Radio (NPR) aux États-Unis ; ou au moins partiellement à partir de sources commerciales, comme c’est le cas avec l’Australian Special Broadcasting Service (SBS). La radiotélévision de service public des différents pays a un point commun du point de vue financier : elle n’est pas tributaire de la publicité.
La radiotélévision de service public est souvent créée par le gouvernement à l’aide de lois adoptées par le parlement. Tandis que dans certains pays, elle est soumise au contrôle général de l’État, la plupart des pays disposent aussi de garanties strictes d’indépendance dans leur constitution. La radiotélévision de service public suédoise (SvT), par exemple, garde son indépendance par rapport à l’État car elle appartient à une fondation et non à ce dernier, mais aussi parce qu’elle collecte directement la redevance auprès du public et non par le biais du gouvernement. Elle fait toutefois l’objet d’une importante surveillance par un comité parlementaire qui assure une fonction d’équilibre des pouvoirs.
Dans certaines démocraties en transition, des tentatives audacieuses ont été faites pour récupérer et moderniser rapidement l’idéal du service public après un important contrôle historique de l’État. En Afrique du Sud, depuis 1993, le radiodiffuseur public bénéficie d’une indépendance statutaire et à une certaine époque, les membres de son conseil d’administration ont même été nommés après des audiences publiques[ii].
Toutefois, d’autres pays rencontrent d’importantes difficultés pour mettre en place un véritable service public de radiodiffusion. Dans l’ex-Union soviétique, « le développement de la radiodiffusion de service public… éprouve toujours des difficultés locales transitoires [ainsi que] pour surmonter les enjeux mondiaux liés à l’environnement médiatique. » En Lettonie par exemple, en 2011, « les décisions politiques relatives à la radiodiffusion de service public sont toujours prises dans l’intérêt des autorités et de l’élite plutôt que dans l’intérêt du public » ; la radiodiffusion de service public fonctionne toujours « comme des diffuseurs paternalistes qui tendent à servir d’éducateurs publics « supérieurs ». »[iii]
Les radiodiffuseurs appartenant à l’État ou au gouvernement, sous le contrôle direct de l’État, étaient un modèle commun de l’Union soviétique (et plus tard dans de nombreux pays qui l’ont suivi). Dans l’ère post-soviétique, la réforme de ces radiodiffuseurs a le plus souvent été difficile et lente. En Lettonie par exemple, la distinction entre radiotélévision de service public et radiotélévision d’État reste obscure pour de nombreux parlementaires, 20 ans après l’indépendance[iv].
Les colonisateurs français et britanniques ont exporté leur modèle de radiodiffusion publique, mais les résultats n’ont pas été probants et les diffuseurs coloniaux n’avaient que peu de liberté. Après l’indépendance, de nombreux gouvernements postcoloniaux ont perpétué la tradition et utilisé les diffuseurs comme outil de propagande du gouvernement.
La radiotélévision de service public s’appuyait sur une croyance qui demeure vraie dans la plupart des pays du monde : le secteur privé ne peut à lui seul garantir le pluralisme dans le secteur de la radiodiffusion. Le problème est que, dans la plupart des cas, les médias publics n’y sont pas non plus parvenus. Dans de nombreux pays, avec l’avènement de la radiodiffusion privée, les gouvernements sont encore plus déterminés à conserver le contrôle éditorial de radiodiffuseur public.
Les radiodiffuseurs constituent la part la plus importante des médias publics, appartenant à l’État ou au gouvernement. Mais il existe toujours certains journaux publics ou gouvernementaux. Leur logique économique diffère de celle des radiodiffuseurs publics et ils ne sont souvent guère plus que des outils de propagande du gouvernement. Il existe toutefois certaines exceptions, dont l’Ouganda est un exemple intéressant. Le plus grand journal du pays est New Vision, dans lequel l’État détient une participation de contrôle. Ce journal est connu pour son indépendance éditoriale et son professionnalisme, et pour publier différents points de vue – bien que cette indépendance ait été mise en doute lorsque New Vision a été accusé de parti pris pro-gouvernemental lors des élections de 2011[v]. Heureusement, il existe par ailleurs différents médias privés indépendants en Ouganda qui expriment d’autres opinions.
[i] « Public Service Broadcasting », site Internet de l’UNESCO, consulté le 22 août 2012, http://portal.unesco.org/ci/fr/ev.php-URL_ID=1525&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
[iii] Robert Britt Horwitz, Communication and Democratic Reform in South Africa, (Cambridge : Cambridge University Press, 2001), p. 171
[iii] Ieva Beitika, « Development of Public Service Broadcasting: Local And Global Challenges and the Public Value », Media Transformations (Vytautas Magnus University), mai 2011, p. 59, http://www.balticmedia.eu/sites/default/files/Beitika_MT_2011:5.pdf
[iv] Ibid
[v] « Freedom of the Press 2012 Findings Released », African Centre for Media Excellence, 11 mai 2012, http://www.acme-ug.org/news/item/241-freedom-of-the-press-2012-findings-released