Un cas national qui mérite une attention particulière est le processus de réforme des systèmes politiques et électoraux du Mexique. À partir d'un système électoral dont les lacunes organisationnelles et matérielles ont contribué à saper la crédibilité démocratique de tout le système politique, on a entrepris une réforme législative et organisationnelle extrêmement ambitieuse. Le projet a deux aspects principaux. D'un côté, la réforme législative vise à accroître le nombre de postes élus et surtout à garantir la liberté de se présenter aux élections ainsi que la transparence du processus. De l'autre côté, la réforme complète de l'Institut électoral, l'organisme chargé d'administrer et contrôler le processus électoral, assure des garanties raisonnables d'honnêteté dans le développement matériel du processus et favorise des changements à la réglementation.
1. La réforme politique et électorale de 1996
La réforme législative de 1996 a, dans son ensemble, eu un effet sur plusieurs aspects importants du système électoral :
a) La composition de la Chambre des députés
- La limite de représentation du principal pouvoir élu est établie à 300 députés, élus selon les deux principes de la majorité et de la proportionnalité (60 % des 500 sièges).
- Un niveau maximal de surreprésentation est établi à 8 points dans le rapport votes-sièges pour tous les partis politiques comme complément à un maximum établi pour la représentation du principal pouvoir électoral, afin de renforcer la proportionnalité.
- Une augmentation de 1,5 % à 2 % du seuil électoral requis pour qu'un parti politique puisse participer à la distribution des sièges pour la représentation proportionnelle.
b) Le Sénat
- Le principe de la représentation proportionnelle est incorporé pour élire 32 des 128 membres. Maintenant, trois sénateurs sont élus dans chacune des 32 entités fédérales : deux selon le principe de la majorité relative et le troisième est accordé à la principale minorité; les 32 autres seront élus selon le principe de la représentation proportionnelle par le truchement de listes dans une seule circonscription nationale plurinominale.
- Le seuil électoral pour l'attribution des sièges de sénateurs selon la représentation proportionnelle est aussi établi à 2 % des votes déposés à l'échelle nationale.
c) Les groupements et partis politiques
- Il n'existe qu'une seule procédure pour qu'une organisation politique puisse être inscrite comme parti politique national. On a éliminé l'ancienne méthode qui reconnaissait des inscriptions conditionnelles permettant aux organisations politiques de participer aux élections fédérales.
- Les exigences pour être inscrit comme parti politique sont plus flexibles : plutôt que les 75 000 membres à l'échelle nationale qu'on exigeait, il suffit maintenant de 3 000 membres dans au moins 10 des 32 entités fédérales, ou 300 dans au moins 100 des 300 circonscriptions uninominales; le total doit être d'au moins 0,13 % du registre des électeurs ayant servi à la plus récente élection fédérale précédant la demande d'inscription.
- Le pourcentage minimal requis pour qu'un parti politique national puisse demeurer inscrit est de 2 %.
- Le concept des groupements politiques habilités à participer aux processus électoraux fédéraux est reconnu s'ils enregistrent une entente de participation avec un parti politique auprès de l'autorité électorale. Ces groupes doivent avoir au moins 7 000 membres à travers le pays, un corps administratif national et des bureaux dans au moins 10 entités fédérales. Ils profitent d'un système fiscal spécial et de fonds publics.
d) Des réformes pour améliorer l'équité dans les campagnes électorales :
- On trouve plus d'équité dans l'accès aux ondes durant les périodes électorales sans égards aux 15 minutes par mois dont les partis disposent de façon permanente. Durant les périodes électorales, 30 % du temps d'entenne sera distribué de façon égalitaire et 70 % sur une base proportionnelle. Le temps d'antenne supplémentaire inclut non seulement jusqu'à 250 heures de radio et 200 heures de télévision au cours d'une élection présidentielle (qui est réduit de la moitié pour les élections strictement législatives), mais aussi l'acquisition mensuelle, au nom de l'Institut électoral fédéral, d'un maximum de 10 000 bulletins promotionnels de vingt secondes chacun à la radio et 400 à la télévision.
- Le droit de clarifier des informations publiées par les médias durant les campagnes électorales est accordé quand on considère qu'ils ont déformé les faits ou les situations concernant des activités ou des individus.
- Il est reconnu que le financement public doit avoir préséance sur les autres types qui sont permis et régis par la loi.
- Il y a trois genres de financement public : les activités permanentes ordinaires, les dépenses de campagnes et les activités spéciales d'intérêt public.
- Les contributions anonymes sont interdites et de nouvelles limites sont imposées aux contributions des supporteurs.
- On a accru les pouvoirs de la Commission sur la taxation des ressources des partis et des groupements politiques. Parmi ces pouvoirs on retrouve la vérification de leurs finances et des visites de vérification afin de confirmer qu'ils respectent leurs obligations et que leurs rapports sont véridiques.
- Les règles sont changées pour que l'Institut électoral fédéral puisse fixer les limites des dépenses électorales.
e) Les possibilités légales pour la formation de coalitions électorales sont accrues.
f) Questions de justice électorale
- Les contestations de la constitutionnalité des lois promulguées au niveau national ou local sont acceptées et on reconnaît que les partis politiques sont les seuls sujets à pouvoir les soumettre à la Cour suprême de la nation.
- Les lois électorales fédérales et locales doivent être promulguées et publiées au moins 90 jours avant le début du processus électoral auquel elles s'appliqueront. Aucune modification ne peut être apportée à ces lois durant le processus électoral.
- Les mécanismes d'appel des décisions et des actions des autorités électorales sont accrus afin d'assurer les droits électoraux du public.
- Un nouveau système constitutionnel de révision des actions et décisions des autorités électorales est créé visant l'organisation et le développement de même que la résolution des questions qui peuvent en découler.
- La cour électorale est incorporée au judiciaire de la fédération, comme organisme spécialisé en la matière avec le maximum d'autorité juridictionnelle sauf pour les questions d'inconstitutionnalité.
g) Les Constitutions et les lois des États doivent incorporer des principes de base et des garanties comparables à ceux qui existent au niveau fédéral.
h) Le système politique électoral du district fédéral est modifié :
- L'Assemblée des représentants est convertie en Assemblée législative et assume de nouveaux pouvoirs.
- Le chef du gouvernement du district fédéral sera élu par élection directe pour une période de six ans et ses pouvoirs sont accrus.
2. La réforme de l'Institut électoral fédéral
Comme il serait pratiquement impossible d'assurer la mise en oeuvre de toutes ces réformes sans modification parallèle de l'administration électorale, on a aussi considérablement réorganisé l'Institut.
L'Institut électoral fédéral est l'organisme public autonome responsable de l'organisation des élections fédérales, soit celles du président des États Unis mexicains, des députés et des sénateurs. Il est en place depuis le 11 octobre 1990, et est né de la réforme constitutionnelle de 1989 et du nouveau code fédéral des institutions et des procédures électorales, établi en août 1990.
Depuis lors, trois nouveaux processus de réforme importants ont vu le jour en 1993, 1994 et 1996. La réforme de 1993 a accru les pouvoirs de l'Institut pour ce qui est de la nomination des candidats et des limites aux dépenses électorales. La réforme de 1994 a augmenté l'importance des citoyens-conseillers au sein de l'Institut en leur accordant la majorité des votes et a aussi accru le pouvoir des organismes de gestion au niveau des États et des districts. La réforme de 1996 a tenté de renforcer l'autonomie de l'Institut en le séparant complètement du pouvoir exécutif et en réservant le droit de vote au sein des organismes de gestion aux seuls citoyens-conseillers.
La nomination des membres de l'Institut a été laissée au pouvoir législatif, exigeant un meilleur degré d'entente afin d'atteindre un consensus plus acceptable.
Ensuite, la structure et les moyens matériaux de l'Institut ont été considérablement renforcés. L'Institut a aussi assumé le contrôle permanent des questions relatives notamment à la reconnaissance, au financement et à l'accès aux médias des partis politiques.
Par ailleurs, la cour électorale a été incorporée au judiciaire. Il est possible de lui soumettre les actions et décisions des autorités électorales, ce qui peut avoir un effet considérable sur le résultat final des processus électoraux. L'Institut a un effectif incorporé en un Service électoral professionnel qui, contrairement à des corps électoraux précédents qui ne fonctionnaient que durant les processus électoraux, est de nature permanente. Le Service est organisé de façon décentralisée par le biais d'organismes établis dans chacune des 32 entités fédérales et 300 circonscriptions uninominales que compte le Mexique aux fins électorales.
L'Institut électoral fédéral assume plusieurs tâches dans la préparation, l'organisation, la conduite et l'observation des élections fédérales :
- maintenir et mettre à jour la liste des électeurs;
- assurer le respect des droits des groupements et partis politiques;
- concevoir et imprimer le matériel électoral;
- préparer le jour des élections;
- former les citoyens à qui on confie la tâche de recevoir les votes et de les compter dans chaque bureau de scrutin;
- calculer les résultats et déclarer les gagnants;
- calculer les résultats pour l'élection du Président des États Unis du Mexique;
- réglementer l'observation électorale, les enquêtes et les sondages d'opinions à des fins électorales;
- concevoir et exécuter des programmes d'éducation civique.
Les objectifs qui devraient inspirer le fonctionnement et l'organisation de l'Institut sont d'une grande valeur. Ses principes vont plus loin que de viser l'efficacité dans les activités administratives mais incluent le but de « contribuer au développement de la vie démocratique, assurer le renforcement du système des partis politiques, garantir les droits politiques des citoyens et assurer que des élections pacifiques sont tenues de façon périodique ».