Il n'existe aucune règle universelle pour décider quel organisme doit être chargé de la mise en oeuvre de la réforme ou quelle est sa constitution idéale. En principe, avant même l'étape de discussion et d'adoption d'une réforme et conformément aux règles de chaque système légal, une commission parlementaire ou composée d'experts indépendants et de spécialistes gouvernementaux, devrait rédiger les textes de loi d'une certaine complexité technique.
Un argument en faveur d'une commission constituée d'experts qui sont indépendants du gouvernement et des forces politiques est que ses travaux sont généralement plus équilibrés et neutres puisqu'exécutés en dehors du domaine des intérêts économiques des forces politiques. Ces travaux techniques risquent d'être plus exacts puisque l'absence de contrainte contribue à une étude plus méticuleuse des besoins et mène à des solutions techniques plus efficaces. Toutefois rien ne garantit des conditions de neutralité absolue et il n'est pas certain que ce devrait être l'objectif visé par les procédures de nomination. On ne doit pas exclure à l'avance la participation des forces politiques aux travaux de réforme qui auront une incidence sur un de leurs règlements fondamentaux.
D'un autre côté, il est rare que les experts en constitutionnalité ne s'intéressent pas à la vie politique nationale et qu'ils soient indifférents à toute influence partisane ou aux opinions qui ne sont pas strictement scientifiques. Même les procédures de nomination de ces commissions ne garantissent pas une neutralité indubitable. Il faut se rappeler les membres nommés par le président de l'Afrique du Sud pour la réforme du régime d'apartheid, ou encore la commission nommée par le président d'Azerbaïdjan pour rédiger une nouvelle loi électorale. Dans l'ensemble les expériences récentes où les commissions étaient constituées de forces politiques ont été positives, comme par exemple au Mozambique, au Sénégal, en Guinée-Bissau, en Colombie et au El Salvador.
En réalité le problème n'est pas causé par la constitution et la nomination des membres de ces commissions mais bien par les règles générales qui régissent leurs activités. Une commission qui peut subir les influences contradictoires des différentes forces politiques est encore préférable à celle dont les agissements sont dictés par un seul parti. De même, une commission qui tient des discussions relativement transparentes est préférable à celle dont les agissements en secret minent la confiance du public dans les résultats.
Règle générale, il vaut mieux que les forces politiques atteignent un certain consensus sur la constitution de la commission et ses projets que feindre une neutralité angélique. Sans un certain consensus de la part des forces politiques, le travail d'une commission ne serait pas facile.
Règle générale, avant d'élaborer de nouveaux règlements électoraux, les forces politiques doivent respecter certains critères généraux approuvés au préalable. En particulier, elles doivent s'entendre sur les objectifs de la réforme, l'échéancier approximatif et les procédures de travail visant à faciliter l'exécution des tâches techniques et d'assurer la transparence. Les réformes entreprises par la Tanzanie et le Maroc, qui ont pourtant été graduelles à juste titre, ont attiré de vives critiques en raison de leur manque de précision, de l'absence d'objectifs déclarés et d'un échéancier clair et même, dans le cas de la réforme marocaine, de l'absence de tout règlement prévoyant la concrétisation du progrès dans le processus de transition.
La commission récemment nommée au Royaume-Uni, présidée par un ancien ministre du Travail et présentement membre des libéraux-démocratiques, doit étudier une réforme possible en vue de rendre le système électoral britannique plus proportionnel. Toutefois, on n'a pas discuté de sa constitution et, à cause de la méfiance face a l'expertise et à la neutralité de ses membres, il n'est pas sûr que l'on discutera davantage de ses conclusions.
L'exemple de la réforme du système électoral en Espagne est intéressant: c'est un des principaux éléments de la réforme politique qui a mené à l'adoption de la Constitution de 1978. Les éléments de base du système électoral, qui ont ensuite été inscrits, dans la Constitution, résultent d'une Loi sur la réforme politique rédigée par quelques détenteurs des principaux postes politiques de l'après-Franco et approuvée par la chambre non démocratique du régime Franco.
La nécessité d'un consensus parlementaire pour approuver la réforme et l'opportunité de la participation d'un organisme électoral indépendant dans sa mise en oeuvre, ou tout au moins son droit de parole en la matière, sont présentés dans une autre section (voir Processus de promulgation et de réforme).
Enfin il peut être opportun et même nécessaire qu'une réforme soit approuvée par la majorité de l'électorat par voix de référendum. À cause de son contenu et dans le but de renforcer sa stabilité et sa permanence, y compris de façon symbolique, la loi électorale doit étre perçue comme un instrument légal d'ordre supérieur. La logique interne d'un système démocratique représentatif ne demande pas la tenue d'un référendum pour ratifier ce qui a été approuvé par les représentants du peuple élus librement. Elle ne nécessite pas non plus que ces représentants tentent de renforcer la légitimité du contenu de ce qu'ils ont approuvé. Par exemple, dans plusieurs pays d'Afrique, comme en Mozambique et en Ouganda, la transition vers un. régime démocratique a connu simultanément la tenue d'un. recensement, l'adoption d'une nouvelle loi, une nouvelle administration et une première élection. Par contre, le processus de réforme politique en Espagne a été renforcé par un référendum. sur les procédures proposées et il a obtenu l'appui légitime du peuple. Le gouvernement réformiste n'avait pas cet appui.