Introduction
L'importance des partis politiques dans un système démocratique représentatif est telle que les démocraties sont souvent appelées des « États de partis ». Parmi leurs fonctions les plus importantes, on retrouve :
- la création d'une atmosphère favorable au développement, au regroupement et à la représentation d'opinions et d'intérêts politiques dans le cadre du processus électoral,
- une contribution au choix d'une élite politique et de chefs et,
- la formulation de programmes et de choix idéologiques qui s'opposent dans l'arène politique, créant ainsi un cadre pour les intérêts et les préférences idéologiques.
En d'autres mots, comme le faisait remarquer Lipson, l'État organise et met en oeuvre tout ce qui a une importance politique.
Bien que toutes ces fonctions soient le fondement même de plusieurs éléments du système légal de l'État, notre but ici n'est pas de toutes les examiner, mais plutôt d'en analyser les aspects qui ont une incidence sur la participation des partis au processus électoral. L'intensité de l'implication des partis dans ce processus varie d'un système à l'autre et d'un niveau électoral à l'autre. Dans le cas d'élections parlementaires, les partis détiennent parfois le monopole sur la présentation de candidats, alors que dans presque tous les cas, l'identification de la liste au nom du parti qui l'appuie est déterminante. Dans le cas d'élections présidentielles, la personnalité du candidat est naturellement importante, autant que le parti politique auquel il appartient.
Concept et évolution
Les partis politiques sont des regroupements volontaires de citoyens qui sont créés pour contribuer au choix des politiques de l'État (ou du niveau territorial concerné) en influant sur la volonté politique des citoyens, l'appui accordé aux candidats présentés, l'élaboration de programmes politiques et toutes les activités qui peuvent permettre d'atteindre ces buts.
La structure et le fonctionnement des partis dans un État démocratique doit être libre même s'ils peuvent être soumis à certaines exigences pertinentes aux principes démocratiques, à la Constitution, aux lois et à la loyauté au système démocratique (comme l'élaboration de statuts déposés dans un endroit accessible au public ou auprès de l'autorité électorale).
Certaines exigences peuvent aussi être imposées aux partis politiques parce que certaines de leurs activités sont subventionnées par les fonds publics. Dans certains systèmes très élaborés, des mécanismes existent pour s'assurer que leur structure et leur fonctionnement sont démocratiques.
La structure des partis peut varier grandement. Ceux d'aujourd'hui sont issus de deux sources principales :
- les partis, à tendances libérales, issus des Révolutions française et américaine;
- les grands partis travaillistes qui ont fait leur apparition dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle.
Les premiers sont le reflet de la structure des toutes premières Constitutions où seulement une petite portion de la population masculine avait droit de participer à la vie politique et de voter. Dans ces groupes, dont les programmes et idéologies étaitent plutôt flexibles, les relations personnelles étaient déterminantes. Leur toute première mission était d'assurer leur propre ré-élection. Ils visaient ensuite le recrutement de nouveaux parlementaires dont les premiers pas dans la carrière politique consistaient habituellement à se voir élus membres du parlement. Ils ont évolué de façon très différente en Amérique qu'ils ne l'ont fait dans les pays européens et les deux modèles ont ensuite été exportés vers les régions où ces pays exerçaient une influence politique et culturelle.
Les grands partis de masse ont vu le jour en Europe, dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle et avec des caractéristiques radicalement différents. On y retrouvait de plus en plus de citoyens dont la majorité appartenait à la classe ouvrière et qui étaient même dépourvus du droit de vote. Ces partis étaient constitués selon les classes sociales et visaient le combat pour l'égalité et la justice sociale contrairement aux groupes privilégiés qui détenaient le monopole sur la richesse et le pouvoir politique. Dans la majorité des cas, ils ont vu le jour comme sections syndicales orientées vers la politique parlementaire, comme suite à une décision de ne pas s'en tenir à l'action industrielle, mais d'entrer en politique d'où ils pouvaient donner plus de poids à leurs revendications. Leur idéologie et leur programme constituaient l'axe même de leur action politique qui ne s'en tenait pas à fournir un certain appui aux candidats durant les processus électoraux. Ils étaient dotés d'une structure permanente et d'un corps gouvernant, et comptaient une masse de membres bien organisés.
Par la suite, ils ont été divisés en deux genres bien distincts. D'un côté on retrouve ceux qui acceptaient le principe voulant que le système électoral est la route démocratique vers le pouvoir comme ce fut le cas pour le parti Travailliste en Grande Bretagne, et le parti Social-démocrate en Allemagne et dans les pays nordiques. À l'opposé, on retrouve ceux qui insistaient que la révolution était le seul chemin vers le pouvoir, et c'est de ceux-ci que sont nés les partis communistes qui ont gouverné de façon incontestée l'ancien bloc soviétique.
C'est entre les deux Guerres mondiales du vingtième siècle qu'on a vu le plus grand nombre de partis de masse surgir en Europe. La prédominance et les conflits ouverts entre les partis d'origine socialiste et les différents modèles de partis de masse à tendance fasciste ont acculé les partis plus libéraux et ont été une des principales causes de la deuxième guerre mondiale. La victoire des démocraties parlementaires a relégué les partis fascistes à des rôles de second plan dans des régimes comme celui de Franco en Espagne, celui de Salazar au Portugal et quelques autres en Amérique latine.
La décolonisation a conduit à la formation de deux grands modèles de partis :
- des partis de masse de nature démocratique dans des pays qui ont conservé le système représentatif, bien que ne conservant qu'un seul grand parti, comme ce fut le cas aux Indes;
- des fronts ou partis décolonisateurs qui ont évolué en États à parti unique qui n'étaient que partiellement ouverts et représentatifs, comme on en trouva plusieurs exemples en Afrique et en Asie.
Pour sa part, le continent américain a adopté le modèle des partis libéraux d'origine bourgeoise, à cause de l'influence du constitutionnalisme espagnol, pour passer plus tard au modèle des deux partis prôné par les États-Unis.
Quels partis devraient s'affronter dans des élections libres
La participation à des élections démocratiques devrait être accessible à tous les partis qui acceptent le système démocratique et font refléter ses principes dans leurs opérations, leurs objectifs et leur conduite. L'adhésion au système démocratique au sein duquel ils opèrent ne devrait cependant pas inclure l'acceptation absolue des lois et politiques de l'heure. Rien n'empêche les partis de préconiser des réformes ou des amendements à la Constitution, pourvu qu`ils acceptent les procédures établies dans les règlements en place pour accéder au gouvernement ou pour obtenir des réformes ou des changements législatifs.
La majorité des systèmes comprennent des exigences minimales pour qu'un parti soit reconnu et puisse participer au processus politique. Ceci implique généralement que la constitution des partis est accessible au public par voie d'enregistrement ou de tout autre forme de diffusion et qu'il est établi que les partis sont de nature démocratique tant dans leur fonctionnement interne que dans leur action publique.
Règle générale, les partis sont inscrits à un registre public tenu par le procureur général ou l'organisme électoral. Dans un système pluraliste, il s'agit d'une exigence absolue qui assure que le nom et l'identification d'un nouveau parti ne prêteront pas à confusion avec tout autre parti déjà inscrit. Leur plate-forme, telle que soumise, doit démontrer que le parti ne poursuivra que des objectifs légaux, par des moyens démocratiques et avec un fonctionnement interne tout aussi démocratique. Si le moindre doute surgit à cet égard, il doit être soumis à une autorité gouvernementale indépendante ou judiciaire comme l'organisme électoral ou le parlement.
La controverse entourant la tolérance qu'un système démocratique doit accorder à des groupes ou des partis qui s'engagent dans des activités qui ne sont pas démocratiques ou qui visent à éliminer le système démocratique, dure depuis aussi longtemps que la démocratie elle-même. Il y a plusieurs solutions possibles qui doivent prendre en considération les racines mêmes de chaque système, mais on ne peut rien permettre qui mette en péril l'autorité de la loi ou le système démocratique lui-même. Le but n'est pas de réglementer les manifestations en faveur de la liberté d'expression, mais bien de mener, dans un contexte de compétition électorale, des activités politiques pertinentes.
En général, on accorde la légitimité à tout objectif qui ne viole pas l'esprit des lois et ne cherche pas à limiter le système démocratique ou à le remplacer par un système qui ne l'est pas. Pourvu qu'ils respectent les lois et règlements en place, il est tout à fait légitime de proposer des changements au système électoral, aux divisions territoriales ou administratives, à la répartition des pouvoirs ou même à la Constitution. De toute façon, il est normal d'exiger des partis qui veulent participer à des élections démocratiques, qu'ils acceptent et respectent le système constitutionnel et les règles de la démocratie, non seulement comme stratégie pour accéder au pouvoir, mais aussi dans l'éventualité où ils se retrouveraient au pouvoir. Le minimum que cette loyauté implique est le respect de l'autorité de la loi, des droits constitutionnels, des procédures qui gouvernent l'exercice du pouvoir public et des institutions de l'État démocratique. Il va de soi que ceci ne peut être laissé à la surveillance du pouvoir exécutif, mais doit être confié à un organisme indépendant doté du droit constitutionnel de remplir cette fonction.
Procédures démocratiques internes
À mesure que le système des partis et le système démocratique dont ils font partie gagnent en maturité, les règles qui gouvernent l'activité interne des groupes politiques qui aspirent au pouvoir deviennent plus ouvertes et transparentes. On retrouve la manifestation de ce phénomène dans le fait que les chefs et les programmes d'action politique de chaque parti sont choisis selon des procédures démocratiques ouvertes à tous les membres du parti concerné. C'est un élément non négligeable dans les systèmes de partis bien établis. On s'y assure que les grands principes sont bien ancrés afin de consacrer plus d'énergie aux procédures internes. De toute façon, il est évident que le charisme et la popularité des candidats y sont pour beaucoup dans le choix des chefs. Mais, peu importe les raisons qui inspirent la décision des membres, ils peuvent tous s'exprimer démocratiquement, et même faire appel à la cour ou à d'autres organismes indépendants si leurs droits ne sont pas respectés.
Règles pour la conduite externe
La conduite externe des partis politiques comporte deux aspects distincts :
- les moyens qu'ils emploient dans leurs activités politiques en général;
- les exigences et règles de conduite qui gouvernent leur participation aux différents processus électoraux.
Dans le premier cas, leurs actions doivent être guidées par les règlements en place pour la protection des droits constitutionnels et de l'action des autres partis. La violence, la coercition et l'intimidation doivent être exclues de même que des moyens qui trahissent les règles du dialogue idéologique libre entre partis comme l'achat de votes, les atteintes aux procédures de financement des partis politiques, et toute forme de propagande interdite à cause de l'auditoire visé ou des moyens employés.
De plus en plus, on établit des codes d'éthique volontaires pour les partis. Ils stipulent les façons d'agir surtout dans le cadre de processus électoraux et contiennent :
- les moyens permis et ceux qu'il faut éviter pour la propagande électorale (p. ex. des allusions à la vie privée ou à des situations personnelles de candidats);
- des règles de base concernant le débat politique entre les partis ou les candidats afin d'éviter les excès;
- on y retrouve parfois des sujets qui ne devraient pas faire l'objet de disputes électorales à cause de leur nature sensible ou au nom du maintien d'un consensus sur des sujets qui n'ont rien à voir avec les élections (la forme de gouvernement, les problèmes territoriaux ou religieux, etc.) (voir Codes de conduite pour les partis politiques)