Contenu et rôle des règlements administratifs
Une loi électorale, toute complexe et détaillée qu'elle soit, ne peut pas et ne doit pas être exhaustive au point de déterminer jusqu'aux menus détails du matériel nécessaire au processus électoral, comme les urnes, les bulletins de vote, les isoloirs et les nombreux formulaires, pas plus que les allocations de subsistance et de déplacement des fonctionnaires électoraux, l'affichage des listes électorales et leur modification, la distribution de publicité électorale, etc. Ces détails doivent être adaptés ou modifiés périodiquement, souvent pour chaque élection.
Ces dispositions (moins nombreuses que les dispositions législatives) sont essentielles pour la bonne marche des élections, mais doivent faire l'objet de règlements administratifs.
Organisme chargé d'énoncer les règlements administratifs
La difficulté majeure reliée aux réglements administratifs est de décider à qui confier l'autorité de les énoncer.
Une des caractéristiques du processus électoral est le grand nombre de dispositions de la loi qui doivent être interprétées et mises en pratique à l'intérieur d'échéanciers très restreints alors que leur non-respect peut être lourd de conséquences. Ainsi, un retard à proclamer la liste des candidats peut avoir une portée sur des opérations électorales subséquentes et peut même empêcher de les exécuter.
Il n'est donc pas pratique qu'un organisme autre que celui qui est chargé d'administrer le processus électoral soit chargé d'énoncer ces règlements administratifs. Il n'existe d'ailleurs aucun précédent qui pourrait justifier une telle pratique. En effet, il existe une grande variété dans la structure des organismes électoraux, qui peuvent être indépendants, répondre au Parlement ou au pouvoir exécutif, et être permanents ou temporaires, etc. Pour simplifier, nous pouvons mentionner deux groupes de structures fonctionnellement distinctes :
- l'organisme électoral indépendant également chargé du fonctionnement et du contrôle du processus électoral, comme ceux en vigueur au Costa Rica, au Nicaragua, au Honduras, au Guatemala, dans d'autres pays de l'Amérique centrale et de l'Amérique du Sud, de l'Afrique ainsi qu'en Australie et en Nouvelle-Zélande;
- les pays qui ont adopté un système d'administration électorale mixte selon lequel le processus électoral est mis en pratique par l'administration générale du pays, alors que la gestion et le contrôle de ce même processus sont confiés à un organisme indépendant comme c'est le cas en Argentine, en Espagne, dans la majorité des pays de l'Union européenne et dans certains pays francophones de l'Afrique comme le Sénégal, les pays du centre de l'Afrique et la Côte-d'Ivoire.
Il faut cependant signaler au départ que le terme « indépendant » peut se prêter à une interprétation erronée vu qu'il est employé pour désigner d'une part une certaine autonomie fonctionnelle vis-à-vis des autres pouvoirs d'État et, d'autre part, certains pays utilisent le même terme pour désigner un organisme qui jouit d'un statut constitutionnel comme quatrième pouvoir d'État.
Dans les pays où un seul organisme électoral indépendant est institué, c'est celui-ci qui est chargé de la réglementation administrative. Il arrive même parfois que le statut de pouvoir d'État d'un tel organisme (comme c'est prévu dans la Constitution du Nicaragua) soit enchâssé au point que ses décisions ne soient assujetties à aucun autre pouvoir, pas même au pouvoir judiciaire ni à la Cour constitutionnelle lorsqu'elle existe.
Une telle situation ne se présente toutefois pas dans un système d'administration électorale mixte où l'on considère que le pouvoir exécutif doit énoncer la réglementation administrative et le pouvoir judiciaire doit être chargé de son contrôle. Cette approche reflète la notion la plus orthodoxe de répartition des pouvoirs et est appuyée du fait qu'avant même que la réglementation électorale soit approuvée, l'organisme électoral doit en certifier la légitimité et le pouvoir exécutif doit s'y conformer.
Les deux approches ont le même objectif, bien que par un biais différent, soit celui de prévenir le caractère partisan des règlements, ce qui pourrait affecter le résultat de l'élection.
C'est précisément pour cette raison que l'on contrebalance les mécanismes ordinaires de contrôle de ces règlements exercés par le pouvoir exécutif, par le biais d'activités de nature et d'intensité différentes des organismes électoraux. Cette mesure ne reflète pas nécessairement un manque de confiance envers le contrôle que peut exercer le pouvoir judiciaire ordinaire sur les activités de l'organisme électoral. À cause de la nature exclusive de chacune des phases que nous avons énoncées, il est normalement nécessaire que chacun des mécanismes de contrôle entre en fonction rapidement, ce qui n'est pas toujours possible à l'intérieur du cadre judiciaire normal.