Approche
Cette section fait l'étude de la structure législative du processus électoral, en particulier l'équité et l'efficacité de la réglementation du processus ainsi que de la gestion des ressources disponibles pour les élections. Elle repose sur l'hypothèse que des élections libres et équitables détermineront qui exercera le pouvoir politique, ce qui peut être le cas dans divers contextes politiques et sociaux :
- à l'intérieur de systèmes politiques différents (ex. modèle parlementaire ou présidentiel);
- sous divers types de gouvernement (ex. monarchique ou républicain); et
- à l'intérieur d'une structure d'État centralisée ou décentralisée.
D'abord et avant tout, il faut déterminer les conditions juridiques et les structures organisationnelles qui garantiront un processus électoral libre et équitable, tout en étant économiques.
Principes
Un processus électoral libre et équitable repose sur les conditions suivantes :
- tout citoyen a le droit d'y participer comme électeur et comme candidat;
- les élections doivent avoir lieu de façon régulière et périodique;
- les élections doivent se dérouler dans une atmosphère qui respecte les droits fondamentaux des citoyens;
- les procédures doivent garantir la liberté individuelle, le secret du vote et le dépouillement exact des votes;
- le contrôle du processus doit être confié à un organisme électoral autonome et indépendant du pouvoir d'État et du gouvernement.
Un processus électoral se doit d'observer un contrôle efficace des coûts (voir Considérations financières). Le principal objectif d'une élection est toujours d'élire un gouvernement légitime et d'établir un régime libre, surtout en période de transition, sans quoi il demeure impossible de résoudre les autres problèmes sociaux et politiques du pays. Il n'en reste pas moins que l'aspect financier ne doit pas être négligé car aucun pays peut se permettre de maintenir un processus électoral dont le coût dépasse ses capacités financières, surtout si un sérieux déséquilibre social prévaut.
Ainsi, l'appui de la communauté internationale s'avérera plus efficace s'il vise à doter le pays d'organismes électoraux financièrement viables au lieu d'établir des structures coûteuses qui dépendraient toujours de l'aide étrangère. L'organisme électoral constitue un élément essentiel du système démocratique et se doit de faire preuve d'efficacité organisationnelle et financière et non d'agir en isolation en s'appuyant sur l'aide étrangère.
Actes juridiques
L'élaboration du cadre législatif le plus approprié qui soit pour la réglementation d'élections doit tenir compte des considérations suivantes.
L'organisation d'élections requiert un système de réglementation global, allant de la réglementation constitutionnelle du suffrage direct et indirect jusqu'aux codes de conduite tacites et explicites pour les participants.
Le principal acte juridique est la loi électorale, qui doit faire l'objet d'un consensus quant à son contenu et s'appuyer sur un certain degré de permanence des principales forces politiques. Ses principales fonctions sont d'abord d'énoncer les éléments majeurs du système électoral et ensuite d'élaborer les procédures garantissant le droit au suffrage (voir Loi électorale).
Il n'est toutefois ni pratique ni approprié d'énoncer des procédures exhaustives dans les textes législatifs, parce qu'il devient alors difficile de les modifier. L'expérience électorale démontre qu'il est nécessaire de disposer d'une marge d'adaptation et d'interprétation des règlements administratifs par les autorités électorales (voir Règlements administratifs).
Comment formuler la Loi électorale? Un consensus politique touchant la réglementation électorale devient d'autant plus essentiel lorsqu'un pays est en période de transition. Il est cependant très difficile de déterminer la stratégie la mieux adaptée à chaque pays sans tenir compte de son contexte (voir Processus de promulgation et de réforme).
En général, il est possible d'atteindre un moyen terme entre :
- une stratégie maximaliste visant à obtenir le plus vaste consensus sans se préoccuper du délai requis, et
- une stratégie minimaliste se limitant à effectuer les modifications absolument indispensables de la loi existante pour la tenue d'élections concurrentielles.
L'expérience démontre que ces deux stratégies comportent de graves inconvénients et il convient d'évaluer dans chaque cas combien de temps et de dialogue on peut se permettre de consacrer à la création d'une réglementation électorale.
Éléments essentiels
Dans tout processus électoral, il faut considérer les éléments essentiels suivants.
En premier lieu, le droit de vote de chaque personne doit avant tout être garanti afin de prévenir toute discrimination ou privation du droit de vote injustifiable (voir Privation du droit de vote). Ceci implique que les causes de privation doivent être explicites, faire l'objet d'une interprétation restrictive et, dans tous les cas, viser à préserver la plus grande liberté d'expression possible.
Certaines législations électorales prévoient des mesures discriminatoires positives en accordant des sièges en fonction de la race, de la culture ou même du sexe. Bien que ces mesures visent à assurer la participation de groupes historiquement exclus, elles font exception à deux principes fondamentaux du processus électoral, soit :
- le principe d' « une personne, un vote », et
- le principe que la représentation politique signifie la représentation de l'ensemble de la nation et non seulement de certains groupes ou de certaines classes.
Ce genre de mesures positives visant l'intégration de certains groupes ne doivent être que temporaires, car leur permanence risquerait d'instaurer une approche néo-corporatiste.
En second lieu, il convient de signaler un élément matériel de la législation visant à assurer de façon décisive le droit de vote, soit la création d'un registre des électeurs ou d'une liste électorale (voir Vérification de l'admissibilité et de l'identité à l'inscription des électeurs).
En troisième lieu, signalons que la réglementation électorale établit avant tout une procédure et qu'il faut prendre de nombreuses décisions pour assurer le bon fonctionnement du processus électoral, comme le moment de déclencher des élections et la publication des résultats. Il faudra aussi décider :
- qui peut présenter des candidatures et quelles exigences devront être respectées (voir Inscription des candidats et Organisations politiques);
- qui est chargé de proclamer la liste des candidats officiels (voir Inscription des candidats);
- quelles activités de campagne sont permises et à quelle sorte d'aide publique ou privée les candidats peuvent s'attendre (voir Campagne électorale);
- toutes les opérations de vote et de dépouillement des votes (voir Tenue du vote), y compris en ce qui concerne les résultats préliminaires et les échantillonnages de résultats (voir Proclamation des résultats), opérations qui peuvent s'avérer problématiques dans les pays en voie de consolidation démocratique.
L'aspect du processus électoral qui offre le plus vaste choix d'options est la structure de l'organisme électoral chargé de l'administration et du contrôle de tout le processus (voir Organisme électoral).
Règle générale, sauf dans les États fédéraux réunis démocratiquement, plus la méfiance envers les institutions d'un pays est grande, plus l'organisme électoral devrait être doté de pouvoir et d'indépendance.
Il est donc possible d'établir un « échelle de méfiance » où le plus haut degré de méfiance appele le modèle des tribunaux électoraux en vigueur en Amérique centrale, alors que le moindre degré permet des systèmes qui ne modifient pas le fonctionnement normal de l'administration et des tribunaux lorsque des élections ont lieu, comme c'est le cas en Allemagne.
Même s'il n'est pas facile de déterminer précisément le modèle le plus approprié à chaque pays, il semble que la solution la plus populaire pour les pays récemment démocratisés soit la création d'une commission électorale. En matière électorale, ces commissions remplacent totalement l'administration gouvernementale et laissent intacts la législature ou les tribunaux constitutionnels, tout en évitant d'instaurer un quatrième pouvoir, comme c'est le cas du modèle des tribunaux électoraux.
Voilà les éléments qui seront traités dans la section Cadre législatif, qui vise à présenter des solutions réalistes ou, tout au moins, à exposer les éléments requis pour faire l'analyse des problèmes et pour mettre en pratique les principes de justice et d'efficacité dans chaque cas à des coûts abordables pour le pays concerné.