Ce sont les médias de masse qui font de l’exercice de la liberté d’expression une réalité[1].
La Cour interaméricaine des droits de l’homme énonce de façon succincte un principe qui est universellement reconnu aujourd’hui en droit international : l’exercice de la liberté d’expression dans une démocratie a peu de sens si elle ne peut être exercée qu’au niveau individuel. La liberté d’expression ne concerne pas seulement ce qu’on a le droit de dire à son voisin, ou ce qu’il a le droit de nous dire. Elle concerne aussi, et surtout, l’expression de faits et d’opinions et la transmission d’informations à travers les médias.
Le tribunal international ayant le plus développé cette approche est la Cour européenne des droits de l’homme. Cette dernière a conclu que la liberté des médias est indispensable pour tenir les citoyens informés :
« La liberté de presse donne au public un des meilleurs moyens pour découvrir et se former une opinion sur les idées et attitudes de leurs leaders politiques. Elle donne en particulier aux politiciens la possibilité de commenter les préoccupations de l’opinion publique après y avoir réfléchi. Cela permet à chacun de participer à un débat politique libre, ce qui est au cœur même du concept d’une société démocratique[2]. »
Les médias informent le public sur les questions d’intérêt public et agissent comme chiens de garde du gouvernement :
« Il incombe à la presse de transmettre des informations et des idées sur les questions d’intérêt public. Le public a aussi le droit de recevoir ces informations et ces idées. Si tel n’était pas le cas, la presse ne serait plus en mesure de jouer son rôle vital de chien de garde[3]. »
Selon la Cour européenne, le rôle démocratique des médias revêt deux aspects : l’information du public et la surveillance du gouvernement. Ce rôle n’impose pas d’obligations particulières à quelque média que ce soit. Il oblige plutôt les gouvernements à s’assurer que les médias sont en mesure de remplir ces fonctions. Ce principe a des implications pratiques évidentes dans le domaine des élections.
Les gouvernements peuvent réglementer les aspects techniques de la radio-télévision selon la Cour européenne. La distribution des fréquences doit se faire d’une façon juste et non discriminatoire. Les médias sont assujettis au droit du pays – par exemple, en matière de diffamation ou d’incitation – mais en règle générale, les gouvernements ne peuvent pas restreindre le contenu des médias.
[1] Adhésion obligatoire à une association prescrite par la loi pour la pratique du journalisme, Cour interaméricaine des droits de l’homme, Adv. Opn. OC-5/83 du 13 nov. 1985, série A no 5, repris dans le Human Rights Law Journal (7) (1986), 74 et dans 8 EHRR 165.
[2] Castells contre Espagne, jugement du 23 avril 1992, série A no 236, paragr. 43.
[3] Thorgeirson contre Islande, jugement du 25 juin 1992, série A no 239, paragr. 63.