Les sondages d’opinion, qui mesurent les comportements et les intentions de vote des électeurs, constituent une part importante de la couverture électorale dans la plupart des pays. La publication des résultats de sondages d’opinion fait l’objet de grands débats. Les démocraties établies ont des positions très divergentes sur la question. Seize des vingt-sept pays de l’Union européenne, par exemple, interdisent la publication des sondages avant le jour du scrutin, bien que ces délais d’interdiction s’étendent d’un mois complet à seulement 24 heures avant le jour en question. Seuls trois pays – l’Italie, la Slovaquie et le Luxembourg – en interdisent la publication plus de sept jours avant. Dans de nombreux pays européens, des difficultés juridiques survenues au cours des dernières années ont réduit la période d’application de l’interdiction[1].
Les États-Unis considèrent quant à eux que la couverture médiatique des sondages d’opinion fait partie intégrante de la liberté d’expression dans les élections, leur publication étant autorisée à tout moment. Le problème est que les résultats de sondages d’opinion, comme toute autre forme d’expression, ne représentent pas simplement l’opinion des personnes consultées, mais risquent également d’orienter les opinions d’autres personnes. En clair, le vote peut être influencé par ce que ces personnes ont appris dans le sondage d’opinion...ou pensent avoir appris.
Pour cette raison, les lois ou règlements peuvent tenter de contrôler la manière dont les résultats sont publiés (voire en interdire la publication). Les médias publics du Monténégro, par exemple, ne sont pas autorisés à publier les résultats des sondages d’opinion ou toute autre extrapolation des résultats d’élection. Le jour du scrutin, il est même interdit de communiquer les résultats d’élections antérieures.
Une interdiction totale de publication des résultats des sondages, qu’elle soit souhaitable ou non, est cependant difficile à appliquer. La France a longtemps interdit la publication des résultats de sondages (en période électorale uniquement). Pourtant, lors des élections législatives de 1997, certains journaux, comme Le Parisien et La République des Pyrénées, ont enfreint cette interdiction. Libération l’a contournée en publiant les résultats d’un sondage d’opinion sur son site Internet, qui est relié à la Tribune de Genève en Suisse. France Soir a suivi en rendant public un sondage avant le deuxième tour de scrutin[i]. C’est là un exemple évident d’une loi qui devient inefficace à partir du moment où elle cesse d’être respectée, même si elle l’a été depuis de nombreuses années. La France a depuis réduit cette interdiction à 24 heures.
Au Royaume-Uni, le code de l’organisme de réglementation de la radiodiffusion, l’Office of Communications (Ofcom), demande aux radiodiffuseurs de s’abstenir de publier les résultats des sondages d’opinion uniquement le jour même de l’élection, comme le précisent les directives éditoriales de la BBC.
Pour les sondages d’opinion, plus que pour toute autre question, le degré de professionnalisme dans la publication des résultats revêt une importance capitale. La décision du Monténégro d’imposer une interdiction totale de publication des résultats de sondages par les médias publics pourrait avoir sa raison d’être dans un contexte où une publication déformée des résultats pourrait sérieusement affecter l’issue d’une élection. Mais, de façon générale, il convient de traiter la question des sondages avec tact et il est préférable d’encourager les médias à énoncer eux-mêmes leurs propres critères de publication.
[1] « Political Opinion Polls », Spotlight, no 1, 2009, Oireachtas Library and Research Service, http://www.oireachtas.ie/parliament/media/housesoftheoireachtas/libraryresearch/Polling_web.pdf