Définition et principales caractéristiques
L'acte réglementaire principal est incontestablement la Loi électorale, mais les situations varient sur ce point selon les pays qui ont fait l'objet de l'étude. On peut observer une certaine tendance à incorporer toute la réglementation régissant les processus électoraux à suffrage universel dans un code électoral unique, mais dans plusieurs pays la réglementation électorale est répartie dans une variété de textes législatifs touchant par exemple les élections dans différents territoires, les élections à différents paliers de gouvernement ou même des aspects spécifiques du même processus électoral comme la structure et le fonctionnement des organismes électoraux (voir Pouvoirs législatifs directs ou indirects).
On peut donc se poser la question à savoir si un texte législatif doit comprendre un minimum de réglementation électorale pour être qualifié de loi électorale. On peut répondre en disant que le texte législatif électoral doit effectivement comprendre certaines dispositions clés comme :
- le droit fondamental au suffrage universel actif et passif, en énonçant clairement qui peut voter et être élu et les exigences requises pour voter et pour se porter candidat;
- les conditions d'une élection, y compris une définition précise de la circonscription électorale, la formule électorale ou son principe et la manière de voter;
- la procédure organisationnelle et les critères territoriaux, c'est-à-dire comment et où le vote se déroule;
- les mécanismes de contrôle des différentes phases du processus.
Rôle des lois électorales
Une loi contenant les dispositions précitées est effectivement une loi électorale, quel que soit son nom, et a pour but de jouer deux rôles principaux.
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D'une part, elle doit énoncer les éléments du système électoral mentionné dans la Constitution de manière à pouvoir les mettre en pratique. Par exemple, elle devra illustrer en détail comment un système à la proportionnelle enchâssé dans la Constitution doit fonctionner.
- Étant donné que des systèmes électoraux peuvent entraîner une distribution différente du pouvoir politique selon une même distribution du vote populaire, moins la Constitution énoncera de dispositions électorales et moins ces dispositions seront spécifiques, plus la législation fera l'objet de discussion politique. Par conséquent, la réglementation soulèvera une plus grande controverse entre les groupes politiques qui pourraient s'attendre à des résultats moindres ou accrus selon les options adoptées. Toute résolution de conflits ne peut s'avérer que controversée puisqu'il est impossible qu'elle soit favorable à tous. Il est donc impossible d'atteindre l'unanimité, peu importe la décision.
- D'autre part, la loi électorale doit énoncer la plupart des procédures et de manière suffisamment précise pour garantir pleinement l'efficacité du droit constitutionnel au suffrage universel actif et passif.
La tendance est de considérer la première série d'éléments comme étant primordiale et son contenu comme étant le plus caractéristique et le plus politiquement important alors que les procédures détaillées sont considérées comme ayant une importance secondaire.
Cette tendance est toutefois loin de la réalité. La loi électorale peut survivre sans porter atteinte aux principes de représentativité et de légitimité même si certains des aspects du système électoral font parfois l'objet de critiques. Un exemple classique est celui du Royaume-Uni qui a réussi à maintenir la permanence de sa loi électorale malgré les reproches de proportionnalité injuste des résultats électoraux et leurs conséquences sur son système de partis politiques qui, lui, demeure permanent. Dans un sens large, ceci peut représenter un aveu indirect que le rapport caractéristique entre les votes et l'attribution des sièges n'est jamais neutre ou impartial, mais que tous ces principes agissent à l'intérieur de certaines limites, comme le shérif de Nottingham qui dérobait les pauvres pour donner aux riches.
Toutefois, cette expérience démontre également que la législation électorale qui fait l'objet de reproches sur des aspects fondamentaux de son processus ne peut pas survivre dans un contexte d'élections concurrentielles si les doutes portent par exemple sur l'admissibilité des électeurs, sur l'intégrité du dépouillement des votes ou, avec certaines limites, sur l'exactitude du registre des électeurs.
À ce point de vue, l'expérience récente de la Russie est un exemple intéressant où les éléments de procédure ont revêtu plus d'importance que le système électoral lui-même. En décembre 1993, le Président Yeltsin a enjoint la Commission électorale centrale de rédiger une loi garantissant aux citoyens de la Fédération russe leurs droits électoraux fondamentaux, loi qui fut promulguée le 6 octobre 1994. Singulièrement, la version originale de cette réglementation ne représentait qu'une série de garanties des procédures, sans aucune mention des éléments du système. Ce texte législatif de base devait de plus être respecté par les autres lois qui régissaient l'élection des pouvoirs exécutif et législatif à divers paliers territoriaux.
C'est là un point qu'il faut prendre en considération dans la rédaction ou la réforme d'une loi électorale. Le principe fondamental n'est pas nécessairement d'arriver à des procédures parfaites, mais plutôt d'atteindre un consensus de tous les partis politiques majeurs concernant l'honnêteté de ces procédures. Ainsi, tous les partis considéreront les inévitables imperfections des procédures comme politiquement neutres et incapables d'affecter le résultat d'une élection.
Contenu type de la loi électorale
Partant de ces deux principes de base, une loi électorale devrait comprendre les éléments suivants :
- une définition du champ d'application des dispositions (quelles élections seront touchées);
- des dispositions touchant le système électoral (circonscription(s), nombre de sièges à combler, formule électorale);
- des dispositions énonçant le droit au suffrage actif et le mécanisme de son exécution, les circonstances de privation du droit de vote et des dispositions concernant l'inscription électorale;
- des dispositions concernant le droit au suffrage passif et énonçant qui a ou n'a pas le droit de se porter candidat et les conditions que ces candidats doivent respecter;
- des dispositions touchant l'organisme électoral (nomination, responsabilité, indépendance, procédures opérationnelles, etc.);
- une réglementation de la campagne électorale;
- les procédures du vote;
- les procédures de dépouillement des votes et de publication des résultats;
- des procédures régissant le financement des campagnes électorales et les contributions politiques.