À l'occasion, les organismes électoraux établissent un système d'échantillonnage informatisé des résultats transmis par ordinateur, télécopieur ou téléphone. Ils peuvent ainsi disposer des résultats préliminaires de tous les bureaux de vote à peine quelques heures après la fermeture des bureaux.
Il s'agit toutefois d'un système très dispendieux qui exige un réseau de communications solide et fiable. On ne peut en faire l'essai que dans les pays relativement industrialisés, sinon ce système peut être voué à de sérieux échecs et brimer considérablement la crédibilité de l'organisme électoral. Un exemple récent est celui de la Guinée équatoriale qui, lors de son élection en 1995, a fait l'essai d'un tel système en utilisant des télécopieurs de pointe reliés à un satellite au Canada. Le coût a été astronomique et le résultat, désastreux.
Dans certaines circonstances, la pratique est d'établir une procédure de résultats préliminaires types basés sur un échantillon de bureaux de vote et qui permet d'extrapoler pour arriver à un résultat d'ensemble. Il s'agit d'un exercice très différent des sondages à la sortie des bureaux de vote (voir Tenue du vote) parce qu'il s'agit de résultats réels, mais il ne s'agit pas non plus de résultats officiels à cause du nombre restreint de bureaux de vote qui font partie de l'échantillonnage. Cet exercice d'échantillonnage peut être organisé par l'organisme électoral (mais rarement, à cause du risque de publier des résultats préliminaires qui ne reflèteraient pas les résultats officiels), ou encore par les partis politiques, par les médias ou par des groupes d'observateurs locaux ou internationaux (voir Observation du vote).
Cette pratique est souvent utilisée, non pas dans le but d'avoir accès à des résultats préliminaires beaucoup plus tôt que les résultats officiels (comme ce fut le cas en Haïti en 1990, en Bulgarie en 1991 et en Albanie en 1992), mais plutôt dans le but de les comparer avec les résultats officiels proclamés par les organismes électoraux mêmes. Dans de tels cas où les échantillonnages de résultats sont utilisés comme moyen de contrôle, surtout lors d'élections de transition, on y réfère plutôt comme une méthode de compte parallèle.
En pratique, cet échantillonnage de résultats ou de compte parallèle a contribué aux fins suivantes :
- aux Philippines en 1989 et au Panama en 1990, il a évité la manipulation des résultats;
- au Chili en 1988 et au Nicaragua en 1990, il a contribué à convaincre le parti au pouvoir d'accepter des résultats auxquels il ne s'attendait pas;
- au Paraguay en 1989 et en Bulgarie en 1990, il a contribué à convaincre les partis de l'opposition que la victoire du parti au pouvoir était légitime en dépit des présomptions de fraudes;
- lors de l'élection de 1990 en Haïti, le compte officiel a tardé à être complété au point que 25 % du compte n'a jamais été complété; le compte parallèle effectué conjointement par les Nations Unies et par l'Organisation des États américains a même remplacé le compte officiel, même s'il avait été prévu dans le seul but de déterminer si un deuxième tour de scrutin serait requis, et représentait seulement 1 % du vote total.
La première décision qui se présente lorsqu'on considère un échantillonnage de résultats ou un système de compte visant un certain contrôle comme le compte parallèle est d'établir l'étendue de l'échantillonnage ou le pourcentage de l'électorat à considérer, afin de minimiser les possibilités d'erreurs. Il n'existe pas de formule magique, mais il est possible d'identifier les facteurs qui aideront à déterminer si l'échantillonnage doit être petit ou grand.
Lorsque le système démocratique du pays est bien établi et que ses éléments majeurs ont été éprouvés, l'échantillon peut être relativement petit. La technologie a démontré qu'il est possible d'identifier certains bureaux de vote qui, pris individuellement ou collectivement, sont représentatifs de la tendance du vote à travers le pays et permettent de concentrer l'échantillonnage exclusivement sur ces bureaux. Dans les circonstances où les facteurs précités ne sont pas fiables, il sera nécessaire d'utiliser un plus grand échantillon. Dans les pays en période de transition, il serait même préférable d'utiliser la méthode de compte parallèle.
L'échantillonnage dépendra également du degré d'homogénéité politique, sociale, culturelle, ethnique et même religieuse du pays et il faudra également déterminer si les groupements politiques sont largement décentralisés ou non. Plus il existe de facteurs semblables qui ont une incidence sur la politique du pays, plus l'échantillonnage devra être élevé et varié.
Les choix politiques auxquels font face les électeurs devront également pris en considération. Ainsi, l'échantillonnage des résultats sera des plus simplifiés si les électeurs n'ont à voter que pour l'une de deux options, comme lors d'un référendum ou lors du deuxième tour d'un scrutin présidentiel; mais il devient plus complexe dans la mesure où les options de vote se multiplient et lorsque le vote des électeurs devient de plus en plus sélectif.
Entre finalement en ligne de compte l'absence éventuelle de facteurs de classification des sujets de l'échantillonnage. Lorsqu'il n'est pas possible de classifier les sujets selon des caractéristiques déterminées (comme leur statut socioéconomique, leur culture, leur sexe ou leur appartenance à une option politique), l'échantillonnage sera fait sans aucun facteur particulier et devra être beaucoup plus étendu. C'est généralement le cas en période de transition dans les pays en voie de développement démocratique.
Ë cause de tous ces facteurs, l'étendue idéale d'un échantillon fiable des résultats varie largement. D'une part, nous pouvons citer le cas des élections présidentielles des États-Unis où un agencement favorable des facteurs précités a permis d'effectuer un échantillonnage des résultats en ne considérant que 2 000 réponses à travers tout le pays. Inversement, mentionnons l'expérience des Philippines en 1986 où MANFREL a dû effectuer un échantillonnage incluant les résultats de 70 % des bureaux de vote.
Pour des élections de transition, la tendance semble être d'opter pour un échantillon de 10 % des électeurs. C'est ce qu'ont démontré les cas du Chili en 1988, du Panama en 1989 et de la Bulgarie en 1990.
Il a déjà été signalé que les partis politiques, les médias ou les groupes d'observateurs locaux ou internationaux peuvent également effectuer des échantillonnages de résultats, mais on accorde généralement plus d'importance et de confiance à ceux effectués par des personnes ou des organismes qui n'entretiennent aucun lien avec les candidats ou les partis politiques parce qu'ils ont pour but de prévenir les échantillonnages frauduleux. Dans le passé, les échantillonnages les plus fiables et les plus neutres ont été ceux effectués par les observateurs locaux et internationaux spécifiquement à cause de la réputation internationale que ces groupes ont acquise.
Précisément parce que les organismes qui effectuent des échantillonnages de résultats sont indépendants des partis et des candidats et qu'ils ont à coeur la transparence de ce processus, il existe souvent des conflits entre eux et les organismes électoraux qui ont la responsabilité statutaire d'effectuer eux aussi des échantillonnages et qui indirectement exercent un contrôle sur le processus. Ainsi, lors des élections en Bulgarie en 1990, l'Association bulgare pour des élections libres s'est vu imposer des contraintes sérieuses par l'organisme électoral national qui ne lui permettait pas de publier les résultats de ses sondages à la veille des élections. Cette décision ne fut renversée qu'à la toute dernière minute. Toujours en 1990, le Conseil électoral suprême du Nicaragua a accepté un compromis avec les Nations Unies et l'Organisation des États américains en vertu duquel ces derniers n'ont pu publier les résultats de leur sondage qu'après une consultation formelle avec le Conseil.
Tout efficace que puisse s'avérer le processus d'échantillonnage des résultats préliminaires, il ne faut pas perdre de vue le principe qu'un tel processus ne doit être utilisé que dans le cadre de l'observation électorale et lors d'élections de transition. Sinon, et comme nous l'avons souligné lors de notre discussion sommaire du processus d'observation, le succès que ce processus a connu jusqu'à maintenant pour appuyer le processus démocratique contribuera inévitablement à sa disparition.
Ils doivent donc être considérés comme des mécanismes de développement démocratique appelés à être remplacés par les échantillonnages de résultats préliminaires effectués par les organismes électoraux eux-mêmes ou par les partis politiques dans le but d'exercer un certain contôle sur les organismes électoraux. De plus, ces échantillonnages de résultats ne peuvent s'effectuer que dans un environnement qui permet la liberté des médias, sans quoi leur utilité est tout à fait nulle.